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Humeur

Arrêtez de nous torturer avec vos appels vidéo

Les appels vidéo sont omniprésents dans la sphère publique.
Pitié, mais lâchez votre téléphone, arrêtez de vous filmer! Sauf que derrière cette pratique, l'histoire est (peut-être) différente. Image: watson
Humeur

Arrêtez de nous torturer avec vos appels vidéo

Les lieux publics sont désormais envahis d'appels vidéos. Des échanges qui devraient rester cantonnés à la vie privée s'éternisent jusqu'au supplice. Coup de gueule d'un vieil aigri.
11.02.2025, 20:4811.02.2025, 23:54

Les discussions par téléphone sont depuis longtemps légion dans les lieux et transports publics. Un nouvel acteur les rend encore plus bruyantes et ennuyantes: le haut-parleur. Les appels FaceTime (ou WhatsApp vidéo) sont de plus en plus habituels aux arrêts de bus, dans le train, dans la rue, chez le boulanger, à la Poste. Partout!

Soudain, vous savez tout, vous découvrez des visages (inconnus) sur un écran, qui s'adressent à leur interlocuteur avec une proximité non désirée. Vous apprenez que l'individu a misé sur telle caisse-maladie, que son intestin n'a pas trop apprécié la fondue de la veille, sans parler du petit digestif qui lui a collé l'arrière-train au trône.

RIP la vie privée.

L'appel vidéo est le trait d'union entre l'individualisme et l'impudeur, dans une société qui préfère oublier la discrétion au détriment d'une communication facilitée. Ecrire, non; coller son oreille à son smartphone, non plus. La vidéo et les haut-parleurs, oui. (Pensez au mème de Drake).

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On préfère postillonner sur son écran plutôt que le salir avec ses doigts. Après, on s'étonne que l'écriture disparaisse de notre quotidien. Un changement générationnel, sûrement.

Pourquoi s'embêter à faire cracher sa plume, alors qu'on peut vociférer en mode talkie-walkie. Ils ou elles sont nombreux à tenir en main leur téléphone avec l'appel vidéo bien enclenché. Au bout du fil, on tient son interlocuteur dans sa paume, on le trimballe parfois même sans lui accorder un regard. Une mauvaise habitude.

Les spécialistes vous diront que plus l'éloignement est grand, plus les gens doivent partager des choses. Notre manière de communiquer a changé radicalement avec notre téléphone.

D'autres vous diront que la télé-réalité a dopé les comportements sans retenue, piétinant la vie privée (qui n'en est plus une) pour se glorifier devant un parterre de spectateurs coincés à l'arrêt de bus.

Des sociologues en herbe cibleront les jeunes, ces sales gamins, impolis par-dessus le marché, qui bousculent notre quiétude à la gare de Lausanne, après une journée de dur labeur.

Ça agace, ça dope l'irritation, si bien que des fils de discussion Reddit sont même consacrés à ce fléau.

Le vieil aigri auteur de ces lignes, dans un élan de questionnement (fécond ou non), a décroché son téléphone pour en causer avec Claire Balleys, professeure associée et directrice du MediaLab de l'Université de Genève. Elle parle d'«une banalisation de la communication à distance», avant de nous rappeler que ce n'est pas nouveau, que les gens en font usage depuis longtemps.

«Sociologiquement, on peut parler de "context collapse"»
Claire Balleys

L'absence de contexte lors d'un échange téléphonique a entraîné un changement, comme le décrit la sociologue genevoise: «Si nous prenons WhatsApp, au début, c'était de la messagerie pure. Aujourd'hui, un message sera souvent accompagné d'une image pour montrer où nous sommes».

Et d'ajouter:

«Cela peut fonctionner comme indice témoin pour augmenter la sensation d'être ensemble, malgré la distance»
Claire Balleys

«Converser à distance est très ancré dans la routine du quotidien. Et même en abordant des sujets intimes, les gens vont être moins gênés d'en parler dans les lieux publics», analyse encore Claire Balleys.

Or, les spécimens qui vont enclencher la caméra sont plus souvent des personnes plus âgées, qui ont des proches à l'autre bout du globe. «L'appel vidéo va favoriser le rapprochement, quand bien même il y a une grande distance».

Et les ados, alors? «Ils sont plus structurés et ne sont pas dans la surexposition de soi. Ils trouvent ça gênant». En somme, cette encombrante pratique qui pullule dans la sphère publique trouverait sa réponse dans l'absence physique d'un être cher (un symptôme de la mondialisation de notre ère - et puis quoi encore).

Alors si vous avez cette envie qui vous chatouille les entrailles de piétiner le téléphone hurlant du voisin, réfléchissez à cet article. Derrière cette forme d'impudeur se cache peut-être une conversation entre des proches très éloignés.

Ou un abruti sans gêne.

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