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Comment Poutine veut «faire geler» les Ukrainiens

epa10292105 People sit in a restaurant illuminated with candles as blackouts continue in downtown Kyiv (Kiev), Ukraine, 06 November 2022 (issued 07 November 2022). Kyiv Mayor Vitali Klitschko asked re ...
Les Ukrainiens se sont rassemblés après avoir été privés de lumière après un assaut de missiles russes.Image: sda

Comment Poutine veut «faire geler» les Ukrainiens

Le froid glacial menace les Ukrainiens qui sont privés d'électricité et d'eau courante. La population risque de connaître la plus grande épreuve depuis le début de la guerre. Explications.
28.11.2022, 18:5328.11.2022, 20:08
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La première neige est tombée en Ukraine à la mi-novembre. L'hiver arrive. Mais la joie des batailles de boules de neige et des illuminations de Noël reste limitée. C'est un hiver en guerre: outre les missiles russes, les Ukrainiens sont désormais menacés par des journées glaciales sans électricité ni eau courante.

Ce deuxième épisode d'une série en trois parties sur l'Ukraine est consacré à la situation humanitaire. Pour cela, watson s'est entretenu avec le politologue Nikita Gerasimov de la Freie Universität de Berlin et le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ).

Avec l'arrivée de l'hiver, la population ukrainienne risque de connaître la plus grande épreuve depuis le début de la guerre, estime Nikita Gerasimov. Et ce, à plusieurs égards: économiquement, au niveau de l'approvisionnement et mentalement.

En plus des missiles russes, les premiers flocons de neige tombent désormais du ciel. Un froid glacial, l'obscurité et l'absence d'eau courante: c'est ainsi que de nombreux Ukrainiens devront passer l'hiver. Suite aux attaques russes sur le réseau électrique, l'Ukraine doit faire face à des coupures de courant, mais aussi à des problèmes de chauffage, d'approvisionnement en eau et en gaz. L'objectif de la Russie: voler aux citoyens la lumière et la chaleur.

Des centrales électriques entre mains Russes

Nikita Gerasimov voit surtout de gros problèmes dans le système de chauffage et d'électricité. Déjà avant la guerre, tout ne fonctionnait pas toujours bien pendant les hivers froids. Une grande partie de l'infrastructure de chauffage et d'électricité date de l'époque soviétique et doit être modernisée. Avec la guerre, la situation s'est considérablement aggravée. De plus, les Russes ont pris pour cible les centrales électriques.

«Dans les zones actuellement occupées, l'Ukraine a perdu une grande partie de ses capacités de production d'électricité»
Nikita Gerasimov

Les exemples les plus connus:

  • La centrale nucléaire de Zaporijia, actuellement sous contrôle russe, produisait jusqu'à 50% de l'électricité nucléaire ukrainienne avant la guerre.
  • La plus grande centrale électrique au charbon – la centrale de Vouhlehirsk – est aux mains des Russes.
  • La centrale hydroélectrique de Kachovka n'est plus complètement sous contrôle russe, mais elle ne produit de toute façon pas d'électricité. Depuis le retrait des Russes de Kherson, la centrale se trouve dans une zone frontalière divisée. L'armée ukrainienne contrôle la rive ouest, tandis que la rive est se trouve sous le contrôle de l'armée russe.

La seule disparition de ses capacités de production d'électricité constitue déjà un énorme défi pour l'Ukraine. Nikita Gerasimov poursuit:

«Les attaques systématiques de missiles et de drones russes contre les infrastructures importantes ne font qu'aggraver le problème. On assiste déjà à des coupures d'eau et d'électricité pendant des heures dans tout le pays.»

Création de milliers de chaufferies

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé la mise en place de plus de 4000 chaufferies pour la population. Il a déclaré qu'il était certain que les Ukrainiens survivraient ensemble à cet hiver s'ils s'entraidaient.

Avec le début de la période de chauffage, il est fort probable que de grandes parties du pays se retrouvent sans chauffage stable, estime Nikita Gerasimov. À Kiev, l'approvisionnement en électricité pourrait s'effondrer. On parle déjà d'une «évacuation totale».

Et ce n'est pas tout: dans les régions du Donbass qui ont été contestées et libérées, de nombreuses maisons sont tellement détruites que les habitants n'ont même pas de quoi se protéger du vent hivernal. L'administration ukrainienne dit vouloir soutenir les personnes sur place, mais la forme que prendra cette aide est questionnable.

Près du front, la situation est particulièrement critique

L'administration ukrainienne a récemment livré plusieurs tonnes de charbon à la ville très disputée de Bakhmout pour le chauffage. watson a rencontré des bénévoles dans la ville qui distribuaient le charbon dans des sacs. Or, il ne s'agissait pas de briquettes de charbon de chauffage, mais de poussière de charbon. Difficile d'obtenir de la chaleur avec cela.

Anton Yaremchuk travaille pour l'organisation humanitaire Base UA dans les zones libérées et sur la ligne de front. Dans un entretien avec watson, il rapporte que la situation y est particulièrement dramatique.

«On ne sait pas comment ces gens vont pouvoir passer l'hiver»

La plupart d'entre eux ont cherché refuge dans leurs caves. Selon Anton Yaremchuk, ils chauffent les pièces souterraines avec des poêles bricolés.

«Les gens brûlent du bois et tout ce qui est combustible. Nous ne savons pas à quel point ça va devenir dramatique, mais ça risque d'empirer»

Selon lui, le président russe Vladimir Poutine veut provoquer une nouvelle vague de réfugiés et exercer ainsi une influence politique sur l'Europe. «Mais ce plan ne fonctionnera pas», estime Anton Yaremchuk. Les Ukrainiens se préparent à l'hiver et s'adaptent à leur nouveau quotidien. Ainsi, la plupart des stations-service possèdent déjà des générateurs à courant fort. Et ils seront probablement bien utiles. Car la situation s'aggrave notamment à Kiev.

Une évacuation totale de Kiev?

Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, dans un entretien avec le journal Bild, déclare:

«Ce sera le pire hiver depuis la Seconde Guerre mondiale»

L'Ukraine doit se préparer à des coupures de courant généralisées par basses températures, «le pire scénario». Il ajoute:

«Il faudrait alors évacuer certaines parties de la ville. Mais nous ne voulons pas en arriver là»

Selon le maire de Kiev, Poutine veut terroriser les gens, les «faire geler dans l'obscurité». Il s'agirait ainsi de faire pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais Klitschko affirme:

«Cela n'arrivera pas. A mon avis, les gens n'en seront que plus en colère, plus déterminés. Nous ne fuirons pas et ne mourrons pas, comme le souhaite Poutine»

Il a demandé à l'Allemagne d'envoyer d'urgence, outre des armes pour la défense, des générateurs, des vêtements de protection et du matériel humanitaire.

Un hiver rude pour les personnes déplacées

Le gouvernement fédéral est déjà en contact étroit avec le gouvernement ukrainien, estime une porte-parole du ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ).

La situation humanitaire en Ukraine en hiver devrait être critique surtout pour les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Plus de six millions de personnes seraient en fuite à l'intérieur de l'Ukraine. Elles ont souvent perdu tous leurs moyens de subsistance.

Pour que ces personnes puissent continuer à s'approvisionner en produits de première nécessité, comme des vêtements résistant à l'hiver et du matériel de chauffage, le BMZ met à disposition 200 millions d'euros. Une porte-parole du ministère explique:

«Ce montant correspond à l'aide mensuelle pour plus de trois millions de personnes»

Les limites de l'aide internationale

Selon le politologue Nikita Gerasimov, la Russie pourrait mettre des bâtons dans les roues de l'aide internationale. En théorie, un accord humanitaire tel que le «deal céréalier» est possible. Cela permettrait de livrer des biens résistant à l'hiver et des générateurs électriques via un couloir de sécurité convenu.

«Mais il est fort probable que le Kremlin cherche à empêcher cela»
Nikita Gerasimov

Car tous ces objets pourraient être à «double usage». Autrement dit, utilisables aussi bien pour la population que pour l'armée. «Pour faire simple, les générateurs électriques pourraient parvenir à Kiev, tout comme dans les formations sur le front», explique le politologue.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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