Trump crispe l'Europe avec sa «théorie du fou»
La livraison a-t-elle été validée? Cette question occupe depuis des mois l’Ukraine et ses alliés européens. Car, pour l'envoi de missiles de croisière Tomahawk à Kiev, tout dépend du feu vert de Donald Trump. Le gouvernement ukrainien fait pression pour obtenir ces armes à longue portée, espérant ainsi renforcer sa capacité de défense contre la Russie.
Samedi dernier, le ministère américain de la Défense a donné son aval. Selon le Pentagone, rien ne s’oppose à une livraison, les stocks étant jugés suffisants. Plusieurs dizaines de Tomahawk peuvent donc être livrés sans affaiblir la capacité de défense nationale. La décision finale reviendra toutefois au président.
Trump reprend son numéro de girouette
Depuis plusieurs semaines déjà, il avait publiquement laissé entendre, et ceci à plusieurs reprises, qu’il envisageait de mettre cette arme très convoitée à disposition de l’Ukraine.
Mais Trump a de nouveau surpris, avec l'un des revirements, donc il a le secret. A la question d’une journaliste lui demandant s’il comptait approuver la livraison, il a répondu dimanche soir (heure locale):
Donald Trump se trouvait à bord de l’avion qui le conduisait de sa résidence privée en Floride à la Maison-Blanche. Mais Le président américain ne serait pas lui-même s’il n’avait pas aussitôt nuancé ses propos. Il a en effet ajouté qu’il pourrait très bien «revenir sur sa décision».
Cette déclaration s’inscrit dans une série de positions contradictoires que Donald Trump a adoptées ces derniers mois au sujet de la guerre en Ukraine. Les revirements diplomatiques à 180 degrés ne sont pas rares chez lui, et pas seulement en ce qui concerne l’Ukraine.
En matière politique étrangère, Trump semble avoir fait de l’imprévisibilité le pilier central de sa stratégie. En science politique, cette approche est connue sous le nom de «madman theory», ou «théorie du fou». Plus un acteur agit de manière imprévisible sur la scène politique, plus il sème la confusion chez les autres, les poussant souvent à céder.
L'Europe souhaiterait en faire plus
Pour l’Ukraine, cette attente signifie que le pays doit poursuivre ses attaques stratégiques contre les installations militaires et civiles situées sur le territoire russe avec les moyens dont il dispose déjà.
Et ceux-ci sont limités. Les stocks de missiles Scalp et Storm Shadow produits en Europe s’amenuisent, tandis que la production de drones rencontre depuis peu des difficultés d’approvisionnement en composants essentiels.
Les dirigeants européens ont donc récemment tenté d’accentuer la pression sur Donald Trump concernant les Tomahawk. Lors d’une visite à la Maison-Blanche le 22 octobre, le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a plaidé avec insistance afin qu'il autorise les livraisons.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a également exhorté les Alliés à fournir à l’Ukraine des armes de plus longue portée. Vendredi dernier lors d’une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, Keir Starmer a déclaré:
La voie diplomatique toujours considérée
La semaine dernière, l’émissaire spécial russe Kirill Dmitriev et l’envoyé spécial américain Steve Witkoff se seraient rencontrés aux Etats-Unis. Selon les médias américains, les deux hommes ont discuté de la «poursuite des relations entre les Etats-Unis et la Russie».
Le régime de Vladimir Poutine avait auparavant réagi à la possible livraison de Tomahawk par des menaces particulièrement virulentes à l’encontre des Etats-Unis. A l’issue de sa visite, Kirill Dmitriev avait déclaré que les deux parties étaient «assez proches» d’une solution diplomatique au conflit.
Faire pression sur l'économie russe
Le président ukrainien fonde de grands espoirs sur les missiles de croisière Tomahawk afin d’accroître la pression militaire et diplomatique sur le régime de Moscou et de pousser Vladimir Poutine à engager des négociations. Kiev a récemment fait état de 160 frappes réussies contre des installations pétrolières russes depuis le début de l’année.
L’intensification des attaques de drones contre les raffineries en Russie a entraîné une hausse du prix de l’essence dans le pays. Selon les autorités ukrainiennes, à la suite de ces attaques, la Russie aurait déjà perdu plus de 20% de sa capacité de raffinage.
Traduit de l'allemand par Joel Espi

