Ce n'est de loin pas la première fois que Evgueni Prigojine, le grand patron de la troupe de mercenaires Wagner, dénonce la «faim de grenades» dont souffrent ses soldats. A Bakhmout, où les combats font rage, ses hommes auraient besoin de pas moins de 10 000 tonnes de munitions par mois. Son cri, pourtant, est resté lettre morte. La faute à Moscou et aux «politiciens corrompus» du ministère de la Défense qui, par dépit, «refuseraient» de l'approvisionner.
Cette hypothèse pourrait être avérée. Ou, peut-être, la pénurie de Wagner est-elle simplement due au fait que la Russie commence à manquer de munitions de manière générale.
Au cours des dernières semaines, la pénurie d'obus d'artillerie s'est en effet aggravée côté russe, à tel point qu'un rationnement strict a dû être mis en place sur de nombreux secteurs du front. Une explication probable au fait qu'il n'y a pas eu de gain de terrain significatif pour la Russie, avance le ministère britannique de la Défense dans l'une de ses mises à jour quotidiennes.
Latest Defence Intelligence update on the situation in Ukraine - 14 March 2023
— Ministry of Defence 🇬🇧 (@DefenceHQ) March 14, 2023
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La situation est si grave que les Russes ont désormais recours à des munitions obsolètes, retirées du service, car inutilisables. L'industrie de la défense russe a été transformée sur ordre de Poutine en une «économie de commandement».
De son côté, l'Ukraine souffre également d'une «faim de grenades» aiguë. Le manque pourrait s'avérer pire encore que pour la Russie - qui tire actuellement quatre fois plus d'obus d'artillerie que l'Ukraine, malgré le rationnement.
Le ministre de la Défense Oleg Resnikov a donc récemment demandé aux pays de l'UE de livrer un million d'obus de 155 millimètres, pour une valeur estimée à quatre milliards d'euros. Et ce, rapidement. La situation est critique.
Le problème, c'est que les Européens ne possèdent pas ces munitions. Personne ne sait exactement quelle est l'ampleur réelle des stocks encore disponibles au niveau national. Les réserves stratégiques des pays européens et des pays de l'OTAN sont une affaire secrète.
Ce qui n'est pas un secret, en revanche, c'est que l'Europe n'a pas suffisamment investi dans les capacités de production ni dans l'augmentation des stocks au cours des dernières années. Actuellement, il faut environ un an pour qu'un obus d'artillerie commandé soit livré.
L'UE tente à présent d'y remédier par une action de grande échelle. Coût estimé: 2 milliards d'euros. Le premier doit permettre aux Etats-membres de rassembler des réserves et de les mettre le plus rapidement possible à la disposition des Ukrainiens. L'UE pourrait ainsi prendre en charge les coûts de près de 60% des munitions livrées. Avec une valeur marchande d'environ 2600 euros par obus, on arriverait ainsi à environ 650 000 engins.
Le second milliard doit servir à mettre rapidement en place des capacités de production et à combler les lacunes dans les stocks.
Actuellement, il existe en Europe 15 entreprises dans 11 pays qui fabriquent des munitions de 155 millimètres. Un obus neuf coûte environ 4000 euros à la sortie de l'usine.
Le commissaire européen à l'industrie, Thierry Breton, se trouve actuellement en Bulgarie, dans le cadre d'une tournée européenne pour relancer la production. Il a déjà demandé que les entreprises européennes d'armement passent «en mode économie de guerre».
On peut toutefois douter que cela se produise. Les gouvernements doivent d'abord créer les conditions nécessaires, dit-on dans l'industrie - ou comme le formule Armin Papperger, patron de Rheinmetall, dans une interview avec l'agence de presse Bloomberg: