La guerre en Ukraine entraîne la rupture d'un tabou en Pologne: au début de cette semaine, 400 soldats allemands de la Bundeswehr doivent être déployés dans le sud-est du pays, près de la frontière ukrainienne. Les troupes allemandes de l'Otan, hautement spécialisées, sont formées pour utiliser le système de défense antimissile américain «Patriot» contre d'éventuelles attaques de missiles russes ou biélorusses sur la Pologne.
La Pologne elle-même ne dispose pas encore de telles armes de défense antiaérienne et antimissile modernes. Elle reçoit désormais trois escadrons de «Patriot» de la Bundeswehr. La Pologne a déjà commandé 16 autres escadrons directement aux Etats-Unis il y a plusieurs mois, mais les premiers «Patriot» américains, sortis d'usine, n'arriveront probablement pas en Pologne avant 2026.
Parallèlement, Berlin livre un escadron «Patriot» au-delà de la frontière nationale du côté ukrainien – mais sans soldats de la Bundeswehr, car l'Otan ne veut toujours pas être directement impliquée dans le conflit armé avec la Russie. Les quatre escadrons doivent protéger les lignes de trains de marchandises entre la Pologne et l'Ukraine. Car c'est par là que transite aujourd'hui près de 90% de l'aide militaire occidentale à Kiev. «C'est la solution optimale», déclare Jaroslaw Kaczynski, l'homme fort de la Pologne, jusqu'à récemment vice-premier ministre et coordinateur de la sécurité.
C'est en novembre dernier que Kaczynski a lancé son idée de «Patriot» pour l'Ukraine, attaquée par la Russie. La ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht avait proposé de mettre à disposition de Varsovie deux escadrons de missiles «Patriot» allemands après un tragique incident à la frontière ukrainienne qui avait fait deux morts près du village polonais de Przewodow. Le nationaliste de droite Kaczynski, très hostile à l'Allemagne, voulait à la place remettre les «Patriot» proposés à l'Ukraine.
Pourquoi? Pour l'électorat de son parti au pouvoir «Droit et Justice» (PiS), les soldats allemands sur le sol polonais sont une provocation, c'est-à-dire des soldats allemands qui doivent protéger le pays de la Russie. Après tout, la Wehrmacht allemande a envahi la Pologne le 1er septembre 1939 et a assassiné jusqu'en 1945 environ six millions de citoyens polonais, dont une majorité de juifs. L'Allemagne est peut-être aussi membre de l'Otan, mais dans la campagne électorale qui débute, le PiS se montre résolument anti-allemand.
Entre-temps, Varsovie et Berlin ont trouvé un compromis après de longues tergiversations: trois escadrons de «Patriot» seront transférés la semaine prochaine en Pologne avec des experts de la Bundeswehr, un escadron sera envoyé en Ukraine. A partir de fin janvier, les soldats ukrainiens seront formés à l'utilisation de la technologie d'armement américaine en Allemagne et aux Etats-Unis.
«C'est un succès total pour le gouvernement polonais», commente à la radio nationale polonaise Jan Mosinski (PiS), un fidèle de Kaczynski. «Nous tenons à la sécurité des Polonais, et cette double livraison augmente le sentiment de sécurité.»