Pourquoi cette raffinerie serbe pourrait se retourner contre Poutine
A Pancevo en Serbie, à une vingtaine de kilomètres de la capitale Belgrade, un ballet de camions-citernes frappés du logo NIS continuer de tourner. Il reste du carburant dans les réserves, mais on ignore pour combien de temps. Le gouvernement serbe assure qu'il ne faut craindre aucune pénurie de pétrole et la raffinerie nationale promet de «respecter toutes ses obligations» envers ses employés, mais l'incertitude grandit.
NIS (Naftna Industrija Srbije), la principale compagnie pétrolière du pays, possède environ 20% des stations-service du pays, en fournit autour de 80% et exploite l'unique raffinerie serbe, à Pancevo.
Les Etats-Unix exigent que les entreprises russes qui possèdent 56% de ses parts, Gazprom Neft et Intelligence, sortent totalement du capital, ce qu'elles semblent refuser pour l'instant. La Serbie avait vendu la majorité des parts de NIS à Gazprom pour 400 millions d'euros en 2008.
Plus de pétrole depuis octobre
Pas une goutte de pétrole n'est entrée dans la raffinerie depuis le 9 octobre, quand les Etats-Unis ont imposé des sanctions à NIS. Pour l'heure, les Américains n'ont pas imposé de sanctions secondaires, et la banque centrale autorise au jour le jour NIS à poursuivre ses activités. «La seule question est de savoir quand l’avertissement sur les sanctions secondaires arrivera», a cependant prévenu le président serbe Aleksandar Vucic mercredi soir depuis Bruxelles.
Face au bras de fer entre Washington et Gazprom, Aleksandar Vucic a donné jusqu'à la mi-janvier aux Russes pour vendre, affirmant que des Hongrois et des Emiratis étaient intéressés. Mais si les Russes refusent de céder leurs parts, le président serbe a prévenu que son pays était prêt à racheter NIS et vient de mettre de côté, dans son budget 2026 tout juste adopté, 1,4 milliard d'euros à cet effet.
Le système de paiements en cause
NIS et ses filiales ont contribué en 2024 à hauteur de plus de 2 milliards d'euros aux revenus de l'Etat serbe, selon le rapport annuel de l'entreprise, soit près de 12% du budget national.
Au-delà de Pancevo, les risques qui pèsent sur NIS sont une épée de Damoclès sur l'Economie serbe. La banque centrale s'expose elle-même à des sanctions si elle continue à autoriser NIS, sous sanction, à faire du commerce sur ses marchés.
L'entreprise court donc le risque d'être coupée du système de paiement serbe, ce qui la forcerait à arrêter totalement ses activités, et à fermer ses près de 330 stations-service — environ une sur cinq en Serbie. Plus de 50 villes n'ont aucune alternative à proximité.
«Tout le monde attend une solution»
Près de 1700 employés travaillent encore à Pancevo, mais aucun d'entre eux n’accepte de parler. Comme les leaders syndicaux, qui ont tous refusé nos demandes d'interview. Les employés s'attellent «aux tâches effectuées lors d’arrêts planifiés des unités de production», a indiqué NIS, soulignant que l’entreprise respectait «toutes ses obligations» envers ses plus de 13 500 employés à travers le pays.
Tomislav a travaillé pour NIS une grande partie de sa vie. «La raffinerie a été modernisée, et sur l'aspect technologique et sur l'aspect environnemental», explique-t-il. «C'est une excellente installation, j'espère qu'il y aura une solution à cette situation sera résolue», ajoute le retraité.
A Pancevo, les inquiétudes sur l'Environnement, du fait de la raffinerie, étaient parmi les principales de la population. Mais désormais, ce qui fait peur, c'est l'idée que la raffinerie ferme. «Tout le monde attend une solution. Quelqu'un va devoir en trouver une», explique Biljana Dejanovic, qui travaille à la mairie, précisant que la mise en veille a été un choc pour les travailleurs.
L'inquiétude pointe aussi chez Vladimir Mutavdzic, 33 ans. La situation «touche les transports, le chauffage, tous les aspects de nos vies».
