Voici comment la Russie exploite le «fléau» de l'armée ukrainienne
Les frappes aériennes russes se sont depuis longtemps révélées bien plus efficaces contre la défense ukrainienne que les offensives terrestres. A l’aide de drones et de missiles, l’armée russe frappe jusqu’à Kiev, infligeant d’importants dégâts humains et matériels, tout en minant le moral du pays.
Mais ces attaques touchent aussi d’autres zones, provoquant la mort de soldats et alimentant le débat au sein des forces armées ukrainiennes. Des voix s’élèvent pour affirmer qu’un domaine en particulier n’est pas suffisamment protégé, à savoir les terrains d’entraînement où les nouvelles recrues sont formées au combat.
Les attaques sont régulières
Les critiques ont repris après une récente attaque russe. Selon des informations ukrainiennes, dans la matinée du 16 octobre, une frappe de missile russe a touché un site d’entraînement dont la localisation n’a pas été précisée, faisant de nouvelles victimes.
Le nombre exact de victimes n’a pas non plus été communiqué. Il s’agit du dernier épisode d’une série d’attaques contre des centres de formation militaire, régulièrement pris pour cibles par les missiles russes ces derniers mois. Ces frappes répétées mettent en lumière les failles dans les dispositifs de sécurité de l’armée ukrainienne, écrit le Kyiv Independent.
L’Etat-major a annoncé l’ouverture d’une enquête et d’une analyse des attaques visant les terrains d’entraînement. Des critiques, y compris parmi des officiers supérieurs, ont confié au média ukrainien qu’il manquait une défense antiaérienne efficace pour protéger ces installations. Le lieutenant-colonel Bohdan Krotevytch, ancien chef d’Etat-major de la brigade Azov déclare:
Selon le Kyiv Independent, Bohdan Krotevytch est, depuis longtemps, l’un des critiques les plus virulents du commandement militaire ukrainien. Là aussi, il reproche à l'Etat-major de faire preuve de négligence. Il estime que la responsabilité incombe au commandant en chef Oleksandr Syrskyï, «directement chargé de mettre en place un tel système et d’en contrôler l’existence ainsi que l’efficacité», selon Krotevytch.
Un problème hérité de l’époque soviétique
L’un des principaux points faibles de l’armée ukrainienne réside dans sa dépendance à l’égard d’anciens terrains d’entraînement soviétiques, souvent situés à proximité du front ou de la frontière russe. Ces installations sont non seulement vétustes, mais aussi très mal protégées.
S’ajoute à cela une fidélité tenace aux structures héritées de l’époque soviétique au sein du commandement militaire. Selon plusieurs critiques, cette inertie entrave la capacité de l’armée à tirer les leçons de ses erreurs et à assumer ses responsabilités. Oleksandr, un ancien instructeur dans un centre de formation proche de la frontière russe, affirme:
Le militaire, qui a travaillé jusqu’en juin dans l’un de ces centres, décrit la menace permanente des attaques russes:
Malgré la régularité des attaques, son ancien centre n’a enregistré aucune victime. Il attribue cela à plusieurs mesures préventives, comme le déploiement d’unités anti-drones, le camouflage des positions et l’interdiction des grands rassemblements.
Des recrues en danger
Les nouvelles recrues demeurent toutefois vulnérables, car elles manquent souvent de l’expérience nécessaire pour reconnaître les sons annonçant l’arrivée de missiles ou de drones.
Malgré ces risques évidents, Oleksandr estime que l’utilisation des anciens terrains d’entraînement soviétiques reste pour l’instant l’option la plus réaliste. Construire de nouvelles installations modernes exigerait non seulement beaucoup de temps, mais aussi des moyens financiers considérables. Des ressources dont l’Ukraine ne dispose pas en pleine guerre.
Lieutenant-colonel britannique à la retraite qui a conseillé le ministère ukrainien de la Défense entre 2014 et 2018, Glen Grant analyse la situation de manière nuancée dans le Kyiv Independent. Il explique:
En présence de grandes concentrations de soldats, les pertes sont quasiment inévitables.
Grant souligne que la responsabilité de la sécurité des recrues ne repose pas uniquement sur les commandants exerçant sur place. Si la qualité du commandement joue bien un rôle, il existe néanmoins des limites, notamment à la distance que les soldats peuvent maintenir les uns par rapport aux autres lors de certains exercices.
Selon Glen Grant, il est particulièrement difficile de trouver un équilibre entre une formation efficace et une sécurité maximale, une tâche d’autant plus complexe dans une guerre d’une telle intensité.
Traduit de l'allemand par Joel Espi