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Les routes blanches des Strade Bianche sont uniques

Competitors make their way in the dust during the Strade Bianche (White Roads) cycling race, near Siena, Italy, Saturday, March 6, 2021. (Marco Alpozzi/LaPresse via AP)
Les coureurs en plein effort sur la course italienne.Image: AP LaPresse

«Aux Strade Bianche, on a l'impression de rouler sur de la neige»

La mythique classique toscane (samedi) confronte les coureurs à un revêtement insolite, 71 km de chemins gravillonneux sur lesquels chaque coup de pédale est une odyssée. Deux Romands témoignent de ce qu'ils y ont enduré.
29.02.2024, 18:51
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Il est facile d'imaginer à quoi ressemble la chaussée satinée du Tour de France ou les pavés crotteux de Paris-Roubaix, mais comment se faire une idée des routes blanches de Toscane, ces sentes nappées de gravier que les coureurs des Strade Bianche (215 km au total) vont emprunter sur 71 bornes et dans 15 secteurs samedi?

Les Italiens soutiennent que pour y survivre, il faut gallegiare, c'est-à-dire «flotter». En d'autres termes: adopter une technique de pilotage assez fluide pour que le vélo ne se brise pas dans les ornières ni ne dérape sur les graviers. C'est ce qu'explique joliment le journaliste transalpin Marco Pastonesi dans un beau livre sur l'épreuve:

«Trouver une vitesse, qui n'est ni un kilomètre de plus ni un kilomètre de moins, mais celle-là, exactement celle-là, en fonction de son poids, de son vélo, de ses watts et surtout de sa position sur la selle, grâce à laquelle on ne rebondit pas et on ne trébuche pas, on ne se heurte pas et on ne s'enlise pas, mais on glisse, on surfe, on navigue.»
Marco Pastonesi dans La Leggenda delle Strade Bianche.
Las de compter les crevaisons de ses coureurs, le manager général de la «Soudal Quick-Step», Patrick Lefevere, pesta un jour: «Cela n'a rien d'une course sur route!»
Las de compter les crevaisons de ses coureurs, le manager général de la «Soudal Quick-Step», Patrick Lefevere, pesta un jour: «Cela n'a rien d'une course sur route!»Image: Instagram

«C'est tellement instable qu'on a l'impression de rouler sur de la neige. Il faut se faire léger sur le vélo», résume la Genevoise Elise Chabbey, cinq participations au compteur. «C'est du drift (réd: dérapage contrôlé)», ajoute le Valaisan Simon Pellaud, qui s'est déjà aligné trois fois sur l'épreuve.

C'est un jeu d'équilibre permanent car les Strade Bianche n'ont pas été aménagées pour les voitures et les vélos. Ce sont des chemins empruntés par des agriculteurs ou des résidents locaux. Ils relient fermes et villages en traversant des paysages bordés d'oliveraies et de vignobles autour de Sienne.

Le décor est planté

Competitors pedal during the Strade Bianche (White Roads) cycling race, near Siena, Italy, Saturday, March 6, 2021. (Fabio Ferrari/LaPresse via AP)
Image: AP LaPresse

Les passages successifs des machines agricoles et des Fiat Panda, toute l'année et par tous les temps, creusent inévitablement des ornières au milieu de la chaussée et qui, début mars, lorsque l'hiver desserre ses mâchoires des collines, constituent autant de pièges pour les participants d'une classique considérée par beaucoup comme le sixième monument du cyclisme (avec Milan-San Remo, Paris-Roubaix, le Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie).

«Il s'agirait plutôt du premier monument, puisque c'est celui qui intervient le plus tôt dans la saison», rectifie Simon Pellaud, évoquant «une épreuve unique». «Heureusement qu'il n'y en a pas deux comme ça», ajoute-t-il, peinant toutefois à masquer son impatience.

«Tout l'enjeu consiste à bien choisir ses trajectoires et à ne surtout pas en sortir, au risque de se prendre "une bonne secouée". C'est particulièrement vrai dans certains virages, marqués par le passage des voitures: des ondulations apparaissent sur le revêtement, ce qui crée une dangereuse vibration. Ça tabasse vraiment.»
Simon Pellaud.

La nervosité est constante. C'est à cela d'ailleurs que l'on reconnaît les grandes épreuves de vélo: elles n'autorisent pas le moindre relâchement. Il suffit de se souvenir de la violente cabriole du champion du monde Julian Alaphilippe, en 2022 à 80 km de l'arrivée, pour se dire que le danger sera partout.

Même les lignes droites sont pénibles, lorsque la course vient plaquer un masque de poussière sur les visages et réduire la visibilité du peloton avant les montées typées ardennaises (courtes et souvent très raides), où la moindre erreur de pilotage opère une sélection naturelle. «Si on se met en danseuse et que l'on répartit mal le poids du corps sur le vélo, la roue arrière aura tendance à chasser», prévient Elise Chabbey.

Tiesj Benoot lors de sa victoire en 2018.
Tiesj Benoot lors de sa victoire en 2018.

L'idée consiste à opter pour un solide braquet et une cadence de pédalage régulière. Car «celui qui avance comme s'il était sur une route goudronnée est un amateur voué au sacrifice et envoyé au casse-pipe», résume le journaliste Marco Pastonesi, dont les initiales appartiennent pour l'éternité au patrimoine du cyclisme italien.

L'an dernier, Elise Chabbey était arrivée trois jours avant la course au centre de l'Italie. Une précaution nécessaire, car on ne s'aventure pas en Toscane sans une reconnaissance poussée et un vélo préparé à souffrir. Simon Pellaud cite les trois changements majeurs auxquels les coureurs procèdent sur leurs montures:

  1. «On adopte des pneus plus larges (pour les connaisseurs: des 30mm au lieu des 25-28 mm habituels sur route).»
  2. «En termes de pression, on se situe autour des 4,5/5 bars alors qu'en général, c'est plutôt du 5/6. Cela permet de mieux absorber les aspérités de la route.»
  3. «Les pneus choisis sont également plus résistants afin de réduire les risques de crevaison.»

Ces grands soins n'empêcheront ni les chutes ni les ennuis mécaniques. Ils ne dissiperont pas la poussière, ne rendront pas les routes plus praticables. Elise Chabbey résume le sentiment général: «Ce sera dur mais c'est ce qu'on aime dans le vélo. Ce sera à celui et celle qui s'accroche jusqu'au bout et qui est mentalement le plus fort.» Aux vainqueurs, l'éternité; aux autres la poussière.

Cet article a été adapté d'une première version publié sur notre site en mars 2023.

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