Dans une interview accordée au prestigieux Financial Times, Alberto Grandi a catégoriquement affirmé que les spaghetti carbonara étaient un plat américain. Et il va encore plus loin: selon lui, le meilleur parmesan se trouve actuellement dans le Wisconsin et le tiramisu est encore relativement nouveau dans la cuisine italienne. De plus, avant 1950, la plupart des Italiens n'auraient jamais entendu parler d'une pizzeria. C'est aux Etats-Unis que les restaurants où l'on ne sert que des pizzas seraient nés.
Alberto Grandi, qui enseigne l'histoire de l'alimentation à Parme, n'en est pas à sa première provocation. Il avait déjà fait parler de lui en 2018 lors de la publication de son livre Appellation d’origine fabriquée: les mensonges du marketing sur les produits typiques italiens, qu’il a décliné en 2022 sous la forme du podcast italien «Appellation d’origine inventée».
Les pâtes à la carbonara ont déjà fait l'objet de nombreux articles de presse qui les présentent comme des spécialités culinaires récentes. Un autre historien de l'alimentation, Luca Cesari, a écrit dans son livre Une brève histoire des pâtes que la carbonara est effectivement un plat américain né en Italie.
Alberto Grandi affirme que la recette des pâtes à la carbonara a été inventée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1944, avec des ingrédients que les G.I., soldats américains, ont apportés en Italie. Le plat a été préparé pour la première fois par un cuisinier italien pour les soldats américains à Riccione en 1944 à partir des rations de bacon et d'œufs disponibles.
Et en ce qui concerne le parmesan, il affirme que celui qui est fabriqué aujourd’hui dans le Wisconsin est très proche du parmesan produit en Italie d'avant-guerre. Le fromage y est spécial là-bas, car la recette originale n'a jamais été modifiée.
N'allez pas penser que tout ceci a été pris à la rigolade, bien au contraire. Les critiques les plus virulentes sont venues du Coldiretti, principal syndicat agricole italien qui dénonce «une attaque surréaliste contre les plats de la cuisine italienne, à l'occasion de l'annonce de leur candidature au patrimoine mondial de l'UNESCO». L'important lobby agroalimentaire craint même que l’article puisse avoir «des implications inquiétantes pour l’économie et l’emploi». Il a qualifié les arguments d’Alberto Grandi de «reconstitutions fantaisistes.»
On ne rigole pas avec la cuisine italienne, à tel point que les affirmations du professeur ont fait bondir le vice-premier ministre et populiste d’extrême droite Matteo Salvini. Ce dernier a réagi sur Facebook en dénonçant «le nutriscore, les insectes, et maintenant aussi les “experts” et journaux qui envient nos goûts et notre beauté». «Acheter, manger et boire italien est bon pour la santé!», a-t-il écrit.
Certo, e l'Amatriciana è giapponese...MAVAFFANCULO!!!
— RoBeRtO (@robby0767) March 26, 2023
Quant à la pizza, Grandi affirme qu'elle n'était fabriquée que dans quelques villes du sud de l'Italie avant la Seconde Guerre mondiale. Selon lui (et attention, ça va faire mal) le premier restaurant qui ne servait que des pizzas a ouvert ses portes à New York en 1911. «Dans les années 1970, la pizza était aussi exotique pour mon père que le sushi l'est pour nous aujourd'hui», a déclaré l'historien. Il ne va pas jusqu'à dire que la cuisine italienne est américaine, mais il déclare au journal La Republicca: «On confond l'identité avec les racines, qui sont des carrefours, des contaminations. On parle à tort d'identité: la cuisine est en constante évolution.»