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Donald Tusk pourrait sauver l'Ukraine et l'UE

Ce Polonais peut sauver l'Ukraine

Viktor Orbán veut bloquer l'aide militaire à l'Ukraine tant qu'il n'obtiendra pas plus d'argent de l'UE. Bruxelles doit prendre une décision: sauver l'UE ou l'Ukraine? Le problème pourrait être réglé par le nouveau premier ministre polonais.
06.12.2023, 05:4706.12.2023, 12:24
Tom Schmidtgen / t-online
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Ils ont échangé pendant plus de deux heures: le président du Conseil européen Charles Michel et le premier ministre hongrois Viktor Orbán. Fin novembre, tous deux se sont rencontrés dans la capitale hongroise – ils avaient à parler. Viktor Orbán a qualifié la rencontre de «très utile». Il a partagé une photo où on les voit se serrer la main et sourire à l'appareil photo.

Viktor Orbán met une nouvelle fois l'Union européenne (UE) sous pression. Cette fois-ci, la menace hongroise est existentielle: il s'agit soit de l'avenir de l'UE, soit de la sécurité de l'Ukraine – et donc, à plus ou moins long terme, de la sécurité de l'UE.

Sauver l'Ukraine ou l'UE?

Le premier ministre hongrois exerce une forme de chantage: quelques jours avant la visite de Charles Michel à Budapest, Viktor Orbán a exigé qu'un débat de fond sur la politique ukrainienne de l'UE soit mené lors du prochain sommet, la rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement des 14 et 15 décembre à Bruxelles. L'annonce de la Hongrie a eu l'effet d'un choc: en effet, les chefs d'Etat veulent lancer le processus d'adhésion de l'Ukraine lors du prochain sommet et soutenir le pays en guerre avec 50 milliards d'euros supplémentaires jusqu'à fin 2027.

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Mais Viktor Orbán est stratégique: de telles décisions importantes ne peuvent être prises qu'à l'unanimité au Conseil européen. Tant qu'il ne suivra pas, il ne se passera rien.

le président du Conseil Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen
Charles Michel et Ursula von der Leyen

Ainsi, le premier ministre hongrois place l'ensemble de l'UE, et en premier lieu le président du Conseil Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, devant un choix difficile: vont-ils sauver l'Ukraine? Ou sacrifieront-ils les normes démocratiques au sein de l'UE?

«Orbán montre clairement que l'Union européenne n'est pas capable d'agir à ce niveau»
Le député européen Daniel Freund (Verts)

Orbán veut l'argent de Bruxelles

Ce que Viktor Orbán vise avec l'annonce de son veto est clair: il veut que les milliards du fonds de reconstruction de l'UE lui soient enfin versés. Il pourrait ainsi aider son économie en difficulté (le taux d'inflation moyen sera de 17,7% cette année) à se remettre sur pied.

Mais l'UE a posé des conditions à l'obtention de cet argent: Bruxelles veut que la Hongrie retrouve le chemin de l'Etat de droit. Le versement d'un total de 13,3 milliards d'euros à la Hongrie a été bloqué par l'UE en 2020, car le pays est accusé de corruption et de nombreuses violations du droit européen. Un mécanisme spécifique a été créé à cet effet. La Commission craint que des subventions européennes accordées à la Hongrie ne soient pas suffisamment protégées contre les abus. Pour l'instant, le pays n'a pas l'air de se rediriger vers la direction souhaitée par Bruxelles.

L'UE a transféré 920 millions d'euros à la Hongrie la semaine dernière

Il est donc d'autant plus étonnant que l'UE ait versé une tranche de 920 millions d'euros à Budapest avant la visite de Charles Michel, pour la transformation du système énergétique hongrois. Apparemment, comme le déduit le média en ligne bruxellois «EUobserver», l'objectif était de ne pas donner à Viktor Orbán une raison d'opposer son veto lors du sommet européen de décembre.

«Chaque centime de l'argent de l'UE ne doit être versé qu'à condition que l'Etat de droit soit respecté»
La députée européenne Hilde Vautmans (Parti libéral belge)

Ce versement intervient la semaine même où le premier ministre hongrois a fait recouvrir sa capitale d'affiches antisémites. «Ne dansons pas à leur rythme», peut-on lire sur les affiches. A côté: les têtes de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et d'Alexander Soros, le fils de l'ancien soutien et aujourd'hui ennemi juré d'Orbán, George Soros, un mécène juif libéral.

Les critiques à son égard se mêlent souvent aux théories du complot antisémites. Le gouvernement hongrois a en outre envoyé à tous les citoyens un questionnaire pour savoir ce que ceux-ci pensent du soutien de l'UE à l'Ukraine.

Trop facile de faire plier Bruxelles

La docilité avec laquelle Bruxelles lui a transféré de l'argent pourrait inciter Viktor Orbán à exiger encore plus. Car si l'UE transfère les premiers millions sans que la Hongrie n'ait dû changer sa politique, pourquoi ne pas faire pression pour qu'elle envoie les milliards restants?

C'est probablement pour cette raison que Charles Michel s'est rendu en urgence à Budapest lundi. Il s'agit d'évaluer ce que Viktor Orbán veut exactement, ce que l'UE doit (et souhaite) lui donner. Tout semble indiquer une épreuve de force lors du sommet européen de la mi-décembre.

Si l'Europe laisse le premier ministre hongrois s'en tirer, d'autres gouvernements populistes pourraient se voir encouragés à démanteler l'Etat de droit, à restreindre la liberté de la presse, à corrompre les fonds de l'UE. Un scénario qui fait peur à Bruxelles: petit à petit, l'UE deviendrait moins démocratique, le travail dans les institutions s'enliserait, l'UE ne pourrait rien décider. De nombreuses décisions doivent en effet être prises à l'unanimité – un point très critiqué par l'Allemagne.

Donald Tusk pourrait arrêter Orbán

Au final, c'est une vieille connaissance de Viktor Orbán qui pourrait mettre fin à ses tentatives de chantage: le Polonais Donald Tusk, qui devrait bientôt devenir premier ministre à Varsovie. Il est considéré comme pro-européen, libéral – donc exactement le contraire du gouvernement précédent de Mateusz Morawiecki.

Mateusz Morawiecki a perdu sa majorité au Parlement lors des élections du 15 octobre, mais a tout de même été reconduit lundi au poste de premier ministre par le président Andrzej Duda. Toutefois, le cabinet de Morawiecki ne devrait durer que deux semaines. Cette nomination n'est qu'un pur spectacle destiné à prolonger artificiellement le mandat du PiS (parti conservateur polonais).

Mateusz Morawiecki doit en effet se soumettre à un vote de confiance au Parlement polonais au plus tard 14 jours après sa nomination. Il ne pourra pas passer cette épreuve, car il n'a pas de majorité. La voie devrait ensuite être libre pour le nouvel espoir de l'UE, Donald Tusk.

Comment arrêter Orbán

Donald Tusk, autrefois lui-même président du Conseil de l'UE, pourrait mettre fin à l'éternel blocage de la Hongrie. C'est la seule issue aux tentatives de chantage de Viktor Orbán.

Le Conseil européen peut suspendre la qualité de membre d'un pays. Le droit de vote au Conseil peut également être suspendu. Cette décision doit toutefois être prise à l'unanimité (sans la personne suspendue). Jusqu'à présent, un vote visant à suspendre la Hongrie ou la Pologne n'avait aucune chance d'aboutir, car ils se seraient sauvés mutuellement en votant «non».

Mais ce blocage pourrait prendre fin avec l'élection de Donald Tusk: le Polonais ne se placerait pas aux côtés de Viktor Orbán, il voterait avec le reste des Européens pour une suspension de la Hongrie – ou ce qui suffirait certainement: menacer le premier ministre hongrois d'une suspension en cas de nouvelles tentatives de chantage. Celui-ci aurait alors perdu son arme la plus puissante: le veto au Conseil européen.

Donald Tusk
Donald Tusk a été président du Conseil européen et auparavant premier ministre de la Pologne.

Reste à savoir quelle sera l'attitude du nouveau premier ministre slovaque Robert Fico: le populiste de gauche a stoppé l'aide militaire de son pays à l'Ukraine, et s'est également prononcé contre de nouvelles sanctions contre la Russie. Mais pour l'instant, Viktor Orbán et lui n'ont pas encore forgé d'axe Budapest-Bratislava. Le chef du gouvernement slovaque nouvellement élu va certainement commencer par se tenir tranquille. L'enjeu est trop important pour son – relativement petit – pays, la Slovaquie, s'il se frotte à Bruxelles.

Cela peut-il sauver l'aide à l'Ukraine? La question reste ouverte: Mateusz Morawiecki est encore en fonction jusqu'au 11 décembre. Ce jour-là, il posera la question de confiance au Parlement – et il est presque certain qu'il échouera. Seul le Président polonais, Andrzej Duda, peut dire si Donald Tusk sera premier ministre d'ici le sommet européen qui se tiendra trois jours plus tard.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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