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Hausse de l'absentéisme scolaire en Suisse: voici les solutions

Ella et Ben ne veulent plus aller à l'école et leurs parents sont «désespérés»

La rentrée approche alors que l'absentéisme scolaire augmente en Suisse. Deux familles témoignent des raisons et des solutions pour ramener les jeunes en classe.
18.08.2024, 18:5021.08.2024, 14:45
Ces Suisses sont démunis: leurs enfants font tout pour éviter l'école.
Aujourd’hui, plus de filles que de garçons font l’école buissonnière. C’était l’inverse il y a dix ans.Image: shutterstock/watson
Annika Bangerter / ch media
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Alors que la rentrée des classes se profile, de plus en plus d'enfants et d'adolescents sont absents des cours. Certains pendant plusieurs jours. Quelles en sont les raisons et comment parvient-on à les faire revenir? Deux familles racontent.

Au début, c'était des maux de ventre, puis des maux de tête ou un malaise. Ella* était en cinquième année lorsque sa mère a informé à plusieurs reprises l'école que sa fille ne viendrait pas en classe. Une fois cette situation réglée, les complaintes de la fillette disparaissaient à chaque fois. Peu de temps après: la crise sanitaire, plus d'école. Lorsque les classes rouvrent, Ella ne pouvait plus faire marche arrière. C'était le début d'une période où elle n'allait pas en classe pendant des jours, voire des semaines.

Un phénomène en hausse

Le cas d'Ella est extrême. L'absentéisme n'est toutefois pas rare. Dans l'étude Pisa de 2022, environ 10% des personnes interrogées ont déclaré avoir manqué l'école au moins un jour dans les deux semaines précédant le test, soit deux fois plus qu'en 2015. L'enquête de santé de la ville de Zurich pour l'année scolaire 2022/23 révèle une augmentation significative du nombre de filles:

  • Une élève sur dix de deuxième secondaire a déclaré sécher des cours plusieurs fois par an.
  • 7% d'entre elles ont manqué plusieurs journées entières.
  • 6% des garçons ont également manqué des heures de cours .
  • 5% d'entre eux des journées entières.

C'est ce que les spécialistes appellent l'absentéisme scolaire. Il s'agit d'élèves qui sèchent de temps en temps des cours, mais aussi d'élèves qui refusent complètement d'aller en classe.

Une hausse des cas

Récemment, la NZZ am Sonntag s'est renseignée auprès des directions cantonales de l'éducation. Sur les 17 cantons qui ont répondu, 14 ont indiqué une augmentation ressentie des cas. Margrit Stamm, spécialiste en sciences de l'éducation, mène depuis des années des recherches sur l'absentéisme scolaire et a publié une grande étude à ce sujet il y a dix ans. Depuis, les choses ont changé, dit-elle.

«Il y a eu une prise de conscience. Contrairement à l'époque, les écoles prennent aujourd'hui le problème au sérieux», explique Stamm. Cela pourrait avoir une influence sur l'augmentation ressentie de l'absentéisme scolaire.

«Je pars certes aussi du principe que le phénomène a augmenté, mais nous ne disposons pas de chiffres représentatifs»
Margrit Stamm, spécialiste en sciences de l'éducation
La pédagogue Margrit Stamm.
Margrit Stamm.Image: dr

Elle y voit un lien avec la pandémie. «Environ 20% des jeunes ont quitté l'école pendant le confinement. Par la suite, ils ne se sont réintégrés, mais avec beaucoup de difficultés, voire pas du tout.» Margrit Stamm souligne que le Covid a agi comme un accélérateur de feu. Mais la racine du problème résiderait surtout dans l'augmentation des problèmes psychiques de nombreux jeunes.

Derrière l'absentéisme, un autre problème

Ella n'a jamais caché ses absences. Pour sa mère, les problèmes scolaires ont été une surprise. «Jusqu'en cinquième année, c'était une élève tout à fait normale», dit-elle. Puis, à l'âge de 12 ans, le malaise diffus, l'accumulation des absences, les reproches de l'enseignante... Cette dernière a fait appel à la mère d'Ella en lui disant qu'il était de son devoir de veiller à ce que sa fille soit assise en classe.

«J'étais désespérée, mais aussi en colère. Que pouvais-je faire?»

Elle a essayé toutes les stratégies. Chercher le dialogue avec sa fille, la punir ou l'emmener à l'école directement. Dans ce dernier cas, l'ado s'est enfuie du bâtiment. «J'étais complètement dépassée», dit la mère d'Ella. Notamment parce que sa fille répondait à toutes ses questions par «je ne sais pas». La mère – qui élève seule son enfant et travaille – s'est adressée au service de conseil aux parents et a pris contact avec une psychologue.

Des psys à la rescousse

La manière dont les écoles réagissent face aux enfants et aux jeunes qui ne suivent pas les cours dépend de leur direction et des directives de chaque canton. En règle générale, cela fait appel à des acteurs tels que l'inspection scolaire, le travail social scolaire, le conseil psychologique scolaire ou le service de psychiatrie pour enfants et adolescents.

Lorsque rien ne va plus, les services psychiatriques d'aide et de soins à domicile pour enfants sont de plus en plus souvent sollicités. Ivan Skrbec est expert en soins à la Fondation Kinderspitex et a accompagné de nombreuses familles dont les enfants ne voulaient plus aller à l'école:

«Nous observons d'une part une augmentation significative de ces cas et d'autre part que les enfants concernés sont de plus en plus jeunes»

Les enfants comme Ben*. A l'âge de 7 ans, il se plaignait d'abord de forts maux de tête, puis pleurait abondamment et vomissait lorsqu'il était temps d'aller à l'école. Différents problèmes s'étaient alors combinés, raconte sa grand-mère. Les parents ont divorcé et Ben a eu de grosses difficultés avec son père. A l'école, il y avait une institutrice avec laquelle il ne s'entendait pas. Le garçon n'arrivait pas à mettre des mots sur sa détresse. Il s'est retranché entre ses quatre murs. Il a fallu de nombreuses discussions et l'aide de spécialistes pour comprendre ce qui se passait en lui.

Quelles sont les causes?

Il en fait régulièrement l'expérience, explique Skrbec. «L'absentéisme scolaire est un phénomène complexe et souvent le symptôme de causes beaucoup plus profondes.» Celles-ci peuvent être multiples:

  • Le harcèlement.
  • Des maladies psychiques comme les troubles anxieux ou la dépression.
  • Des situations familiales difficiles comme la séparation des parents, qui font peser sur l'enfant une charge émotionnelle.

Margrit Stamm, spécialiste en sciences de l'éducation, souligne également que les raisons de l'absentéisme scolaire sont nombreuses. «C'est pourquoi il faut réagir individuellement.» Elle met toutefois en garde contre le fait de déléguer le sujet uniquement à des spécialistes de la psychologie:

«L'absentéisme n'est pas exclusivement de la responsabilité de l'enfant et de sa famille. Les écoles ont également leur part de responsabilité»

Concrètement, cela signifie de bonnes relations entre les enseignants et les élèves, un système d'absences clair qui définit des réactions obligatoires en cas d'absentéisme et un maintien élevé de la présence en classe. «La puissance de rétention des écoles est centrale. Il faut faire comprendre aux élèves l'importance qu'ils ont aux yeux des enseignants», explique l'experte. Cela peut paraître banal, mais dans les études, les jeunes interrogés ont souvent dit que personne ne se souciait de savoir s'ils étaient assis en classe ou non.

Mais que se passe-t-il si ces précautions ne servent à rien? Lorsqu'un enfant comme Ben ou Ella ne va plus à l'école pendant des mois? Tous deux vivent avec leur mère qui travaille. Cela pose un problème supplémentaire à ces dernières: qui s'occupe de l'enfant pendant qu'elles travaillent? Pour Ben, c'est la grand-mère qui a pris le relais. Ella a d'abord été placée dans une clinique psychiatrique de jour et a reçu un diagnostic: trouble du spectre autistique. Les tentatives d'intégrer la fillette dans une école privée, puis dans une école spécialisée, ont échoué. Pour la mère, c'était à chaque fois un coup dur:

«Pendant que je travaillais, elle était seule à la maison. Elle perdait toute structure, ne mangeait plus régulièrement, dormait le jour et était éveillée la nuit.»

Internat et encadrement

Ben et Ella avaient tous deux besoin d'une aide psychologique et ont été pris en charge par le service de soins à domicile pour enfants. Pour Ella, il s'agissait d'abord de reprendre le contrôle de la vie quotidienne. Comment parvient-elle à se coucher le soir? Comment parvient-elle à se brosser les dents et à prendre une douche régulièrement? Et que faut-il pour qu'Ella reprenne pied dans un internat? Accompagnée par une infirmière spécialisée de la Kinderspitex, Ella a visité l'internat, a eu ses premiers entretiens avec le personnel et a passé une demi-journée en immersion dans l'établissement.

«Nous sommes là pour guider l'enfant dans son quotidien. Pour cela, nous commençons par de petits pas. Pour les enfants et les adolescents souffrant de troubles psychiques, moins c'est souvent plus.»
Ivan Skrbec

Il s'agit souvent d'abord d'identifier et de nommer les émotions. Ensuite vient l'apprentissage des gestes pratiques du quotidien. Il est également essentiel de rassurer les parents et de leur expliquer ce qui se passe dans la tête de leurs enfants.

«Nous devons prêter une attention particulière aux enfants et à leurs familles. Les troubles psychiques se manifestent chez les enfants de diverses manières, comme par une activité intense ou un besoin extrême de plaire aux parents», explique Ivan Skrbec. Il a souvent observé des situations où des enfants aidaient à la maison, rangeaient leur chambre, mais ne fréquentaient plus l'école.

Et ça marche?

Ella n'a pas réussi à s'intégrer dans son internat. Un nouvel essai est prévu en août dans un autre établissement, qui propose des groupes de vie plus petits, avec en plus le soutien d'une assistante familiale. Quant à Ben, il n'a plus manqué l'école depuis près d'un an. Avec l'aide d'un psychologue pour enfants, la situation familiale a été analysée et clarifiée; grâce à l'accompagnement de la fondation, il a pu réintégrer sa classe.

Le hasard a voulu que Ben ait une nouvelle enseignante. Avec la collaboratrice de la fondation, Ben est allé à pied à l'école, a fait la connaissance de la nouvelle enseignante et a appris comment s'organiser pour faire ses devoirs. Depuis qu'il est de retour dans sa classe, les maux de tête ne sont plus jamais réapparus.

*Nom d'emprunt

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

Il offre à son fils de trois ans un cadeau à 400 000 balles
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