
Après avoir taclé Jeff Bezos et quelques comiques Blanche Gardin s'est livrée au Point dans un entretien-fleuve.images: getty, wiki, twitter, montage: watson
Après avoir défoncé Jeff Bezos et quelques confrères comiques parisiens, l'humoriste Blanche Gardin se livre au magazine Le Point, dans un entretien-fleuve (et passionnant). On vous résume tout ça en punchlines.
27.07.2023, 21:0029.07.2023, 11:00
Blanche Gardin a beau avoir une grande gueule, l'humoriste française est (très) discrète dans les médias. Quand elle a un truc sur le cœur, ça finit souvent soit dans un spectacle, soit dans un statut Facebook qui fait trembler le Tout-Paris.
Il y a quelques mois, celle qui fut un temps la compagne du comédien explosif et américain Louis C.K. s'en est prise publiquement à Amazon prime, provoquant un véritable éboulement de réactions. Le nerf de la guerre? Un cachet de 200 000 euros que la plateforme lui proposait pour une journée de tournage dans le cadre de l'émission LOL: qui rit, sort!.
Elle refusera bruyamment le pactole (et le tournage), en envoyant indirectement quelques missiles à quelques confrères qui, eux, avaient cédé aux liasses de Jeff Bezos.
On vous racontait tout ici:
Depuis, plus un mot.
Blanche Gardin écrit des spectacles, tourne dans des films et se tient minutieusement à l'écart des gesticulations narcissiques du show-business. D'ailleurs, le 2 août prochain, elle partagera l'affiche avec (l'incroyable) Raphaël Quénard, dans le nouveau film de (l'incroyable) Quentin Dupieux.
Voilà pour la minute promo.
Bande annonce de Yannick:
Vidéo: youtube
Et puis, mercredi, surprise: la discrète, mais corrosive comédienne s'épanche dans le magazine Le Point. Blanche revient évidemment sur le foin qu'a provoqué sa fronde contre Amazon, mais elle en profite aussi pour évoquer son rapport à la blague interdite, à la violence de Paris, à l'argent, à la misère et aux «wokes», qu'elle voudrait qu'on nomme «les Eveillés» (en français), «ne serait-ce parce que cela souligne le côté religieux et sectaire du truc».
Comme on est plutôt sympa, on vous résume tout ça ici, en punchlines et... à notre sauce. Ready?
Déjà, pourquoi a-t-elle fui Paris?
«C'est grâce à Rita, ma chienne!»
Logique.
«Etant célibataire, je n'arrivais pas à sauter le pas»
Et Rita a pris les choses en main?
«Un chien vous explose toute l'absurdité du truc»
Quel truc?
«On se dit que le chien sera évidemment plus heureux en ayant davantage d'espace, dans un environnement plus campagnard»
C'est pas faux. Mais que reproche-t-elle vraiment à la capitale?
«La misère à Paris, il faut se la cogner»
Par exemple?
«Il y avait un vieux monsieur, un Tunisien de 72 ans, qui vivait sur une bouche d'égout en bas de chez mes parents»
Pas cool. Que lui est-il arrivé?
«Du jour où ma mère lui a donné les clés d'une chambre de bonne, il a disparu»
Aider, c'est donc vain?
«La déshumanisation est trop profonde»
C'est aussi qu'on s'en fout un peu, non?
«Même l'anesthésie qu'on s'est créée, nous, en tant qu'urbains, à force d'être spectateurs impuissants de cette misère, elle ronge»
Et ça ne va pas en s'arrangeant, hein.
«C'est mon impression»
C'est vraiment qu'une impression?
«Peut-être est-ce un biais de meuf qui vieillit»
Mais non, mais non....
«Quand je fais le chemin de chez moi, à Ménilmontant, jusque chez ma mère, qui est à Stalingrad, l'ambiance est tout bonnement médiévale»
Ah ouais, carrément. Pourquoi?
«Les gars sont pieds nus, crackés, errants, les yeux exorbités»
A San Francisco, par exemple, c'est pareil en fait.
«La France se refuse à reconnaître la toxicomanie comme une maladie, ce qui fait qu'on prend le problème à l'envers»
Mais encore?
«On dit à ces gens qu'ils doivent d'abord se sortir de la drogue»
Avant de...
«S'ils ont été bien gentils, bien dociles, on les aidera peut-être à se réinsérer, à trouver un logement, un emploi…»
C'est quoi la solution alors?
«Voyez ce qui se fait en Suisse, c'est tout l'inverse»
C'est un compliment, ça?
«Les héroïnomanes, on leur donne d'abord un logement, un boulot et on leur fournit de la drogue propre - raison pour laquelle la Suisse a longtemps racheté à la France ses saisies d'héroïne»
Mais pourquoi on est super, selon elle?
«Les Suisses sont protestants, ce qui leur donne une culture bien moins normative»
La France carbure à quoi?
«En France, on ne veut pas en entendre parler, car on est dans la religion de la souffrance, du mérite»
C'est pas tant spécifique à la France.
«Il faut en chier, même quand tu es dans la merde jusqu'aux cheveux»
Dites, elle est vénère Blanche Gardin...
«Oh, moi, j'ai un capital génétique très très rouge»
Mmmh?
«Mon père a été encarté au PC toute sa vie»
Ah! Et maman?
«Une catho de gauche qui, si elle n'a pas eu sa carte, a toujours voté communiste»
Mais c'est quoi le problème, globalement?
«La misère»
Et donc?
«Il y a beaucoup de gens, dans les démocraties riches, qui se satisfont de la situation. Et ne cherchent pas plus loin»
Y en a que pour son propre cul, quoi.
«Bourdieu disait: "Quand ça va pour moi, ça va de soi"»
Bon. Et si on passait au coup de gueule contre l'émission d'Amazon?
«On m'a fait la proposition, j'ai reçu le fameux coup de fil de mon agent»
Et que s'est-il passé?
«Quand j'ai entendu le chiffre, j'ai eu un petit vertige, il a fallu que j'aille m'asseoir»
Ah, les 200 000 euros!
«J'ai refusé tout de suite, directement, au téléphone»
Pourquoi a-t-elle dit non?
«Moi, l'argent, je n'ai jamais été très à l'aise avec ça. A un moment donné, j'ai gagné pas mal de fric, j'ai été incapable de le garder, je dépensais n'importe comment»
C'est quoi, dépenser «n'importe comment»?
«Les cadeaux aux copains, les assos, comme s'il fallait s'en débarrasser»
Bon, ça va, y en a qui le claquent à Vegas...
«Le délire des salaires mirobolants, quand on commence à les accepter, à juger cela normal, ça fait vriller»
Aucune idée, mais si Blanche le dit.
«Ce à quoi s'ajoute Amazon, la machine à broyer»
Mais encore?
«Se faire livrer sa bouffe, se gaver d'images sur son canapé, ne sortir que pour aller bosser ou chercher un colis chez un Pakistanais avec qui on n'échangera pas un mot»
On est d'accord avec elle sur ce coup-là:
Mais c'est quoi le rapport avec l'émission?
«"LOL", c'est une page géante de pub pour qu'Amazon continue de grandir et de s'imposer à tous comme un mode de vie acceptable»
D'accord. Mais pourquoi déballer tout ça sur Facebook?
«Parce que je ne voyais pas pourquoi il aurait dû rester secret»
C'est militant, ça?
«C'est une pensée, une position politique. Accepter de le faire, c'était accepter d'être la caution "cool" d'Amazon»
Elle savait certainement que son post allait faire du bruit, non?
«Il fallait que je le dise, tout en me préparant aux seaux de vomi»
Blanche Gardin, un modèle pour les jeunes?
«Si les gens qui sont censés un peu inspirer les autres, les artistes, les célébrités, sont eux aussi sans scrupules...»
Oui?
«... Idéologiquement, forcément que ça ruisselle»
Et elle pense quoi de l'idéologie?
«Pas beaucoup de bien»
Mais encore?
«On est dans une logique de clan contre clan qui ne cesse de s'exacerber, et de la façon la plus littérale qui soit»
Les «wokes» contre les réacs, c'est ça?
«Parlons français. Parlons des "Eveillés", tiens, ne serait-ce parce que cela souligne le côté religieux et sectaire du truc»
A ce point-là?
«Ce mélange d'une pensée très radicale, fanatique, excluante, avec un aspect extrêmement infantile et infantilisant»
C'est très américain.
«Avec les Eveillés, on a cette mentalité d'enfant de 5 ans qui ne supporte pas la moindre contrariété, pas le moindre conflit, où tout se fait par écran interposé, avec une impatience maladive»
Trop sensible la nouvelle génération?
«On prétend que c'est de l'hypersensibilité, j'y vois plutôt de l'hypersensiblerie»
Et puis il y a les réacs...
«L'emploi de ce mot, réac, il est rigolo aussi»
Ah?
«Dans les années 1970, le mot désignait et condamnait les gens nostalgiques d'un temps où la vis était plus serrée»
Et aujourd'hui?
«Il s'emploie contre les individus nostalgiques d'un temps où les gens étaient plus libres»
Et donc, elle est réac Blanche?
«J'adhère tout à fait au fond du combat des Eveillés. Je suis pour l'égalité des conditions entre hommes et femmes, pour plus de diversité, pour lutter contre les discriminations»
Il y a un mais...
«Le problème des Eveillés, c'est leur méthode, et, là encore, la mentalité enfantine qui voudrait que tout soit réglé d'ici mercredi prochain»
Et la censure, ça la travaille?
«Evidemment, pour moi, et a fortiori comme artiste et humoriste, la liberté d'expression doit être totale»
Mais... (bis)
«Mais ça ne veut pas dire que je ne trouve pas intéressante une position réflexive sur le langage et nos manières d'être»
Blanche fait-elle rire tous les extrêmes?
«Ce que je cherche, c'est une communication entre mon inconscient et celui de mes spectateurs. Si tu es militant, ce n'est plus possible»
Et ça existe, l'humour militant?
«Aux Etats-Unis, ils ont ça dans les clubs de stand-up»
C'est quoi?
«On parle de "clappers"»
Et ça rigole comment dans un "clapper"?
«Les gens ne rient plus»
Ah.
«Ils applaudissent, lentement, avec un air pénétré, pour montrer que le prêche est réussi»
Le fameux «sectarisme» des Eveillés?
«Ce ne sont pas des gens qui attendent de la réflexion, du temps, de l'indirect et même de la rigolade, ils veulent du sermon, du mode d'emploi. Surtout pas de métaphore, surtout pas d'altérité…»
Des conférences quoi.
«Si t'es militant, évidemment que tu ne fais pas dans l'humour, vu que tu es collé à ton sujet»
L'humour, définition?
«C'est la distance»
Blanche Gardin considère-t-elle qu'«on ne peut plus rien dire»?
«Quand j'ai l'intuition qu'il faut l'ouvrir, je me sens une obligation de dire»
Un exemple?
«Ce qui s'est passé avec l'affaire Bastien Vivès»
Ah, le dessinateur de BD accusé de promouvoir la pédophilie...
«Lorsqu'on ne fait pas de différence entre les actes et les pensées, quand on juge pédocriminel un dessinateur qui n'a fait que traiter le sujet de la pédophilie dans ses BD...»
Oui?
«... On se précipite vers un mur épouvantable»
Et comment Blanche Gardin évite-t-elle le «mur épouvantable»?
«Quand les gens hurlent avec les loups, je sens, comme d'instinct, la nécessité de mettre les pieds dans le plat»
D'accord. Une petite citation pour conclure?
«Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison»
(Merci Coluche!)
Yannick, le film de Quentin Dupieux: la bande-annonce
Video: youtube
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