Société
Témoignage watson

Difficultés financières chez les retraités: «Ne rien gaspiller»

Témoignage watson

Alice, retraitée: «Tout est cher, mais je donne encore aux mendiants»

Ces personnes âgées qui peinent à joindre les deux bouts, nous en connaissons tous. Avec l'inflation, la situation ne va pas s'améliorer pour les retraités. A l'approche des fêtes, watson est parti à la rencontre d'Alice*, octogénaire romande. Elle nous livre son quotidien, décortique les factures et explique où terminent ses économies.
24.12.2022, 07:5904.01.2023, 10:55
Plus de «Société»

L'esprit de Noël est dans l'air. Il est partagé entre frénésie capitaliste, cadeaux à gogo, et esprit solidaire à l'ancienne, propice à signer un chèque pour les plus démunis, à la lueur d'une bougie. Car cette année a des allures modernes de conte de Dickens, où l'on peut se retrouver à rationner son bois (ou ses pellets) pour le chauffage.

L'inflation pointe également le bout de son nez. Si pour certains, le prix du panier augmente à Manor, pour d'autres, c'est à Denner ou Aldi qu'il faut se serrer la ceinture. Le sillage des Trente Glorieuses est désormais définitivement effacé et ce monde nouveau draine avec lui son lot de moins bien lotis.

Une vie de petits boulots

Alice* m'ouvre la porte de son deux pièces et demi, à Lausanne. Un petit appartement joliment décoré, simple, lumineux. Elle mène une existence maigre avec sa petite retraite. Sans se plaindre, elle profite des petits moments que lui offre la vie.

Alice a pris sa retraite en 2003, après une vie bien remplie de petits boulots. Son mari, lui, a travaillé comme comptable durant des années.

Au début de la retraite, le couple a pu voyager, notamment en Grèce. Lui était un passionné de philosophie. «Nous avons fait toutes les îles grecques. Nous avons visité la grotte de Saint-Jean, sur l'île de Patmos.»

Sa rente chute après le décès de son mari

Les choses ont changé depuis que son mari est décédé, il y a cinq ans. Leur rente commune devient soudain une rente individuelle, et chute de près de 2000 francs d'un coup. Pourtant, c'est le même appartement et les mêmes charges à couvrir. Sa situation financière se tend.

Chez Mme Alice*, une retraitée qui peine à joindre les deux bouts, avant Noël.
Alice dans sa chambre. Elle préfère ne pas être reconnue mais accepte de témoigner pour tous ceux qui ont, comme elle, une maigre retraite.Image: dr

Elle touche son AVS et le reste du deuxième pilier de feu son époux. Au total, 3400 francs par mois. Après les charges de l'appartement, du téléphone, de l'assurance maladie, les tranches d'impôts anticipés et quelques autres frais, elle se retrouve bien souvent avec moins de 600 francs pour boucler le mois. Il suffit qu'une facture inattendue arrive et tout se complique.

Un style intemporel

Il faut dire que l'octogénaire prend la vie du bon pied et n'est naturellement que peu dépensière. Avec les courses, par exemple. Doit-elle se priver? Un petit sourire en coin se dessine sur son visage:

«Les commissions, je gère! Et j'essaie de ne pas gaspiller»
Alice, retraitée

En effet, après m'avoir proposé et servi un café (soluble), elle m'apporte une élégante petite coupe où trônent des sachets de sucre, récupérés lors des quelques fois où elle peut se permettre de sortir prendre un café.

Alice vit avec sa maigre retraite.
Un petit salon joliment décoré, du café soluble et des sucres récupérés dans des tea-rooms.Image: dr

Alice a fait des économies là où elle pouvait. Elle a abandonné son abonnement à un bouquet de chaînes complet. Désormais, elle ne regarde que les chaînes de base, ce qui lui va très bien. Elle allait également chez le physiothérapeute, trois fois par année. Mais c'est du passé désormais.

Quant à ses habits et ses chaussures, elle n'en a pas acheté de nouveaux depuis le décès de son mari, voilà cinq ans. Elle reste optimiste et malicieuse:

«Ce n'est pas un problème, j'ai un style plutôt intemporel de toute façon»
Alice, retraitée

Prendre plaisir à donner

Car malgré les difficultés, cette catholique en terres protestantes prend plaisir à donner avec bon cœur. «J'ai toujours de quoi donner à l'église», confie-t-elle dans un sourire.

«A la messe, je donne parfois deux, parfois cinq francs. Je suis contente, j'ai pu faire un geste»
Alice, retraitée

Pratiquante assidue, on peut imaginer que pour un budget serré, ces dons représentent une partie non négligeable de ses dépenses annuelles. «J'ai fait une enveloppe pour une mendiante qui est souvent dans la rue, avec une petite carte», dit-elle également.

Un peu d'argent de côté

Du coup, elle met de l'argent de côté. Des sommes qui ne finissent pas dans des dépenses superficielles. Elle économise pour les choses qui ont du sens. Comme les anniversaires de ses proches.

Si l'octogénaire «n'a pas eu la chance» d'avoir des enfants, elle prend soins de ses neveux et nièces, et de ses petits-neveux et nièces, comme une autre prendrait soins de ses petits-fils. Une partie d'entre eux habite en région parisienne. Elle garde plusieurs billets de dix euros de côté, qu'elle prépare avec un petit chocolat, «quand les petits Parisiens vont venir».

Ses économies actuelles? Ce sera pour aller voir West side story, en février prochain, au théâtre de Beaulieu. Elle espère pouvoir y aller avec une amie, même si elle est bien consciente du prix parfois élevé des billets. Elle y tient. Elle et son mari adoraient cette comédie musicale.

Ne pas être un poids

Pareil pour «le futur». Elle garde précieusement un peu d'argent dans un compte prévu pour le dentiste ou pour son décès, histoire que personne n'ait à payer à sa place. «Ça m'aurait inquiété qu'il n'y ait pas d'argent. On fera ça vite fait, bien fait.» Soit.

Et ses dents, elle qui porte un dentier? Alice n'est plus allée chez le dentiste depuis le décès de son mari, voilà cinq ans. «Mais pour ça, je ne veux pas demander d'aide.» Le ton est ferme.

«Je n'ai jamais été dans les dettes. J'ai fait attention à rester en devant»
Alice, retraitée

Car Alice ne veut pas être un poids. Faire le pas de demander de l'aide pour payer ses primes maladies a pris beaucoup de temps. Une assistance sociale a dû la convaincre. Mais, désormais, elle est contente de pouvoir économiser quelques dizaines de francs tous les mois.

«Avec son mari» pour Noël

Comment passe-t-elle Noël et les fêtes de fin d'année? Alice préfère rester chez elle, «avec mon mari», dit-elle en désignant l'urne, posée en face de sa table sur une étagère.

Chez Mme Alice*, une retraitée qui peine à joindre les deux bouts, avant Noël.
Une vie en photos, comme on en retrouve sur les étagères de nombreux retraités.Image: dr

Ne préfère-t-elle pas voir des amis? Elle secoue la tête, précise qu'elle préfère rester tranquille. «Cela n'a rien à voir avec l'argent.» Très bien.

«Je suis souvent invitée, mais je préfère rester à la maison. Je suis perdue, sans mon mari»
Alice, retraitée

Les images du passé

Et la maison de retraite? Pas question. Par contre, un peu plus d'argent ne ferait pas de mal. «J'ai signé pour l'initiative pour le treizième salaire AVS», assure-t-elle. «Ce n'est pas seulement pour moi. C'est aussi pour les jeunes, pour le futur.»

Actuellement, Alice touche encore ce qui reste de la LPP de son mari. Mais qu'adviendra-t-il lorsqu'elle ne touchera plus que l'AVS? Une situation qui risque de tout faire basculer. Nous n'y sommes pas encore.

Pour passer le temps, Alice prend souvent le bus et se balade à Lausanne. Un abonnement de bus exceptionnel de 80 francs par année lui permet de s'aérer les idées. Et voyager en train? Elle me coupe tout de suite:

«Non, le train, c'est trop cher»
Alice, retraitée

«Et puis, je n'ai plus envie, maintenant que je suis seule. Même si, à l'époque, nous allions manger la fondue et les meringues en Gruyère», dit-elle en se réchauffant avec les images du passé.

* Prénom d'emprunt

Copin comme cochon: les marchés de Noël
Video: watson
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
La tendance «tenniscore» va réveiller la riche pupute qui dort en vous
Sortez les jupettes à volants, les shorts, les chaussettes, les polos et les baskets blanches. La tendance «tenniscore» quitte les courts pour les trottoirs, pour le plus grand plaisir de l'aristocrate qui sommeille en vous.

Chers amis sportifs, si vous espériez une analyse sur les ultimes rebondissements des Masters de Monte-Carlo ce week-end, passez votre chemin. Vous êtes tombés sur la mauvaise chronique. Nous allons bien parler de tennis. Mais plus exactement de jupes à volants, visières à logo et polos à col V en coton. Car après le très rose «Barbiecore», le cul-cul «coquettecore», l'écoeurant «cottagecore» ou le bling-bling «golfcore», voici venu l'avènement de l'ère «tenniscore».

L’article