Le 7 juin prochain, une drag-queen viendra raconter des histoires aux enfants à la Médiathèque de Martigny. Tralala Lita, Vincent David de son vrai nom, lira un ou plusieurs albums classiques pour la jeunesse. Les ouvrages sélectionnés «parlent de personnages différents et fiers de l’être», peut-on lire sur la page web consacrée à l'événement. Plusieurs éditions ont déjà eu lieu en Suisse romande.
L'objectif de l'opération, s'inspirant d'un concept né aux Etats-Unis il y a quelques années, est de promouvoir la littérature auprès des plus jeunes tout en abordant des sujets liés à la diversité, l’estime de soi et la tolérance.
Rien de bien menaçant, à priori. Et pourtant, cet événement a suscité de vives réactions, jusqu'aux plus hautes sphères de la politique cantonale. L'heure de lecture a notamment irrité des élus UDC, nous apprenait mercredi le Nouvelliste. Plusieurs d'entre eux dénoncent une forme de «propagande arc-en-ciel». Le parti a décidé d'intervenir au Grand Conseil, en déposant une motion pour «empêcher les structures étatiques et paraétatiques de promouvoir et de défendre les concepts de la théorie dite du genre auprès de la jeunesse du canton».
Face à cette réaction pour le moins disproportionnée, voire hystérique, une question s'impose. De quoi avez-vous peur? Qu'on dise à vos enfants qu'ils peuvent s'habiller en femme, s'ils en ont envie? Qu'on leur explique que la diversité ne devrait pas être une source d'exclusion? Que chacun a le droit de se sentir à l'aise avec soi-même? Le spectacle ne promeut que de valeurs positives.
Propagande de quoi, en plus? De l'homosexualité? Les élus UDC critiquant la venue de Tralala Lita à Martigny craignent-ils de voir les enfants valaisans se transformer subitement en homosexuels, ou renier les différences biologiques entre filles et garçons, détruisant ainsi la famille traditionnelle et faisant plonger le taux de natalité du canton?
C'est exactement ce qui est reproché à la fameuse (et fumeuse) «théorie du genre». Ce terme, souvent brandi par les forces conservatrices et évoqué dans la motion de l'UDC, désigne une supposée idéologie visant à nier les différences biologiques entre hommes et femmes dans l'objectif de détruire le modèle hétérosexuel de la famille.
On voit mal comment une heure de lecture peut parvenir à ces fins. Et dans quel intérêt? Faire progresser les droits des minorités ne signifie pas le faire au détriment d'une (supposée) majorité de la population. Ne pas être directement concerné ne veut pas dire être attaqué, ni négligé. Encore moins quand il s'agit de diffuser le respect et l'ouverture.
La vérité, c'est que ces réactions outrées cachent un mépris de l'autre. Un autre qu'il ne faudrait surtout pas que la «jeunesse du canton» puisse côtoyer. Ce serait tellement dommage qu'elle s'ouvre et qu'elle renie votre vision intolérante de la société. Je crois que c'est de ça dont vous avez le plus peur.