Déjà éprouvée par des mois de guerre, la résilience des Ukrainiens s'apprête à être mise à mal par le froid. Avec les premiers flocons, le baromètre est tombé sous la barre des -10°C à Kiev au cours des derniers jours. On attend prochainement les -20°C dans plusieurs régions du pays.
Une donnée bien prise en compte par Moscou dans sa stratégie militaire.
Depuis le 10 octobre, les infrastructures énergétiques ukrainiennes sont la cible d'attaques massives de l'armée russe. Plus du tiers d'entre elles auraient été détruites, selon Volodymyr Zelensky. Le 15 novembre, la plus grande frappe enregistrée a laissé plus de 10 millions de personnes sans électricité.
Objectif? Selon Andriy Yermak, chef du bureau du président de l'Ukraine, il s'agit d'abord de provoquer une nouvelle vague de migration. Puis, dans un second temps, de briser psychologiquement les Ukrainiens et de les pousser à accepter n'importe quel accord, pourvu qu'il mette un terme à la guerre.
Si ces attaques russes contre l'infrastructure énergétique ne s'arrêtent pas, les arrêts d'urgence pourraient durer non pas quelques heures, mais plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Les Ukrainiens doivent ainsi se préparer à vivre sans électricité pendant de longues périodes.
Ainsi, les petits conseils pour affronter au mieux les prochaines températures frigorifiques fleurissent sur la toile: comment fabriquer un chauffe-bougie avec des pots de fleurs pour chauffer une pièce, une bougie de tranchée pour cuisiner, ou encore créer une banque d'alimentation pour un routeur.
Apanage des soldats sur la ligne de front ou des habitants des zones occupées, la cuisson des aliments sur le feu, la collecte de l'eau de pluie et le chauffage au bois sont le lot de nombreux Ukrainiens. C'est le cas notamment à Izyum ou Kupyansk, rappelle le média russe indépendant Insider.
Dans la capitale, des coupures d'électricité ont lieu tous les jours. Les habitants de Kiev organisent leur travail et leurs activités en fonction des coupures qui peuvent, dans certains cas, se prolonger plus de six heures.
«Vous allez devoir vous préparer à passer du temps hors ligne sans Facebook, Telegram ou votre série préférée. Ces derniers peuvent être remplacés par la lecture de livres, des jeux de société ou certains travaux manuels», suggère, non sans une certaine ironie, le média ukrainien Kurs, qui a dispensé ses meilleurs conseils «pour survivre sans électricité ni gaz».
Même les résidents des agglomérations relativement sûres et des grandes villes doivent se préparer à une baisse du mercure dans les foyers. Si la température maximale autorisée est encore de 18°C pour le moment, les autorités exhortent les citoyens à se passer totalement de chauffage.
Le ministère de la Santé ukrainien a publié ses conseils, entre accumulation de couches de vêtements, isolation des locaux et utilisation de bouillottes pour affronter les coupures d'électricité de manière plus ou moins confortable.
Autre suggestion? Monter une tente dans son appartement, pour créer un espace restreint où la température peut monter plus rapidement.
Outre le fait de s'approvisionner en piles, bougies, vêtements chauds et sous-vêtements thermiques, les Ukrainiens sont encouragés à se constituer des banques d'alimentation, avec des conserves et des produits de stockage à long terme.
Sur Telegram, le gouvernement ukrainien y va également de sa recommandation pour se nourrir sans lumière, ni moyen de cuisson. Au menu: bouillie de sarrasin, couscous et flocons d'avoine, trempés plusieurs heures dans de l'eau froide.
L'alimentation en eau qui n'est pas sans poser problème. Dans certaines villes, les Ukrainiens font la queue pour s'approvisionner dans des points d'eau ou aux bouches d'incendies, où l'eau peut être consommée à condition d'avoir été bouillie au préalable.
Les plus chanceux qui vivent à proximité d'un lac ou d'une rivière peuvent s'y approvisionner. Voire faire fondre de la neige fraîche, comme l'explique le guide de montagne Myroslav Melnychuk, spécialiste des randonnées dans les Carpates, au média ukrainien Kurs. «Cette eau est adaptée aux besoins techniques, elle peut être bue en dernier recours.»
Il semblerait toutefois que l'infrastructure énergétique de l'Ukraine soit plus résistante que ce qu'anticipait Moscou. Le système énergétique ukrainien a une marge de sécurité assez élevée, rassure Maxim Timchenko, chef de la société d'énergie DTEK, à Pravda.
«Tout est bouclé et nous travaillons dans un seul système. À l'époque soviétique, un schéma de système électrique a été construit, où tout est mis en place pour des événements similaires à ceux qui se produisent aujourd'hui.»
Si la destruction complète de l'infrastructure énergétique ukrainienne est quasiment impossible, l'expert convient qu'il sera beaucoup plus difficile de garder les maisons au chaud. L'étape la plus difficile de l'hiver reste à venir.