Vous pouvez ouvrir une page dédiée au cyclisme et vous verrez les tuniques noir et jaune de la formation Jumbo-Visma truster la presque totalité de la première page. Ils sont partout, ils gagnent tout, ils écrasent tout.
Depuis une année, la domination est outrageuse. En 2022, l'image de ce triplé lors d'une étape du Paris-Nice reste gravée pour tous les fans de vélo; les exploits de Wout Van Aert sur le Tour de France à la victoire de Jonas Vingegaard sur les routes françaises. En 2023, les statistiques sont encore plus affolantes. Tout fonctionne: doublé à Gand-Wevelgem (Laporte et Van Aert), une folle série de victoires de Primoz Roglic (Tirreno-Adriatico et le Tour de Catalogne), des classiques remportées par Dylan van Baarle (Het Nieuwsblad) et Christophe Laporte (Gand-Wevelgem et A Travers la Flandre).
La moisson est affolante. Mieux, des coureurs qui paraissaient à la dérive retrouvent des couleurs dans les rangs Jumbo. En témoigne le cas Attila Valter, omniprésent lors du dernier Strade Bianche: il démontre que l'équipe réussit à tirer le meilleur de ses membres.
Pour les besoins d'un reportage diffusé sur Canal+, Christophe Laporte revenait sur sa saison 2022 d'excellent calibre. Une année qui lui a permis de passer dans une nouvelle dimension dans sa carrière de cycliste. Son passage chez Jumbo-Visma, après huit ans chez Cofidis, était synonyme de tremplin pour réussir à atteindre son meilleur niveau.
La petite capsule tournée par la chaîne cryptée le suit dans un stage de pré-saison, à Tenerife, à 2000 m d'altitude. Un moment clé, avec une grosse charge d'entraînement. Laporte explique:
Des stages de pré-saison très durs, qui révèlent un entraînement spécifique. Les coureurs sont en petit comité et leur préparation est millimétrée – manger et dormir de manière parfaitement réglée, avec le meilleur encadrement possible. Pour preuve, Laporte est arrivé dans l'effectif jaune et noir avec un palmarès plus ou moins vierge hors des frontières françaises. Le Français l'a depuis bien étoffé et compte des victoires de prestige, comme son doublé Gand-Wevelgem et A travers la Flandre, ou cette superbe médaille aux Mondiaux l'année dernière.
Une formation réputée pour sa stratégie, sa manière de travailler très high-tech. A l'instar d'une équipe comme Alpecin-Deceunink qui «robotise» l'alimentation pour ne rien laisser au hasard, tout est optimisé pour pédaler un peu plus vers l'excellence.
Mais cette évolution de mentalité, qui pousse des coureurs à se défoncer sur la selle, passe par une philosophie, celle de Richard Plugge, le boss de la formation néerlandaise:
Même après une grande victoire au Tour de France, les coureurs et le staff n'arrêtent pas de penser à l'avenir. En fin d'années, après la razzia de 2022, la direction de la Jumbo-Visma avait déjà le regard tourné vers 2023: le changement d’équipement chez le fabricant SRAM, la nutrition et l’entraînement, en passant par la tactique et la reconnaissance, tout était passé au peigne fin pour progresser.
Un article dans Le Vif nous apprend que Wout van Aert et ses acolytes étaient déjà en reconnaissance le 22 novembre 2022 sur le Circuit Het Nieuwsblad, pour tester le matériel et peaufiner la préparation. Ils ont aussi bénéficié d'une session d'analyse vidéo et d'informations fournies par des consultants externes.
La Jumbo-Visma n'avance pas «à vue», mais avec une connaissance accrue du terrain et une efficacité redoutable. Surtout, l'effectif est choisi méticuleusement, où les égoïstes ne sont pas sélectionnés. Les coureurs doivent cohabiter pour mieux régner sur le cyclisme mondial.
Une réelle alchimie dans l'équipe, qui dévoile une tactique de course audacieuse, furieuse, sans que les autres formations n'arrivent à museler les feux follets de la Jumbo-Visma. Des maillots jaunes qui dynamitent la course, comme le faisait précédemment le boys band des Soudal-Quick Step de Patrick Lefevere. Alors, au lieu d'être chassés par les autres coureurs, les morts de faim de l'équipe hollandaise rendent la course difficile, suffocante et créent le surnombre pour que les autres formations n'aient pas le choix:
Mais comme le veut le cyclisme actuel, une presque révolution après les courses cadenassées dont était adepte l'équipe Ineos Grenadiers (ex Sky), les courses se déroulent plus à l'instinct. De manière tout aussi remarquable, la direction sportive Jumbo-Visma laisse justement une part à cet instinct. Dylan van Baarle – vainqueur de Paris-Roubaix 2022 – disait, après sa victoire sur le Het Nieuwsblad, avoir attaqué «purement à l’instinct». Il y a aussi de la place pour la liberté.
Après une moisson assez extraordinaire, la Jumbo-Visma s'attaque aux grosses échéances, avec une force collective et une liberté d'action à en faire dérailler plus d'un.