La grande percée du géant chinois a du plomb dans l'aile. Ces dernières semaines, les pays occidentaux ont freiné des quatre fers face à TikTok, application la plus téléchargée en 2022, qui compte 1,7 milliard d'utilisateurs.
Les Etats-Unis et l'UE ont déjà sévi et interdit d'utiliser TikTok à leurs fonctionnaires. Monat Fortier, président du Conseil du Trésor canadien, s'est également prononcée sur l'interdiction de l'utilisation de l'application sur les mobiles du gouvernement. Les Etats-Unis pourraient même franchir un nouveau palier et tout bonnement interdire l'application sur son territoire.
Cet affrontement laisse entrevoir une bataille de gros sous. TikTok a amassé 9,4 milliards de dollars dans le monde en 2022 et pèse de plus sur le marché publicitaire. Mais il y a également des enjeux politiques.
La Chine mènerait une vraie bataille d'influence sur les territoires dits démocratiques, selon le livre La Guerre qu'on ne voit pas venir. Nathalie Loiseau (l'eurodéputée qui qualifiait la Suisse de «grosse et molle») y raconte comment, selon elle, la Chine chercherait à déstabiliser les démocraties occidentales.
TikTok est tout désigné pour être le grand méchant loup qui vient tout dévorer dans la bergerie. Mais il ne faut pas oublier les derniers scandales qui ont émaillé le puissant groupe Meta. L'épisode Cambridge Analytica rappelle que les dérives règnent aussi dans le cercle très fermé et très secret des GAFAM.
Amazon, Apple, Facebook, Google collectent nos données depuis longtemps et les Etats ne semblent pas s'y opposer avec autant de véhémence qu'avec TikTok.
Alors pourquoi TikTok pose autant de problèmes? En Suisse, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) nous explique que «l’utilisation de Tiktok sur les smartphones de service mis à disposition par la Confédération soulève non seulement la question de la protection des données, mais aussi la question de la protection des informations de la Confédération, plus précisément du secret de fonction.»
Il poursuit:
Le politicien américain et président de la commission de la Chambre sur la sécurité intérieure, Michael McCaul tenait un discours très virulent, parlant même de «menace pour la sécurité nationale».
La méfiance est d'autant plus forte que depuis l'affaire des ballons géants qui volaient au-dessus des têtes des Américains, elle prouve une réelle crainte entre la Chine et les pays occidentaux.
Pour le boss du FBI, Chris Wray, l'inquiétude est aussi au menu concernant l'influence et la manipulation de contenu.
La guerre en Ukraine est un exemple. Si cette guerre est qualifiée d'hybride, c'est tout simplement grâce à l'impact des réseaux sociaux. TikTok tient par ailleurs une part prépondérante dans l'échiquier de la grande bataille entre la Russie et l'Ukraine. Le groupe Wagner propage de la désinformation à grande échelle, comme le souligne le rapport de News Guard.
ByteDance, l'entreprise propriétaire qui gère le réseau social, a admis qu'elle avait espionné trois journalistes du magazine Forbes grâce à l'adresse internet de leur mobile. La firme est d'ailleurs sous le coup d'une enquête de l’autorité irlandaise de protection de la vie privée. ByteDance est accusée d’enfreindre la législation européenne sur la protection des données (RGPD) en matière de traitement des données personnelles des enfants et de transferts de données vers la Chine, comme le rappelle Le Monde.
L'UE juge la collecte de données suspecte. Mais les autorités helvétiques ont-elles trouvé des failles?
Comme le réseau appartient à une société basée en Chine, le gouvernement a-t-il la possibilité de fouiller les données des utilisateurs? Un porte-parole de l'application a assuré que les informations n'étaient pas partagées avec les hautes sphères politiques chinoises.
Mais pour se prémunir de tous risques, les pontes de la Commission européenne et les Américains ont une solution simple: désinstaller l'application.
Cette collecte semble opaque du côté de TikTok, mais les autres grands acteurs du Web, il ne faut pas se leurrer, ne se gênent pas pour récolter nos données.
«TikTok, tout comme les produits GAFAM, reposent sur l'idée de l'échange, selon laquelle les utilisateurs donnent accès à leurs propres données en échange d'un service gratuit. Ces services collectent de grandes quantités de données, déclare le PFPDT. Il met en garde l’utilisatrice ou l’utilisateur au moment de la configuration de l’application afin de limiter la collecte de données: