Lundi 13 février, l'ONG française pour les droits des femmes Equipop publiait son nouveau rapport d'activité très critique. Au cœur de leur analyse, le retour de bâton contre les droits des femmes et les mouvements féministes, et les recommandations faites au gouvernement français pour lutter contre le phénomène: accroître le financement des associations et des mouvements féministes, assurer la protection des activistes et faire de la lutte féministe un sujet de diplomatie prioritaire.
Car comme le rappelait Simone de Beauvoir à son époque:
En Suisse, a-t-on observé ce backlash décrié par les auteures du rapport, comme vécu en Afghanistan, en Hongrie ou encore aux Etats-Unis? Quels droits sont acquis, quels droits sont encore fragiles? Quelles recommandations pourrait-on faire à nos politiques? Eléments de réponse.
A la différence de notre voisin français, selon Carine Carvalho, députée socialiste au Grand Conseil, la Suisse est un pays fédéraliste et les changements perçus (ou non) s'observent plutôt au niveau cantonal. Ils divergent également selon les secteurs d'activités.
Malgré tout, comme le rappelle l'ONG Equipop, en matière de droits des femmes et d'égalité de genre, c'est souvent «un pas en avant, deux pas en arrière». Et la Suisse ne fait pas exception à la règle.
En tête de liste des «retours en arrière», Carine Carvalho cite les initiatives pour affaiblir le droit à l'avortement, comme celle lancée fin 2021 par Andrea Geissbühler (UDC/BE) et Yvette Estermann (UDC/LU): la première voulait introduire un délai de réflexion d'un jour avant toute interruption de grossesse (IG), la seconde s'opposait aux avortements tardifs. Plus récemment, fin 2022, une enquête de l'Illustré suivait les personnes qui se sont mobilisées, à Bâle notamment, pendant les 40 jours de la campagne antiavortement 40 days for life, née au Etats-Unis.
En deuxième et troisième position, elle cite les violences subies par les politiciennes ou les scientifiques sur les réseaux sociaux – souvent attaquées sur leur physique et non sur le contenu de leurs propos –, et le récent programme de l'UDC qui souhaite la fin du financement des bureaux cantonaux de l'égalité, ou de toutes politiques publiques qui vont dans ce sens.
Et quant est-il du fameux «pas en avant»? «A Lausanne par exemple, une application a été mise en place pour lutter contre les violences dans l'espace public et le harcèlement de rue, salue-t-elle. Cela a permis à la Ville de chiffrer le phénomène, de le rendre visible et de sensibiliser la population.»
Autre exemple cité, la mesure mise en place par le Conseil d'Etat vaudois «Qui frappe, part!», en 2015, qui permet à la police d'expulser de leur habitation les auteurs de violences domestiques et leur interdire l’accès à celle-ci pendant quatorze jours.
Aujourd'hui en Suisse, les mouvements sociaux, comme la grève féministe maintiennent la lutte vivante, restent vigilants et s'assurent de monter au front si certains droits sont bafoués.
Au niveau politique, plusieurs partis font de la question de l'égalité un point crucial de leur programme. Le Parti socialiste a, par exemple, la section «les Femmes socialistes», qui lutte pour l’émancipation des femmes et l’égalité des genres. Quant au monde du travail, les employeurs tendent à prendre cette question de plus en plus au sérieux:
Carine Carvalho est persuadée que pour viser plus d'égalité dans cette sphère, il faut investir dans des structures comme les crèches, valoriser les métiers dans lesquels les femmes sont plus présentes, comme la santé ou le travail social, et réduire les inégalités salariales.
Un discours qui ne date pas d'hier, qui a largement été répété et entendu, mais qui a pourtant encore bien du mal à s'insérer dans la réalité. «Le problème, c'est que les femmes sont sous-représentées dans les espaces de pouvoir, qu'ils soient politiques ou professionnels, analyse-t-elle. C'est difficile de donner un écho à ces questions lorsqu'on reste encore minoritaires.» Et de conclure: