Les très controversées bombes à sous-munitions que Washington avait promises à Kiev la semaine dernière sont déjà arrivées à destination. C'est ce qu'a affirmé jeudi le Pentagone, sans préciser si elles avaient déjà été utilisées:
L'annonce de Joe Biden, jeudi dernier, avait soulevé une vague de réactions préoccupées. Les dirigeants d'une dizaine de pays, dont le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne, avaient exprimé leur inquiétude, tout comme les Nations unies (ONU) et plusieurs ONG. Amnesty international dénonçait notamment «une mesure rétrograde», tout en rappelant que:
Les armes à sous-munitions sont des conteneurs remplis de petites bombes explosives, dispersées depuis les airs sur une vaste superficie. Le problème principal, c'est que plusieurs de ces projectiles n'explosent pas, conservant leur capacité meurtrière pendant des années. Des terrains peuvent ainsi rester contaminés, ce qui empêche de les utiliser pour l’agriculture ou d’autres activités.
L'écrasante majorité des victimes de ces bombes sont des civils: sur les 149 morts recensés dans le monde en 2021 par le Cluster munition monitor, 144 étaient des civils, et 90 étaient des enfants. A cause de leurs conséquences, 110 pays ont adhéré à une convention interdisant totalement leur emploi. Les Etats-Unis, la Russie et l'Ukraine ne figurent pas parmi les Etats signataires.
La Russie a largement eu recours à des bombes à sous-munitions depuis les toutes premières phases de l'invasion de l'Ukraine. Rien que pendant la première moitié de 2022, au moins 689 victimes de ces armes ont été signalées dans le pays, selon le Cluster munition monitor, qui rappelle que le nombre réel est probablement plus élevé.
Amnesty affirme avoir documenté «l'utilisation illégale» de bombes à sous-munitions par les forces russes dans plusieurs villes de l'est de l'Ukraine. Certaines de ces attaques constitueraient «des crimes de guerre». Même l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), quelques jours après le début de l'invasion, a accusé Moscou de recourir à ces armes.
Les responsables ukrainiens ont exprimé de vives inquiétudes sur le sujet. En avril 2022, la procureure générale Iryna Venediktova a déclaré devant l'ONU que Moscou «ignorait de manière flagrante le droit international humanitaire» en recourant à ces «armes perfides qui causent des blessures superflues et des souffrances inutiles parmi les civils».
Pourtant, l'Ukraine a, elle aussi, largué des bombes à sous-munitions sur les territoires occupés par les forces russes. Une enquête de l'ONG Human rights watch (HRW) a montré que les forces de Kiev ont bombardé la ville d'Izioum et les villages voisins avec ces armes, faisant «beaucoup de morts et de blessés graves parmi les civils», entre mars et septembre 2022.
Le Cluster munition monitor a documenté au moins trois attaques effectuées avec des armes à sous-munitions par l'armée ukrainienne l'année dernière. Kiev n'a pas nié avoir utilisé ce type de bombes, tout en assurant que ses forces «respectent strictement les normes du droit international humanitaire».
Les autorités ukrainiennes ont en revanche nié avoir bombardé Izioum avec des armes à sous-munitions, malgré les preuves matérielles et les témoignages recueillis par HWR. Une chose est pourtant sûre: Kiev avait publiquement demandé à recevoir ce type de bombes. Le ministre de la Défense, Oleksiy Reznikov, les a même qualifiées de «game changer».
Les Etats-Unis ont justifié leur décision en affirmant que les stocks de munitions conventionnelles «étaient sur le point d'être épuisés».
Face aux réactions inquiètes d'une partie de ses alliés, Reznikov a assuré que les forces armées ukrainiennes respecteront cinq principes limitant les dégâts de ces armes: