Comment Trump met l'Ukraine en danger avec sa «théorie du fou»
«Imprévisible»; c’est sans doute le qualificatif le plus flatteur pour décrire la ligne politique de Donald Trump. Aujourd'hui il dit une chose, demain son contraire. La chaîne NBC a récemment fait le compte: rien que durant la dernière campagne électorale, le président américain a modifié 141 fois sa position sur 23 sujets politiques majeurs.
Et ça, c'était avant même sa seconde investiture. Depuis que l’ancien promoteur immobilier et star de télé-réalité est de retour à la Maison-Blanche, son instabilité atteint de nouveaux sommets. Ce qui relevait auparavant du pur marketing personnel devient désormais politique officielle américaine, avec des conséquences bien réelles pour la communauté internationale.
Comme une girouette en pleine tempête
Lundi, le premier ministre australien Anthony Albanese était en visite officielle à Washington D.C. Sur l'agenda des discussions: un accord déjà conclu sur la livraison de sous-marins nucléaires, un contrat de plusieurs milliards sur les matières premières, ainsi que la guerre en Ukraine. A un journaliste qui lui demandait s’il pensait toujours que Kiev pouvait gagner, Donald Trump a répondu:
«Ils pourraient encore gagner», avant d'ajouter:
Pourtant, il y a un mois, Donald Trump affirmait exactement le contraire. Sur sa plateforme Truth Social, il a écrit que l’Ukraine pouvait gagner la guerre «avec du temps, de la patience et le soutien financier de l’Europe, et en particulier de l'Otan». Fin septembre encore, il qualifiait la stratégie militaire russe de «sans but», ajoutant que la Russie se trouvait «dans de GRANDES difficultés économiques» et que «le moment était venu pour l’Ukraine d’agir».
Une nouvelle rencontre en face-à-face
Moins de quatre semaines plus tard, la situation a changé du tout au tout. Après un appel téléphonique avec Vladimir Poutine, Donald Trump a soudainement mis fin à l’espoir ukrainien de recevoir des missiles de croisière Tomahawk. A la place, il a évoqué une possible rencontre avec le chef du Kremlin, cette fois à Budapest.
Un endroit probablement pas choisi au hasard: c’est dans cette ville qu’a été signé en 1994 le Mémorandum de Budapest, censé garantir la sécurité de l’Ukraine en échange de l’abandon de son arsenal nucléaire. La Russie a violé cet accord en 2014 avec l’annexion de la Crimée.
La théorie du fou
Ce n’est pas la première volte-face de Donald Trump en politique extérieure. Avant d’envisager des frappes contre les installations nucléaires iraniennes, il revendiquait même son imprévisibilité comme une stratégie. Il claironnait alors:
Des analystes comparent sa vision très centralisée du pouvoir à celle de Richard Nixon; certains y voient même des tendances autocratiques.
Selon Peter Trubowitz, politologue à la London School of Economics, Donald Trump change volontairement de position pour garder l’avantage dans la négociation politique, faisant dépendre la politique américaine de son caractère et de ses impulsions. En sciences politiques, cette stratégie est connue sous le nom de «madman theory» ou «théorie du fou». L’idée: plus un dirigeant paraît imprévisible, plus ses adversaires sont déstabilisés et hésitent à le défier.
La «propriété» de Poutine
Ce week-end, Trump a plaidé pour un gel de la ligne de front actuelle afin de mettre fin à la guerre. Selon le Financial Times, il aurait même fait pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour qu’il abandonne l’ensemble du Donbass à la Russie, ce que Kiev refuse catégoriquement.
Vladimir Poutine, lui, cherche à annexer toute la région du Donbass. Selon plusieurs experts militaires, s’il y parvient, il pourra utiliser cette position comme tremplin pour de nouvelles attaques, et poursuivre son objectif ultime: soumettre toute l’Ukraine.
Dimanche, à bord de l’Air Force One, Donald Trump a déclaré à propos du Donbass:
Ce qui intéresse avant tout le président américain, c’est de conclure un accord de paix et d’apparaître en négociateur historique, comme il tente de le faire à Gaza. Objectif: obtenir le prix Nobel de la paix. Et il semble prêt à faire des concessions à Vladimir Poutine pour y parvenir.
Dans une interview sur Fox News, il s’est montré convaincu que Vladimir Poutine allait «prendre quelque chose», en parlant des territoires occupés comme d’une «propriété» de la Russie.
Pour l’Ukraine, ces déclarations sont alarmantes. Lundi, la responsable de la diplomatie européenne Kaja Kallas a mis en garde:
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder