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Recycler ses sextoys, cette galère à laquelle personne ne pense

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Recycler ses sextoys, cette galère à laquelle personne ne pense

Mais comment se débarrasser de ces jouets sexuels lorsqu'ils sont usés ou passés de mode?
14.03.2021, 11:1314.03.2021, 13:34
Lucie Inland / slate
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Après des siècles d'une histoire quelque peu loufoque et – disons-le franchement – misogyne en matière de sexualité féminine à contrôler, les sextoys dédiés au plaisir de toutes et de tous ont progressivement fait leur entrée dans notre quotidien. Il y a eu entre autres le célèbre Rabbit créé par Vibratex en 1983, popularisé par un épisode culte de la série «Sex and the City» en 1998. Depuis, les godes, vibromasseurs et autres joujoux sexuels se sont invités dans de nombreuses chambres et autres lieux propices à jouir, en solo ou à plusieurs.

L'enquête IFOP et Dorcel Store publiée pour la Saint-Valentin 2017 met en lumière une banalisation progressive de l'usage des sextoys, en particulier chez les femmes. La pandémie de Covid-19 et ses deux (premiers) confinements ont été très profitables à ce secteur économique, de nombreux couples voulant sortir de la routine déjà pesante. Comme l'écrivait la journaliste Clémentine Gallot, «quant aux personnes seules ou isolées: on ne peut compter que sur soi-même».

Mais les sextoys ont une durée de vie limitée. Il y a d'abord l'usure due à un usage régulier ou à une mauvaise utilisation, notamment de lubrifiant incompatible. Le collectif Sexy Soucis rappelle qu'il faut éviter «d'utiliser du lubrifiant au silicone sur un sextoy en silicone, ça dégrade la matière et le jouet risque de s'abîmer» et qu'«il ne faut pas utiliser de corps gras (huile, beurre, etc.) car ça abîme les capotes et les rend poreuses donc inutiles.»

Il y a aussi la lassitude, l'envie de tester un jouet plus attirant et moderne, ou encore un changement de partenaire, et donc d'accessoires communs. Une fois inutilisables, les sextoys jetés à la poubelle posent un vrai problème écologique. Comment sont recyclés ces déchets un peu particuliers? Quelles sont les initiatives prises par les marques ou les boutiques dans ce sens?

Recyclage ou luxe, il faut choisir

Carmina, rédactrice en chef du «Tag Parfait» (le magazine de la culture porn), confie: «Ça fait des années que je cherche moi-même le moyen de les recycler, sans grand succès, et que je déplore le suremballage et les matières toxiques. Après, les bons sextoys se trouvent très bien en France, et il y a des marques européennes qui sont carrées sur le silicone utilisé. Mais c'est sûr qu'il faut mettre le prix, en moyenne 80 à 100 euros. Et si tu vas dans le moins cher, fatalement tu te retrouves avec du jelly, ce qui n'est vraiment pas bon pour le corps et l'environnement. Je sais qu'il y a maintenant des toys 100% recyclables, et que certaines marques réduisent les emballages. Mais ce n'est pas compatible avec le côté luxe, donc c'est compliqué.»

La Youtubeuse spécialisée en sexualité Clemity Jane a tout récemment publié la première partie d'une vidéo intitulée «Vos sextoys sont-ils écolos?». Elle y recommande des produits précis, et surtout partage des sources importantes dans le texte de description de la vidéo, forte de son expérience de plusieurs années. C'est ainsi qu'on apprend qu'il existe des sextoys «biosourcés» en acide polylactique, en acier inoxydable, en bois, ou en pierre précieuse.

Reste que globalement, la prise en charge du recyclage de ces objets n'est pas toujours simple, notamment à cause de leur traitement de finition. Par exemple, les sextoys en verre ne sont pas recyclables au même titre que les bocaux alimentaires. Sans compter l'impact écologique et humain de leur fabrication, comme l'usage de phtalates, encore présents dans la fabrication de certains objets, et la question du budget nécessaire à leur acquisition. La deuxième partie de sa vidéo portera sur des composants électroniques, des préservatifs et les lubrifiants, qui sont évidemment à englober dans cette grande question qu'est le recyclage des sextoys.

Seconde main

La créatrice de contenus «couteau suisse du cul» Métaux Lourds confie qu'il est possible de donner une seconde vie à ses sextoys: «Je les offre, à mon entourage uniquement.» Un sextoy traité avec soin, c'est-à-dire lavé au savon et séché après usage, utilisé avec un préservatif en cas de changement d'orifice ou d'échange entre plusieurs partenaires, puis nettoyé avec un produit désinfectant spécifique ne présente en effet aucun risque de transmission d'infection sexuellement transmissible. D'autant plus qu'un virus tel que le VIH ne survit pas longtemps à l'air libre.

Métaux Lourds rappelle la nécessité de se faire régulièrement dépister pour que ce cadeau soit aussi sécurisant que possible. Néanmoins, cette démarche semble minoritaire, soit car peu documentée, soit car il n'est pas évident de partager ces objets intimes par excellence, comme on le fait pour ses vieux vêtements. «Même dans des espaces de confiance, les gens ont encore honte d'en parler.»

«Je les offre, à mon entourage uniquement»
Métaux Lourds, créatrice de contenus spécialisé en sextoys

La seule offre pérenne en recyclage de sextoys en France est celle de la chaîne de love stores Passage du désir. Il est possible de les envoyer par voie postale ou de les déposer dans les poubelles en boutique. Ensuite, l'entreprise Ecosystem les prend en charge pour leur offrir une seconde vie, notamment sous forme de mobilier de jardin. Un bon d'achat est offert pour récompenser ce geste écoresponsable, et les sacs en papier fournis en boutique sont en matériau recyclé.

«Les poubelles sont pleines toute l'année dans tous nos magasins. On récupère tous les modèles et toutes les marques», raconte Patrick Pruvot. Le fondateur de la marque explique que l'opacité autour de la composition des sextoys est maintenue tant par certains fournisseurs, qui refusent de communiquer sur la question, que par les douanes. «Elles ne demandent pas la composition de ces produits car pour elles c'est du ?matériel de massage externe? et rien de plus.» Pensée pour un certain catalogue de vente par correspondance et ses photos de femmes souriantes, un vibromasseur innocemment posé sur la joue.

«En plus d'être une démarche bénéfique commercialement pour notre marque, c'est aussi un signe de banalisation de ce secteur: les démarches écoresponsables sont partout, c'est une forte préoccupation actuellement, donc pourquoi pas pour les sextoys aussi?» En attendant de voir cette offre proposée par d'autres enseignes, cette solution existe dans la limite de ce qui peut être recyclé dans ces produits.

Les limites du marketing

Il n'est évidemment pas question de ne plus acheter de sextoys ou de devoir investir un demi-mois de loyer pour l'orgasme de sa vie, mais vous réfléchirez peut-être autrement avant d'acheter votre prochain gadget. En plus du bien-être de vos muqueuses et de l'écologie, il y a un autre aspect à prendre en considération: celui des sextoys connectés, qui connaissent un certain succès depuis quelques années.

Dans un article pour «Vice», la journaliste Elsa Gambin pointe les limites périlleuses de la sextech. «Si un objet connecté est marketé comme adaptant la musique d'ambiance à votre excitation sexuelle, ce n'est pas fait par magie mais avec une collecte de plein de données à caractère personnel et un profilage en résultant. C'est peut-être sympa comme truc aujourd'hui, mais il se passera quoi si demain vous changez d'avis et n'en voulez plus?» Les sextoys ont définitivement une existence moins anodine qu'il n'y paraît.

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

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