Le 25 novembre est la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Chaque année, pendant 16 jours à compter de cette date, de nombreuses associations se mobilisent partout dans le monde. Le thème de 2024? «Riposter et se reconstruire après les violences», qui souligne l'importance du soutien individuel des victimes et de la prise de responsabilité collective pour mettre fin à toutes les formes de violence de genre.
Pourquoi la prise de responsabilité collective est-elle importante en 2024?
Isabel Vidal: Aujourd'hui, s'il y a une sensibilisation de la population aux violences faites aux femmes – psychologiques, domestiques, sexuelles –, on se focalise uniquement sur des destins individuels.
Comment expliquer cette absence de soutien collectif?
Tout le monde, ou presque, est d'accord sur le fait que les violences faites aux femmes sont terribles.
Un changement de mentalités est-il possible?
Cette année, la campagne «16 jours contre la violence basée sur le genre» appelle à dénoncer l'inaction et le silence, à casser cette normalisation de la violence et à venir avec des solutions concrètes.
Il y a tant de choses qui permettent de faire la différence: les proches d'une victime qui la croient ou, à l'inverse, qui nient ce qu'elle a vécu. Une police sensibilisée à recueillir ce genre de témoignage ou une qui pose des questions maladroites. La possibilité de témoigner sans croiser l'auteur ou l'obligation de devoir lui faire face une nouvelle fois. Même de petites choses permettent un changement.
Par exemple?
Si je suis en soirée et que mes amis ont des mots qui dévalorisent, dénigrent, objectivent, sexualisent les femmes, il est important d'expliquer pourquoi ce n'est pas acceptable de parler comme ça. La violence commence là: c'est parce qu'on autorise ce genre de paroles et de vision qu'ensuite on tolère le harcèlement de rue, la violence psychologique et physique.
Quel rôle jouent les hommes dans l'éradication des violences faites aux femmes?
Ils sont nombreux à trouver que ces violences sont horribles, à être indignés et engagés. Collectivement, on en fait un problème de femmes alors que ce n'est pas le cas. Mais beaucoup d'hommes ressentent une forme d'insécurité: ils ne se sentent pas légitimes de se prononcer. Certes, c’est important de se centrer sur l’expérience des victimes pour définir la violence, car une personne qui ne l'a pas vécue ne peut pas parler.
En Suisse, quelles seraient les améliorations à apporter pour permettre un meilleur soutien collectif?
Actuellement, le dispositif d'aide aux victimes de violences n'est pas suffisant. Les centres d'aide, par exemple, ne sont pas assez financés et ne peuvent donc pas proposer un soutien sur le long terme, notamment lorsque des procédures pénales sont déclenchées.
Selon les recommandations du Conseil de l'Europe en effet – qui applique la Convention d'Istanbul –, il faudrait une place pour 10 000 habitants. En Suisse, nous sommes actuellement à 0,24, soit même pas un tiers de ce qui est préconisé. Et puis, l'aide apportée est disparate et varie selon les cantons et l'âge des victimes. Dans le Jura par exemple, il n'y a tout simplement pas de maisons d'accueil. Quant aux places pour les mineures, il y en a sept – toutes sont à Zurich. Certes, il y a des initiatives géniales mises en place au niveau cantonal – une unité de médecine des violences au CHUV dans le canton de Vaud, la formation du personnel en pharmacie à Neuchâtel pour prendre en charge les victimes ou une campagne de prévention à Genève.