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Les violences sexuelles contre les enfants explosent en Ukraine

epa11044034 Ukrainian children wearing traditional attire sing Christmas carols as they walk from house to house in Pyrogovo village, near Kyiv (Kiev), Ukraine, 25 December 2023, amid the Russian inva ...
Image: EPA

Les violences sexuelles contre les enfants explosent en Ukraine

Près de mille cas de violences sexuelles contre des enfants ont été recensés en Ukraine depuis le début de la guerre, estime une nouvelle étude. Ses auteurs alertent: ce n'est que la pointe de l'iceberg.
09.03.2024, 07:0109.03.2024, 07:01
Amir Selim / t-online
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Alertes à la bombe, abris antiaériens et destructions en tous genres sont le lot de nombreux enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion russe, le 24 février 2022. Certains d'entre eux ont également été victimes d'abus sexuels, mais le sujet n'a jamais été vraiment abordé publiquement.

Une nouvelle étude de l'organisation caritative Kindernothilfe veut combler cette lacune. Elle a recensé 915 cas de violence sexuelle perpétrés à l'encontre d'enfants dans le cadre de l'invasion russe. Il y a un an, le parquet général ukrainien n'avait signalé que 156 cas au total. Pourtant, ce n'est probablement que la pointe de l'iceberg, explique Judith Striek, l'une des auteurs de la recherche.

«Il y a un nombre de cas non déclarés immensément élevé»
Judith Striek, Kindernothilfe

Il n'est pas possible de dire à combien s'élève exactement ce chiffre. Le co-auteur de l'étude Elias Dehnen explique qu'en temps normal, en Europe, un enfant sur cinq est concerné par la violence sexuelle. En temps de guerre, la proportion devrait être plus élevée.

Le nombre élevé de cas non déclarés s'explique par plusieurs raisons:

  • Les données des provinces ukrainiennes proches du front et des zones occupées par la Russie font défaut;
  • Les enfants et leurs parents vivant dans les zones libérées par l'armée ukrainienne ne dénoncent pas les cas de violences sexuelles par peur des conséquences que cela pourrait avoir si la zone était à nouveau conquise;
  • Stigmatisation potentielle et inversion bourreau-victime: les personnes concernées pourraient craindre de se voir reprocher d'avoir collaboré avec l'ennemi;
  • Par manque d'information, les enfants concernés ne sont parfois pas conscients d'avoir subi des violences sexuelles;
  • Un manque de confiance dans l'Etat et les enquêteurs;
  • Des mesures de protection des victimes insuffisantes.

Afin d'encourager davantage de petites victimes à se manifester, les auteurs proposent une approche centrée sur les besoins des enfants. Selon eux, ce n'est pas le cas jusqu'à présent. Elias Dehnen espère que ce changement d'attitude permettra à davantage de personnes de témoigner.

Violences sexuelles comme tactique de guerre

Le parquet général ukrainien a mis en place un nouveau département qui s'occupe des cas de violences sexuelles liées au conflit. D'autres survivants envisagent actuellement de porter plainte contre des soldats russes pour violences sexuelles, même si la poursuite des auteurs est difficile en temps de guerre.

La plus jeune victime déclarée est une fillette de quatre ans de la région de Kiev. Un soldat russe a auparavant maltraité ses parents, puis il s'en est pris à la fillette. De tels enfants devraient être pris en charge psychologiquement. Pour cela, il faut du personnel formé, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Les initiatives en ce sens doivent être étendues, déclare Carsten Montag, membre du conseil d'administration de Kindernothilfe. «La violence sexuelle est utilisée comme tactique de guerre.» Certes, des ordres directs ne peuvent pas être prouvés. Mais le fait que ce type de violence fasse partie des conflits armés n'a «rien de nouveau», affirme Judith Striek.

Les cas du Rwanda et de la Bosnie

Cela a notamment été le cas au Rwanda et en Bosnie, où la violence sexuelle a également été utilisée comme tactique de guerre pendant les génocides, rapporte Daria Chekalova, vice-directrice de l'organisation «NGO Girls» en Ukraine.

Certaines personnes concernées ne se manifestent que 20 ans après leur expérience. En Ukraine, la société, la justice et la politique doivent s'y préparer. «Nous devons lutter contre le niveau élevé de stigmatisation», souligne Daria Chekalova. La déstigmatisation par la création d'une prise de conscience est sa principale préoccupation. Judith Striek partage cet avis:

«Il y aura de gros dégâts à long terme»
Judith Striek, Kindernothilfe

L'ampleur du phénomène ne deviendra plus claire que dans quelques années.

Actuellement, il y a par exemple des affiches dans les écoles qui demandent aux filles de ne pas «provoquer» les garçons, poursuit Judith Striek. De même, de nombreuses personnes en Ukraine pensent que seuls les garçons gays sont victimes de violences sexuelles. De tels préjugés et stigmates posent problème lors du traitement de l'affaire. Il y a d'énormes obstacles et défis pour les enfants nés de viols.

Sujet «balayé sous le tapis»

Daria Chekalova rapporte qu'en Bosnie, par exemple, il existe une compensation financière à long terme pour les victimes. Il n'y a rien de comparable en Ukraine, mais cela serait utile. En outre, il faudrait en général davantage de moyens pour pouvoir aider suffisamment les personnes concernées. Actuellement, dans les 24 régions de l'Ukraine, il n'existe que dix «safe spaces» (espaces sûrs) pour les victimes.

L'Ukraine ne doit pas non plus réinventer la roue. Il faudrait reprendre les approches et les programmes existants dans d'autres pays. Mais jusqu'à présent, le sujet est passé «sous le radar», selon Daria Chekalova. Pour Judith Striek, il est tout simplement «balayé sous le tapis».

Les participants placent leur espoir dans la conférence sur la reconstruction qui aura lieu en juin prochain. Les enfants et les jeunes seront des acteurs majeurs de la reconstruction du pays après la guerre. Jusqu'à présent, ce thème n'a pas fait l'objet d'une attention particulière.

«L'aspect de la violence sexuelle, notamment chez les enfants, est sous-représenté»
Carsten Montag
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Video: watson
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