Avant les élections, Donald Trump avait promis:
De mots qui semblent avoir porté, puisque les sondages attribuent sa victoire aux électeurs pauvres et mal informés qui ont fortement souffert de l'inflation.
Mais Trump les a remerciés en imposant des droits de douane record, d'actuellement 18,6% en moyenne, sur toutes les marchandises. Il s'agit là des droits les plus élevés depuis neuf décennies.
Il a ensuite fait adopter une «grande et belle» loi fiscale, qui redistribue les richesses des pauvres vers les riches. Selon le Budget Lab de l'université de Yale, ces deux mesures ne font qu'enrichir les 10% les plus riches et appauvrir tous les autres. Les 10% les plus pauvres perdent même 7% de leurs revenus.
Les économistes ont averti que les droits de douane auraient pour effet d'augmenter les taxes à la consommation, d'accélérer l'inflation et de ralentir la croissance. Mais pendant longtemps, rien de tout cela ne s'est produit. Comme si les droits de douane ne coûtaient rien aux Américains. La bourse était en plein essor, et Trump jubilait.
Mais en juillet, les premières données ont montré que les droits de douane avaient bel et bien des répercussions négatives. Les entreprises doivent débourser davantage pour l'acier et l'aluminium étrangers, idem pour les textiles, le caoutchouc ou les plastiques.
Et d'ajouter qu'à un moment donné, les entreprises répercuteraient ces coûts et exigeraient des prix plus élevés pour les voitures, les maisons ou les réfrigérateurs.
En août, les droits de douane ont massivement impacté les biens de consommation. Les jouets ont été les premiers à voir leur prix augmenter. Walmart, le plus grand détaillant américain, a ensuite revu les prix des articles pour bébés ou des appareils de cuisine. Nike a fait de même avec certaines de ses chaussures, et Procter&Gamble avec ceux d'environ un quart de ses références: couches, lessives ou brosses à dents. Le café a grimpé de 14,5% dans le commerce de détail.
Les entreprises, quant à elle, subissent déjà une pression supplémentaire. C'est ce que montre l'indice des prix à la production, soit les tarifs que se facturent les professionnels entre eux dans le commerce de gros. La hausse a été si marquée en juillet que certains analystes ont d'abord pensé à une erreur: +0,9%, soit près de 11% sur une base annuelle.
Les légumes coûtent environ 40% de plus. Cela s'explique par les droits imposés au Mexique et par les expulsions massives. Certains agriculteurs se plaignent d'avoir perdu 70% de leur main-d'œuvre. Trump a aussi instauré des taxes au Brésil, d'où provient environ un tiers du café consommé aux Etats-Unis. Chez les grossistes, le prix du café torréfié enregistre +30% par rapport à l'année dernière.
Tôt ou tard, cette pression se répercutera entièrement sur les consommateurs. Selon l'agence de notation Moody's, cela se produira au printemps 2026, quand l'inflation atteindra un pic de 4%. Et un problème n'arrive jamais seul.
Les consommateurs affichent un pessimisme digne d'une période de récession. Apparemment, ils économisent déjà là où ils le peuvent. En été, cela concerne surtout les vacances: hôtels, vols et restaurants. Et au quotidien, cela se répercute sur les achats. Les grands distributeurs ont vu leur chiffre d'affaires progresser trois fois moins vite que l'année dernière, et même pas du tout après déduction de l'inflation.
L'économie crée par ailleurs beaucoup moins d'emplois. Il a fallu revoir à la baisse les estimations de croissance en la matière. Cela ne s'était vu que pendant la pandémie de Covid. Et enfin, l'économie dans son ensemble n'a plus l'allure de 2024: elle a fortement ralenti cette année.
Ces chiffres ont tellement irrité le président républicain qu'il s'en est pris aux porteurs de mauvaises nouvelles. Il a licencié la directrice du Bureau of Labor Statistics, responsable des statistiques de l'emploi. Et il a voulu faire renvoyer Jan Hatzius, économiste en chef de la banque d'investissement Goldman Sachs. Celui-ci avait tiré des conclusions sombres sur la base de ces chiffres moroses.
Trump devra continuer sur sa lancée. Hatzius a récemment déclaré que l'économie grandissait «très lentement» et s'approchait d'une «vitesse de décrochage», en dessous de laquelle le marché du travail s'affaiblirait de manière incontrôlée. Selon Mark Zandi, économiste en chef de l'agence de notation Moody's, un tiers des secteurs connaissent une récession, un tiers font du surplace et seul un tiers des secteurs sont encore en croissance. Il en conclut:
Pour la Suisse, cela signifie qu'elle sera encore davantage poussée vers des taux d'intérêt négatifs. Les droits de douane de 39% auront déjà cet effet, à moins que Trump ne revienne sur sa décision. Les économistes de la banque J. Safra Sarasin prédisent une réduction massive des emplois.
Et aussi irréel que cela puisse paraître, le risque que la Banque nationale suisse (BNS) doive baisser son taux directeur d'un demi-point de pourcentage en décembre, et que la Suisse retombe dans des taux d'intérêt négatifs, a «nettement augmenté».
Ce risque se renforcera davantage encore si l'économie américaine ne connaît qu'une croissance très lente, voire entre en récession. Cela freinera encore plus l'économie suisse, qui n'a pratiquement pas connu de croissance au cours du premier semestre. L'inflation, déjà faible, continuera de reculer. La BNS sera encore plus contrainte d'agir pour soutenir la conjoncture et renforcer l'inflation.
L'évolution du franc suisse par rapport au dollar constituera un facteur décisif. Plus ce sera le cas, plus le président de la BNS, Martin Schlegel, sera contraint de recourir aux taux d'intérêt négatifs. Il ne s'en cache pas, cette issue ne serait pas souhaitable.
(Adaptation française: Valentine Zenker)