Un jour de juillet comme les autres. Ou presque. A Disneyland Paris, une femme, assise sur un banc, sort discrètement un sein pour nourrir son bébé. Normal pour une jeune mère. Et les moments où ça vient, ça ne se prévoit pas.
Mais voilà. A Disneyland, il se trouve qu'il y en a de toutes les générations (des bébés et des parents, de vrais adolescents et des adulescents), mais il y en a aussi de toutes les cultures. Et, pour les agents de sécurité, cela implique de ne pas laisser passer des choses qui pourraient choquer certains publics. Dont le fait d'allaiter discrètement. Du coup:
Bonjour, Disneyland Paris met à disposition des mamans, le BABY CARE CENTER avec du matériel adapté et confortable comme notamment des sièges spécial allaitement.
— Disneyland Paris (@DisneylandParis) July 5, 2021
On pensait que, soixante ans après l'époque des seins nus sur les plages, cette haine puritaine du sein était pour l'instant heureusement cantonnée aux Etats-Unis. Une hypocrisie de sainte-nitouche qui se manifeste notamment dans les robots de Facebook et de YouTube, censurant les contenus où des tétons sont identifiés. Mais non. Le fait d'être embêtée pour avoir donné le sein est maintenant bien installé en Europe. Et c'est même devenu chose récurrente.
Face à une séquence d'indignation sur les réseaux sociaux les jours ayant suivi cet énième incident d'atteinte à l'allaitement public, notamment de la part de la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur Marlène Schiappa, Disneyland Paris s'est excusé. Cependant, il vaut la peine de lire ce qui s'est précisément passé.
Interrogée dans Le Parisien, la mère a déclaré à propos des agents qui sont venus lui demander de se déplacer dans un coin solitaire:
Comment comprendre cette idée? Que la présence sur un territoire de personnes aux coutumes différentes doit nous obliger à revoir certaines de nos pratiques? Pourquoi pas, mais jamais cela n'est fait pour la simple raison que ces pratiques déplaisent aux fameux «autres». C'est au nom de valeurs auxquelles une société croit elle-même qu'elle peut – et doit – se permettre de se regarder avec un œil critique.
Ici, c'est tout le contraire. Le camouflage de l'allaitement est une pratique intolérante au nom de la tolérance. Ce qui équivaut, si l'on renverse l'ordre, à la tolérance de l'intolérable – idée dont Voltaire le premier avait montré l'absurdité. Il y a contradiction dans les termes quand on défend, au nom d'une valeur, des personnes qui bafouent cette valeur. Cela revient à défendre le contraire. A s'incliner et se renier.
Quand le respect de la femme, de la nature et tout simplement de l'humanisme se frotte à la «religion de l'autre», l'idéologie prend le pas sur la logique. Ce n'est pas pour rien que l'on entend peu de féministes actuelles sur le caractère misogyne de l'islam, par exemple. Or, dans le cas précis, ce trait culturel a apparemment été supposé par les agents – avec pour conclusion le respect de cette intolérance.