Manifestement, mes collègues ont décidé qu'aujourd'hui, watson allait sauver le journalisme. Par des enquêtes minutieuses, des révélations qui vont changer la face du monde, des interviews de décideurs qui pèsent? Non. Ils m'ont réclamé un article sur ma façon «complètement dégueulasse» de manger mon cheeseburger.
Ouais, je sais ce que vous vous dites.
Bref. Allons-y pour cette histoire de «manière de déguster un cheese du McDo PARFAITEMENT NORMALE ET QUE JE VOUS RECOMMANDE CHALEUREUSEMENT».
Pour qu'un cheese soit parfait, je ne peux pas juste me rendre au McDonald's le plus proche, commander ledit mets, le gober sans émotion et passer à autre chose. Non. Chez moi, déguster un tel burger (à lire dans votre tête avec l'accent américain de Jonathan Cohen), c'est un rituel. Car ça se mérite.
Quand vous, vous vous enfilez un menu Big Tasty Bacon dans le gosier, accompagné de nuggets, de trois sauces curry, d'un immense Coca, d'un McFlurry et d'une indigestion, moi, je ne fais qu'emporter mon butin à la maison. Juste un cheeseburger. Parfois deux, si je suis en mode thug life. Et c'est là que mon petit secret entre en scène.
Et c'est...
...
LE FRIGO.
Voilà, c'est dit. Je mets mon cheese au frigo. Toute une nuit, au moins. Afin qu'il soit froid, que le pain devienne sec, que la viande ressemble à un agglomérat de carton mouillé, que le fromage reprenne sa forme d'avant cuisson, que le ketchup passe à l'état solide comme de la vieille gouache, et que le concombre se ramollisse un peu comme vous en lisant ceci.
Figurez-vous qu'après plusieurs heures au frigo, même le papier qui enrobe le cheese devient sec et dur, comme le pain. Parfois, il reste même coincé dans du ketchup séché, et il faut tirer d'un petit coup sec pour dépiauter cette chose. Et si vous l'abandonnez plusieurs jours, c'est encore meilleur.
Comme le vin, ça se bonifie avec le temps.
L'avantage de manger ça froid? D'un point de vue pragmatique, tout tient bien ensemble. Aucun risque que le concombre ne foute le camp en croquant goulûment dans ce divin burger, puisqu'il est colmaté dans le ketchup. Un peu comme si vous lanciez une chaussure dans une dalle de béton fraîchement coulé et que vous reveniez le lendemain. Ça tient, la godasse et le béton ne font qu'un. Entre le ketchup et le concombre, c'est pareil. Donc impossible de vous tacher (à moins d'être vraiment un porc).
Et je ne vous parle pas du jeu de textures... Quand c'est chaud, le cheese, vous pouvez l'avaler tout rond, comme un Pom'Pote. Là, il faut mâcher, mastiquer, mâchouiller. C'est solide, c'est croquant. Et ça donne une raison d'être à vos dents, que d'habitude vous n'avez pas besoin de convoquer au McDo.
Et, avant tout, manger un cheese froid, c'est juste MEILLEUR! Surtout si c'est à 9 heures 23, en plein briefing. Ah oui, ai-je oublié ce détail? Le cheese froid au bureau, c'est comme un brunch (sans le champagne, et avec des gens qu'on n'a pas envie de voir le week-end). C'est d'ailleurs au début d'un briefing, lorsque j'ai sorti un cheeseburger de ma manche gauche (oui bon, j'avais pas de poches et les mains prises), que mes collègues ont décidé que j'allais écrire là-dessus. Partager avec le monde mon sens inné de la gastronomie.
Bref, donc: le cheese, ça se mange le matin, au bureau. Et s'il est un peu secos (ce qui peut arriver, ça dépend du taux d'humidité de votre frigo), n'hésitez pas à l'accompagner d'un café. Kawa + cheese = love.
Sachez qu'en plus de la déliciosité de la chose froide, manger le cheese de cette façon, ça vous endurcit. Déjà, parce que si vous n'en mourrez pas, ça ne peut que renforcer vos défenses immunitaires. Et parce que ça vous apprend à encaisser.
Un boxeur, il prend les coups, mais il se relève. (Sauf s'il y a une écharde par terre dans la cage #lesvraissavent.) Quand vous mangez un cheese froid le matin, forcément, il n'a pas été fait minute. Donc forcément, on réalise que vous l'avez pris de chez vous. Donc forcément, on vous juge et vous assène des remarques qui peuvent blesser votre petit cœur.
Voyez? Il faut avoir l'estomac le cœur bien accroché pour supporter ça. Mais bon, grâce à cette expérience, ce rejet de la société, aujourd'hui, je n'ai plus peur de rien.
J'en conviens, il s'agit d'une manière peu conventionnelle de se sustenter. «Pourquoi ne peut-elle pas manger ça normalement? Elle a besoin de faire la maligne?», vous dites-vous. Sachez que, de un, c'est pas sympa, et de deux, il y a une explication rationnelle. Bobo-écolo, même. C'est mon besoin quasi viscéral d'éviter le gaspillage alimentaire qui m'a poussé, un jour, à manger un cheese froid. #LisaMazzonelikesthis
Ayant eu les yeux plus gros que le ventre (c'est-à-dire après un menu Big Tasty Bacon, un McChicken et un McFlurry au Daim), raisonnable, je décide de ne pas manger ce cheese de trop et de le mettre au frigo. «Demain, un petit coup au micro-ondes et ça ira nickel», me dis-je en léchant le sel des frites collé sur mes doigts. Sauf que le lendemain, dans un élan pâtissier, je fous le feu au micro-ondes. Personne ne m'avait prévenue qu'il ne fallait pas mettre le beurre avec le papier d'alu dedans. ÇA VA, JE SAIS.
Avec un micro-ondes mort sur les bras, comment ressusciter ce pauvre cheese? A la poêle, sauté dans du beurre carbonisé? Super. Au four, au risque d'y mettre le feu aussi? Mmhh. Allez, je croque dans ce burger froid.
Une révélation.
Depuis, je ne mange mon cheese que de cette façon. Froid. Sec. Et si possible avec un café. Notez encore que mes origines françaises me poussent à tremper tout ce qui me passe sous la main dans un kawa. Certes, souvent, c'est un croissant, mais un cheese froid, c'est pas mal non plus. La tiédeur de la boisson permet de ramollir le pain, sans pour autant dénaturer la texture de carton-pâte de la viande, qui reste froide, comme un tartare (mais cuit, quoi).
Jugez-moi autant que vous le voulez. Ou essayez, si vous êtes un tant soit peu curieux (et si vous êtes arrivés jusqu'ici, j'ai envie de croire que vous l'êtes). Et je vous dis à très vite (true story) pour parler de ma crêpe préférée, la Nutella-Gruyère.
Bon app'!