Le 9 octobre 2023, l’ex-basketteuse internationale Emilie Gomis, 194 capes avec les Bleues, ouvrait les feux. Le retour de flammes lui était fatal: exclusion de la commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français (CNOS). Dans la foulée, elle quittait son poste d’ambassadrice des JO 2024 de Paris.
Ce 9 octobre, deux jours après les massacres du Hamas dans le Sud d’Israël, la médaillée d’argent aux JO de Londres 2012 avait republié sur Instagram un post qui mettait en scène des cartes de la France en 1947, 1967 puis 2023, progressivement recouvertes par un drapeau israélien. La story était accompagnée d'une question: «Que feriez-vous dans cette situation?» Un message pouvant être interprété comme une justification de la tuerie de masse perpétrée par l’organisation terroriste islamiste.
La commission de déontologie du CNOS prenait note des excuses d’Emilie Gomis, qui condamnait après coup les attaques du Hamas. Mais le Comité national olympique français, ne tolérant dans son règlement aucune ambiguïté de ses membres sur ces sujets sensibles, prononçait l’exclusion de l'athlète fin décembre. Non moins problématique, elle avait relayé en août de la même année des messages publiés par le suprémaciste africain Kémi Séba, ouvertement pro-russe, qui s'en prenait à la France au Sahel – celle-ci lui a récemment retiré sa nationalité française.
L'affaire Emilie Gomis n'était qu'une mise en bouche. Le 13 août, le compte X (ex-Twitter) SwordOfSalomon, défenseur de l'existence d'Israël, effectuait un «signalement» à l’encontre de l’athlète français Muhammad Abdallah Kounta, qui, quelques jours plus tôt, avait participé aux relais 4x400 mètres, masculin et mixte, des Jeux de Paris.
Etait exhumé un festival de tweets fielleux, dans lesquels, citant à l'occasion des sourates du Coran ou s'inspirant du fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna, l'athlète en avait, pêle-mêle, après les juifs, les chrétiens, la France, Israël (en lien avec la situation à Gaza), et prônait la séparation entre les hommes et les femmes.
🚨🎽 SIGNALEMENT: Muhammad Abdallah Kounta (@misryyy), athlète de l’Équipe de France 🇫🇷 @FFAthletisme aux #JOParis2024, a fait l’apologie des terroristes du Hamas dès le 7/10, a incité à la haine d’Israel, a banalisé la Shoah et a cité une sourate du Coran considérant les Juifs… pic.twitter.com/ESUebdSS6D
— SwordOfSalomon (@SwordOfSalomon) August 13, 2024
«Des personnes se sont amusées à fouiller dans mes tweets et à sortir certains de mes propos de leur contexte, en me créant une réputation d’anti-blanc, d’anti-France, d’antisémite, et j’en passe», réagissait l’athlète, ne mesurant visiblement pas la gravité de ses écrits précédemment publiés.
Après avoir désactivé son compte X, Muhammad Abdallah Kounta le réactivait et publiait un message d’excuses, se présentant comme «Français, musulman et fier». La Fédération française d’athlétisme décidait, mercredi, de le suspendre pour ses «propos choquants» et «inadmissibles», selon les termes de la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castera, qui s’est félicitée de cette sanction. Le procureur de la République a été saisi.
Avant lui, le 9 août, un autre athlète français participant aux JO, le demi-fondeur Hugo Hay aligné sur la finale du 5000 mètres, avait présenté ses excuses, disant avoir «profondément honte», après la remontée d’anciens tweets, certains datant de 2014, il avait alors 17 ans. Des tweets racistes, homophobes, antisémites. L’athlète plaidait la jeunesse pour se faire pardonner ses publications outrancières. Sauf que dans un post de juin 2024, il écrivait encore «L’enculé» à propos d’une tierce personne.
🚨🇫🇷 FLASH | Plusieurs anciens tweets racistes, antisémites, misogynes et homophobes de l’athlète français Hugo Hay, qui participera demain à la finale du 5000 m en athlétisme aux JO de #Paris2024, ont refait surface :
— Cerfia (@CerfiaFR) August 9, 2024
- « C'est fou de voir des gens qui font encore la différence… pic.twitter.com/hCo1FrCWjG
On ne découvre par la Lune. Le sport en général n’est pas épargné par le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie ou encore l’islamisme. Il est parfois un réceptacle aux théories fumeuses. Les vidéos d’Alain Soral et Dieudonné s’y sont frayé un chemin, là comme ailleurs. Dans un tweet publié pendant les JO, Muhammad Abdallah Kounta approuvait le terme employé par un tiers de «dragons célestes», un code pour dire «juifs» et qui désignait en l’espèce les athlètes israéliens protégés par les forces de l’ordre dans le village olympique.
L'expression «Dragons célestes» est issue du manga One Piece. Son emploi avait valu au début de l’année au député de La France insoumise (LFI) David Guiraud des accusations d’antisémitisme. Réagissant à une plainte déposée par l’Observatoire juif de France pour «apologie du terrorisme et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence» à son encontre pour des propos tenus lors d’un déplacement en Tunisie en novembre, l’élu du Nord avait publié une image des «Dragons célestes». Il s’était défendu de toute allusion antisémite – dans le manga, «Dragons célestes» désigne une élite intouchable d'oligarques.
Se voulant les défenseurs des quartiers populaires, où le ressentiment envers les Blancs et les juifs, jugés comme les «chouchous» des premiers, peut être fort, les représentants de la gauche radicale LFI flirtent quelques fois avec l’antisémitisme, au motif de la défense des Palestiniens. Les Palestiniens auxquels s’identifient une partie de ces mêmes quartiers, vivier du sport français. Il peut y avoir une part de dédoublement de soi dans la manifestation du ressentiment: l'individu qui l'exprime n'adhère pas nécessairement, en tout temps, aux propos qu'il profère.
Tout s’est bien passé durant les JO dans la délégation française, au sommet du bonheur après une moisson record de médailles. Le vivre-ensemble n’a jamais paru aussi fort. Mais l’édifice reste fragile et demande sans cesse à être consolidé.