Comment les Français profitent de l'Ukraine pour améliorer leurs canons
Sous le ciel lourd et bas, les détonations résonnent sur le plateau de Canjuers, dans le sud de la France. Avec l'expérience de la guerre en Ukraine, les canons Caesar de l'alliance stratégique franco-allemande KNDS se réinventent pour résister aux drones, nouvelle menace apparue avec ce conflit.
Les artilleurs se déploient pour envoyer plusieurs obus de 155mm qui éclatent sur ce camp militaire, le plus vaste d’Europe occidentale, alternant entre terre battue et lisières boisées sur les hauteurs, devant huit délégations étrangères venues d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie, autant de clients potentiels.
Un mélange d'efficacité et de versatilité
Avec l'augmentation des budgets militaires en Europe et les appels au patriotisme, la concurrence reste féroce face aux K9 Thunder sud-coréens qui équipent massivement l'armée polonaise, ou aux Panzerhaubitze 2000 allemands.
Léger et mobile, le Caesar est capable de neutraliser à une distance de 40km l’équivalent d’un terrain de football avec un seul obus, puis de repartir avant même que ses munitions n’atteignent la cible.
La mobilité, c'est ce qui lui évite d'être détecté et de devenir une cible: le taux de destruction du Caesar qui se déplace sur roues est d'environ 11%, alors qu'il va jusqu'à 50% pour certains systèmes plus lourds et souvent chenillés, assure Olivier Fort, directeur marketing artillerie de KNDS en citant les statistiques ukrainiennes.
Il peut arriver en moins de 2 minutes et demie sur sa position de tir et envoyer six obus en une minute.
L'Ukraine comme moyen d'apprentissage
Cette architecture fait qu'en Ukraine, le Caesar se déplace sans munitions à bord. Ces dernières sont en effet prépositionnées. En cas d'attaque de drones ou de munitions planantes, le système et l'équipage sont de ce fait protégés contre une explosion secondaire ultra-puissante.
Comme l'explique Olivier Fort, qui a été l'auteur de la doctrine d'artillerie de l'armée de terre française en 2012:
Sur le plateau de Canjuers, en raison d'une pluie incessante, le drone de renseignement censé transmettre les coordonnées de tir à la batterie n'est pas de la partie. Les munitions téléopérées, ces drones armés que KNDS a développés avec le droniste français Delair en un temps record dans le sillage de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, manquent elles aussi à l’appel.
Mais la démonstration grandeur nature est tout sauf théorique: principal fournisseur d’armement terrestre à l’Ukraine, KNDS s'appuie sur un retour d’expérience de terrain unique puisque près de 120 Caesar sont présents dans le pays.
Darot Dy, consultant aérospatial et défense du cabinet de conseil stratégique Roland Berger, résume:
Une cabine au blindage renforcé, un moteur modernisé: depuis l'entrée en service du premier canon Caesar en 2008, celui-ci a déjà fait ses preuves en Afghanistan, au Mali et en Irak, et ne cesse d'évoluer, assure KNDS. Olivier Fort estime:
L'une d'elles consiste à combiner l'utilisation de l'artillerie pour détruire les filets de protection sur les tranchées avant d'y envoyer des munitions téléopérées.
Survivre aux champs de bataille modernes
Pascal Fabre, directeur associé au cabinet de conseil AlixPartners, souligne:
Ils doivent désormais faire face au nouveau défi: «la transparence du champ de bataille» grâce aux satellites, mais aussi et surtout aux drones. Pascal Fabre ajoute:
La leçon numéro un de la guerre en Ukraine c'est «le besoin de se prémunir contre la menace des drones» et «concilier la puissance de feu avec la mobilité», déclare le lieutenant-colonel Renaud Durbecq, responsable du 35e régiment d'artillerie parachutiste qui anime la démonstration.
Autre invention anti-drone déjà utilisée en Ukraine: des leurres gonflables, répliques de canons Caesar dotées d’une signature thermique qui servent à détourner les drones kamikazes russes et à préserver les véritables pièces d’artillerie. Renaud Durbecq commente:
(ysc/neo/jbo/eb)
