Société
Mode

Mode: pourquoi les directeurs artistiques s'en vont?

Hedi Slimane, Virginie Viard et Sabato De Sarno.
Hedi Slimane, Virginie Viard et Sabato De Sarno.Image: getty images

«Les marques se ridiculisent»: la mode traverse une crise

Ces derniers mois ont vu le départ de plusieurs directeurs artistiques de grandes maisons: Chanel, Fendi, Gucci. Comment l'expliquer? Elizabeth Fischer, professeure à la Haute école d'art et de design de Genève (Head), apporte son éclairage.
09.03.2025, 15:5210.03.2025, 11:39
Plus de «Société»

En juin 2024, Virginie Viard quittait la direction artistique de Chanel, après avoir repris les rênes de la maison de couture suite au décès de Karl Lagerfeld, en 2019. Un départ qui sera suivi par d'autres:

  • Octobre 2024: Hedi Slimane quitte Celine et Kim Jones Fendi.
  • Décembre 2024: John Galliano quitte Maison Margiela après 10 ans en tant que directeur artistique. Matthieu Blazy s'en va de chez Bottega Veneta et reprend la direction artistique de Chanel.
  • Janvier 2025: Kim Jones quitte Dior homme.
  • Février 2025: Sabato De Sarno quitte Gucci.

Une situation qui interroge: que se passe-t-il au sein de ces grandes marques de mode? Elizabeth Fischer, professeure à la Haute école d'art et de design de Genève (Head) et spécialisée en histoire culturelle de l’apparence, livre son analyse.

Comment expliquer les départs de plusieurs directeurs artistiques à quelques mois d'intervalle?
Elizabeth Fischer:
Par plusieurs facteurs. Rappelons que ces maisons n'ont pas toutes les mêmes configurations. Chanel, par exemple, est indépendante. Virginie Viard était le bras droit de Karl Lagerfeld. Elle a repris le poste au pied levé car il est décédé, non pas parce qu'il a démissionné. C'est difficile de venir après quelqu'un comme lui. Sabato De Sarno, chez Gucci, a dû convaincre en trois saisons. La personne qui débarque a très peu de temps et doit revisiter l'ADN de la maison.

«Le temps où un directeur artistique restait à la tête d'une maison jusqu'à sa retraite est révolu»

Aujourd'hui, ces grandes marques sont des entreprises comme les autres. Tout va très vite, notamment avec l'avènement des réseaux sociaux. Le rythme du nombre de collections à sortir, hors saisons notamment – collections croisière, métiers d'arts, les lignes d'accessoires –, est impossible à suivre.

Elizabeth Fischer, professeure à la Haute école d'art et de design de Genève (Head).
Elizabeth Fischer, professeure à la Haute école d'art et de design de Genève (Head).

Les directeurs artistiques de ces grandes marques n'ont plus le droit à l'erreur?
Non. Et ils n'ont plus le temps de s'installer.

«Si les retours des critiques ou les chiffres ne sont pas bons, ils sont sur un siège éjectable. C'est un jeu de chaises musicales au nom des grands groupes»

Un jeu de chaises musicales: est-ce que cette stratégie fonctionne?
D'un point de vue managérial, nous pourrions dire que nous sommes face à un problème systémique. Cette branche du luxe – les grandes marques de mode – doit se repositionner. Tellement de choses ont été copiées et sont désormais accessibles. Lorsqu'on apprend dans quelles conditions certains vêtements sont produits, certains clients n'ont plus envie de consommer. La stratégie doit changer. Les employés sont en burn-out, il y a trop de collections. Il est très difficile de tenir la cadence.

«A l'époque, il n'y avait généralement que quatre collections par année. Désormais, nous sommes dans un modèle de consommation qui s'aligne sur la fast fashion, il faut regarnir les étagères toutes les trois semaines. Le haut de la chaîne n'échappe pas à cette dynamique.»
Elizabeth Fischer, professeure à la Head.

Les départs observés ces derniers mois sont donc inédits?
Je n'ai pas le souvenir qu'il y en ait déjà eu autant.

«Ce n'est pas facile de rester légitime, pertinent et de ramener du chiffre d'affaire»

Maintenant, on admire des maisons comme Loewe ou Prada qui imaginent de super campagnes publicitaires, drôles et décalées, qui sont ensuite instantanément partagées. Lorsqu'on est directeur artistique, il faut suivre cette cadence et composer avec ces différents aspects.

Dans la réalité, les grandes marques peuvent-elles réellement réduire la cadence?
Il faudrait réfléchir à un modèle économique et systémique différent. Actuellement, plusieurs paramètres empêchent cela. Par exemple, tant que le cycle infernal de la fast fashion continue ou que les maisons sont en décalage avec la réalité en ne proposant pas de grandes tailles, les choses ne changeront pas.

«Les grands groupes ne sont pas prêts à voir les choses autrement. La mode est perçue comme une source de profit et la croissance se fait au détriment de ses concurrents»

Est-ce une aubaine ou un frein pour une maison de perdre son directeur artistique?
Cela dépend de comment se passe le départ. Après seulement trois saisons, ça ne donne pas une bonne impression, contrairement à un fondateur qui s'en va à la retraite. La marque se ridiculise et renvoie un manque de vision. Comme dans d'autres entreprises, un turnover n'est pas positif.

«Certaines maisons ont, cependant, besoin d'être réveillées. C'était le cas pour Givenchy avec Alexander McQueen ou Dior avec John Galliano. Ils sont arrivés au bon moment, il y avait besoin de changement. Sabato De Sarno chez Gucci, en revanche, a essuyé de mauvaises critiques, les collections étaient disparates, il n'y avait pas de cohérence.»

La situation va-t-elle aller en s'améliorant?

«Actuellement, il y a une overdose»

Je prends par exemple l'un des récents défilés croisière où les invités ont été amenés au Maroc. Je me demande comment les jeunes générations arrivent à sortir la tête de l'eau. Je reste toutefois convaincue que les grandes maisons resteront en place. Il y a trop d'enjeux. Et puis, les gens continueront à aimer s'habiller. Nous aurons donc toujours besoin de personnes qui produisent de beaux vêtements dans lesquels on se sent bien.

Le défilé Chanel Haute Couture printemps-été 2025
1 / 15
Le défilé Chanel Haute Couture printemps-été 2025
Le défilé Chanel Haute Couture Spring-Summer 2025 en images
source: getty images europe / kristy sparow
partager sur Facebookpartager sur X
On a trouvé le défilé le plus trash de l'année
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Ce rôle a eu un impact sur les seins de Sydney Sweeney
Sydney Sweeney a dû opérer une transformation physique radicale pour incarner à l'écran la célèbre boxeuse Christy Martin. Dans une interview, la star fournit de plus amples détails sur l'entrainement intensif qu'elle a suivi.

Il y a une chose dont on ne se lassera jamais, c'est d'admirer les efforts qu'un acteur a fournis pour rentrer dans un rôle qui l'a poussé à changer physiquement.

L’article