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Rébellion Wagner: «Je m'attends à un déclin général en Russie»

«Je m'attends à un déclin général de la Russie»

Oleksandr Bogomolov est un conseiller du président Zelensky sur les questions de sécurité. Selon lui, la tentative de coup d'Etat de Prigojine annonce des luttes de pouvoir qui préoccuperont la Russie davantage que l'invasion de l'Ukraine. Entretien.
28.06.2023, 06:0828.06.2023, 11:33
Cedric Rehman / ch media
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La mutinerie de Prigojine a étonné le monde entier. A quel point l'Ukraine a-t-elle été surprise?
Oleksandr Bogomolov: Je peux d'abord parler pour moi et mon regard d'universitaire sur les développements en Russie. Je m'attendais à ce qu'il se passe quelque chose, mais quand cela s'est produit, il y a tout de même eu un moment de surprise. Dans l'ensemble, les développements confirment ce que j'observe depuis un certain temps déjà. L'Etat russe perd son monopole de la violence. Et c'est particulièrement dangereux pour une gouvernance basée sur la violence.

Oleksandr Bogomolov, le conseiller en sécurité de Volodymyr Zelensky.
Oleksandr Bogomolov, le conseiller en sécurité de Volodymyr Zelensky.dr

Que voulez-vous dire?
En Russie, il n'y a pas que le groupe Wagner ou les troupes tchétchènes de Kadyrov. L'Etat russe a demandé à des entreprises publiques comme Gazprom de mettre sur pied des armées privées. Contrairement à Wagner, elles ne jouent jusqu'à présent pas un grand rôle sur le champ de bataille dans notre pays. Le motif est néanmoins une externalisation de la violence à des acteurs privés. Dans un premier temps, cela a peut-être eu l'avantage de ménager les forces armées proprement dites et de tenir la guerre à distance des habitants des métropoles.​

«Lorsque l'Etat partage son monopole de la violence avec d'autres, c'est tout l'étatisme qui est rapidement remis en question»

C'est ce que nous avons vu avec de nombreux Etats défaillants dans le monde entier. Et le soulèvement de Prigojine inscrit désormais la Russie dans cette lignée, aux yeux de tous.

Il y a désormais un accord entre Prigojine et Poutine. Il doit se rendre avec ses combattants en Biélorussie, c'est-à-dire dans le pays voisin du nord, qui a déjà servi de tremplin pour une avancée vers Kiev. Quel danger cela représente-t-il pour l'Ukraine?
Il y a un risque. Mais il faudrait d'abord que Prigojine ait un motif pour intervenir de nouveau dans les combats en Ukraine. Nous ne savons évidemment pas exactement ce qui a été convenu entre Prigojine et Poutine. Mais Prigojine sait aussi qu'une attaque ne serait plus une surprise pour les forces armées ukrainiennes. Elles se sont préparées à un tel scénario.

Quelles sont donc les conséquences de la lutte pour le pouvoir sur la guerre en Russie?
L'évolution sur le champ de bataille dépend de nombreux facteurs. Il est certainement vrai que les soldats russes, dans une situation déjà misérable, sont maintenant encore plus démoralisés. Leur colère contre les commandants est déjà très forte. C'est également le cas des Russes dans leur pays. Ils ont acclamé Prigojine lorsqu'il a quitté Rostov. Il a toujours été synonyme de dureté dans la guerre. Cela montre que la population russe est de plus en plus agressive envers l'Ukraine et en même temps de plus en plus en colère parce que les autorités ne parviennent pas à fournir des résultats.​

Cette situation ne permet pas d'espérer un mouvement de la population russe contre la guerre.
Je ne les vois vraiment pas le faire. Les rares voix plus libérales sont soit en exil, soit en prison, soit mortes. La société russe se durcit de plus en plus. Les nombreux vétérans marqués par la guerre auront encore longtemps une grande influence.

«Le climat en Russie devrait continuer à se radicaliser»

L'Ukraine pourrait-elle profiter des failles du système Poutine?
Les dynamiques internes déclenchées par la guerre dans les cercles de pouvoir en Russie finiront par prendre le pas sur la guerre, j'en suis sûr. Le soulèvement de Prigojine a été la première étape. Les acteurs doivent désormais se tenir prêts pour d'autres affrontements. Reste à savoir jusqu'où cela ira, si Poutine tombera, si une guerre civile éclatera et si la Russie se désintégrera vraiment. Mais nous ne reviendrons pas à la situation d'avant le 24 février. Avant la guerre, Poutine était à la tête de l'Etat de manière incontestée. Ce temps est révolu.​

Poutine a préféré éviter «une effusion de sang»

Une Russie affaiblie est-elle encore plus dangereuse pour l'Ukraine et le reste du monde?
Les combats dans notre pays prendraient probablement fin en cas de guerre civile ouverte en Russie, même si je ne m'attends pas à un accord de paix dans cette éventualité. L'Ukraine devrait toutefois s'attendre à une vague de réfugiés qu'elle ne pourrait pas gérer avec tous les dégâts de la guerre. Je ne pense pas non plus que l'éclatement de la Russie soit le scénario le plus probable.​

«Je m'attends plutôt à un déclin général de la Russie»

Ils ont accéléré tous les processus défavorables dans leur pays en nous attaquant. L'objectif était en fait exactement le contraire, le retour à la grandeur impériale.

Et c'est un échec retentissant.
La Russie aurait eu une chance de se développer si elle avait adopté et façonné le processus de décolonisation après la fin de l'Union soviétique. Pour le Royaume-Uni, cela a été douloureux, et nous savons depuis le Brexit qu'il y a encore des séquelles aujourd'hui. Mais les forces impérialistes au sein de l'appareil russe ont très vite commencé à abattre toute idée d'une autre Russie dans les années 1990. Nous serons confrontés, au moins à moyen terme, à une Russie agressive qui représente une menace pour nous et le reste de l'Europe. Que Poutine reste le numéro un ou que quelqu'un d'autre prenne sa place est à mon avis secondaire.

La menace demeurera donc même après la fin de la guerre?
L'Europe a besoin d'une politique de dissuasion unifiée vis-à-vis de la Russie. Et l'Ukraine doit en faire partie. A moyen terme, nous n'avons pas d'autre choix.​

Traduit et adapté par Nicolas Varin

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