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Un mercenaire de Wagner se confie: «notre vie ne vaut rien»

«Nous ne sommes que de la viande»: un mercenaire de Wagner se confie

Oleg a été capturé par les Ukrainiens et se trouve désormais dans un camp de prisonniers dans l'ouest de l'Ukraine. Le combattant attend un échange de prisonniers.
Oleg a été capturé par les Ukrainiens et se trouve désormais dans un camp de prisonniers dans l'ouest de l'Ukraine. Le combattant attend un échange de prisonniers.image: stefan schocher
Dans la guerre contre l'Ukraine, le fameux groupe Wagner représente la chair à canon de la Russie. Un combattant capturé par les Ukrainiens raconte pourquoi il est devenu mercenaire.
30.01.2023, 06:1108.05.2023, 11:40
Stefan Schocher, Ukraine / ch media
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Oleg se trouvait dans une colonie pénitentiaire en Russie lorsque les gens de Wagner sont venus le recruter. Leur offre était alléchante: une parfaite amnistie. C'est tout ce qui l'intéressait lorsqu'il a accepté de partir en guerre contre l'Ukraine.

Il a troqué sa tenue de prisonnier contre un uniforme, et le voilà de retour à la case départ. En effet, Oleg se trouve désormais dans un camp de prisonniers de guerre, quelque part dans l'ouest de l'Ukraine. Un bâtiment austère: des dortoirs, une salle de télévision, des ateliers où l'on colle des sacs en papier. C'est un homme grand et maigre, la trentaine, aux yeux fatigués.

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Oleg connaît la routine, les ordres des gardiens, comme s'il n'avait jamais rien fait d'autre que de se tenir en rang, la tête baissée. Il n'entre dans la pièce que sur indication du gardien. Il reste debout. Puis il s'assied précipitamment sur ordre, joint les mains entre ses genoux serrés, relève la tête et explique, le regard perçant, qu'il a fait de la prison pour des délits liés à la drogue. Il n'a jamais tiré sur des gens, il n'est pas un criminel violent.

Si l'on écoute les histoires de guerre racontées par les prisonniers du camp, on pourrait croire que les forces russes sont composées de cuisiniers, d'infirmiers et de chauffeurs. Ils étaient censés être tout, sauf des soldats qui se battaient et tiraient. La réalité est plus complexe. Toutefois, difficile de le prouver ou de réfuter ces affirmations au cas par cas.

Ce n'est pas le cas d'Oleg. Il a bien été en mission effective pendant un mois après son entraînement à Louhansk. Dans les tranchées, en première ligne, il n'a passé que deux jours, avant d'être capturé peu avant Noël.

Dans l'attente d'un échange

Oleg a combattu pour le groupe de mercenaires russes Wagner. Juridiquement, c'est un no man's land: la Convention de Genève ne s'applique qu'aux soldats des armées régulières, pas aux mercenaires. Il ne le savait pas avant de venir ici, dans l'ouest de l'Ukraine. Il attend désormais un échange avec quelques centaines d'autres prisonniers russes, pour la plupart des soldats réguliers.

Les autorités ukrainiennes traitent les hommes de Wagner comme des prisonniers de guerre. Aucune distinction n'est faite, selon un porte-parole ukrainien. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a accès au camp. Le CICR n'a pas voulu confirmer ou infirmer cette information, indiquant qu'il ne commentait pas publiquement des détails aussi délicats.

Wagner est une armée privée. Avant même l'attaque frontale de la Russie contre l'Ukraine, elle avait déjà effectué des missions militaires à l'étranger dans l'intérêt de la Russie: en Syrie, au Soudan, en République centrafricaine, à Madagascar, en Libye, au Venezuela, au Mozambique et au Mali. Une sorte de force d'intervention spéciale privée dont les pertes n'entrent pas dans les statistiques officielles.

Wagner est une milice avec un accès exclusif à des équipements lourds, une armée privée qui a accès aux ressources de l'État. Tout cela en violation du droit russe existant: les entreprises de sécurité privées armées comme Wagner sont en effet interdites en Russie.

«Wagner existe parce que quelqu'un a besoin de Wagner»
Oleg, ancien combattant du groupe Wagner.

Quand on lui demande qui est ce «quelqu'un», il hausse les épaules et se tait.

L'amnistie promise

La marge de manœuvre de Wagner est aussi exclusive que le propriétaire du groupe est puissant: l'oligarque Evgueni Prigojine. Un petit criminel des années 1980 qui a passé neuf ans en prison pour vol à main armée, s'est fait connaître dans les années 1990 comme entrepreneur de restauration à Saint-Pétersbourg et a gagné plus tard le surnom de «cuisinier de Poutine».

Avant le début de la guerre de la Russie contre l'Ukraine, Wagner avait la réputation d'être une troupe d'élite presque sectaire et intouchable. Mais depuis le 24 février 2022, l'entreprise alimente tout simplement la guerre de la Russie en Ukraine avec des combattants bon marché. Lorsque l'armée russe s'est retrouvée à court de moyens en Ukraine, Prigojine a obtenu une licence pour recruter dans les prisons russes: assassins, voleurs, escrocs, voyous, trafiquants de drogue comme Oleg. Tous peuvent partir au combat pour Wagner, sauf les violeurs. Le marché: ceux qui survivent six mois sont amnistiés.

Lui-même n'a vu que Wagner en Ukraine, dit Oleg. De l'entraînement à Luhansk, dans l'est de l'Ukraine, jusqu'à son déploiement. Pas d'armée. De la logistique à l'arrière jusqu'à la première ligne, selon Oleg, tout est Wagner.

Car, et il le dit ouvertement: Wagner est là pour ouvrir la voie à l'armée régulière russe.

Puis, après une pause, le regard à nouveau au loin: «Nous savions que nous étions de la viande, et nous l'avons accepté.» L'idéologie, dit-il, n'a joué aucun rôle dans cette décision. Tout ce qui compte, c'est l'amnistie. Toutefois, il a aussi cru ce que la télévision russe lui a répété: l'Ukraine est occupée par des puissances occidentales qui tuent des civils.

De la chair à canon issue des centres de détention, pour ce que la Russie appelle la «dénazification».

«Notre vie ne vaut rien, on peut nous sacrifier»
Oleg, ancien combattant du groupe Wagner.

La mort partout

30 000 hommes environ auraient été recrutés à partir des prisons russes. Selon les estimations ukrainiennes, 80% d'entre eux seraient déjà morts, blessés ou capturés en Ukraine. Selon Oleg, de son groupe composé de 50 hommes, aucun n'est probablement encore en vie.

Il savait dans quoi il s'embarquait. Un troc: la mort ou la liberté. Fuir, se rendre, se retirer: toutes ces options ne sont pas envisageables. Il existe de nombreux rapports selon lesquels les combattants de Wagner se font tirer dessus par leurs propres hommes lorsqu'ils refusent de courir vers une mort certaine. Mais que se passe-t-il si, lors d'une mission à travers un désert de cratères, on perd l'orientation entre deux impacts et qu'on court vers une position ukrainienne? Ça lui est déjà arrivé, confirme Oleg.

Le sort des déserteurs

Pour ce qui est des déserteurs, Wagner est intraitable. Fait prisonnier en Ukraine, un homme de Wagner qui s'était montré trop coopératif avec l'ennemi, a eu la tête fracassée à coups de masse après l'échange de prisonniers. Le tout, devant une caméra. Le chef de Wagner, Prigojine, a personnellement commenté la vidéo: «une mort de chien pour un chien». Ce meurtre ne serait pas un cas isolé.

«Vous pouvez m'éliminer», dit Oleg à voix basse en levant les épaules. Il veut quand même rentrer chez lui. Après tout, son contrat se termine dans deux mois et avec ça, dit-il avec un sous-entendu interrogatif, il sera sans doute tiré d'affaire.

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