Après quatorze jours de navigation sur la mythique Route du Café entre Le Havre et la Martinique, certains skippers s'apprêtent à rentrer en avion, tandis que leurs voiliers les rejoindront à bord d'un bateau-cargo. Une aberration écologique qui a notamment poussé le skipper français Stan Thuret à mettre un terme à sa carrière en février dernier.
La Jacques Vabre (réd: qui tire son nom de la marque de café française, d'où son nom «Route du Café») n'est de loin pas la seule épreuve de voile au bilan écologique peu flatteur. Un reportage de Franceinfo pointe les incohérences écologiques de ces courses, citant les organisateurs d'une autre transatlantique, la Route du Rhum, qui se déroule tous les quatre ans entre Saint-Malo et la Guadeloupe:
Selon un document que s'est procuré le média français, un trajet en cargo, en 2022, coûtait 408 000 euros (actuellement un peu moins de 400 000 francs suisses). L'offre provient d'une association de skippers, qui souligne que si seize voiliers sont embarqués, la traversée revient à 25 000 euros par bateau.
Stan Thuret n'est pas le seul navigateur qui se dit mal à l'aise face à l'impact environnemental de son sport. Le skipper Mikael Mergui assure à Franceinfo que rentrer chez lui en retraversant l'Atlantique à la voile n'est tout simplement pas possible en raison des assurances qui facturent des primes supplémentaires.
Par ailleurs, c'est aussi pour éviter de sur-solliciter les voiliers que certains skippers font le choix d'un retour en cargo. Rentrer en bateau userait l'embarcation et les voiles, avance Marcus Hutchinson, vice-président de la classe Figaro Beneteau, cité par le média spécialisé Reporterre.
De leur côté, les organisateurs de la Transat Jacques Vabre précisent que ces retours en cargo sont de moins en moins la norme et disent réfléchir à les interdire complètement à terme, «dès la prochaine édition». Cette année, ils ne seraient que huit à embarquer sur un porte-conteneur pour le retour, sur 95 voiliers engagés, selon Franceinfo.
Si certaines transatlantiques songent ainsi à rendre les retours plus propres, il n'en sera pas de même pour toutes les courses pour des raisons de sécurité, comme c'est le cas de la Mini Transat. C'est ce qu'explique le skipper d'un mini-voilier. Selon Amaury Guérin, les Mini, de petits voiliers de 6,5 mètres, n'ont pas d'autre choix que de rentrer arrimés sur le pont d'un cargo.
Selon Reporterre, qui cite des chiffres donnés par la Transat Jacques Vabre, ce sont plus de la moitié des Class40 (24 sur 45) qui sont rentrés par cargo lors de l'édition 2021. Seuls les Ultim (des maxi-trimarans de 32 mètres) rentrent presque toujours à la voile. Pour autant, ce retour n'est pas forcément très écologique, comme le souligne le navigateur Adrien Hardy.
Le navigateur avait d'ailleurs décidé de ne pas prendre le départ cette année, pour des raisons écologiques, après avoir pourtant gagné cette course par le passé. «Il y a quatre ans, la traversée a duré trois semaines, le retour, 7 heures... en avion.»
En 2022, des incitations sous forme de bonus ont été mises en place pour les skippers qui rentraient à la voile de la Route du Rhum, mais «malheureusement, ça n’a pas fonctionné comme on l’espérait, les skippers ne se sont pas pris au jeu», écrit Reporterre.
De nombreux navigateurs se demandent désormais s'il ne faudrait pas partir sur un autre modèle de course: un départ et une arrivée au même endroit, comme c'est le cas du Vendée Globe, qui démarre et s'achève aux Sables-d'Olonne. Une éventualité qui ne serait toutefois pas souhaitable pour les organisateurs de toutes courses, qui touchent des fonds des villes de départ et d'arrivée.
Par ailleurs, certains sponsors pourraient resserrer les cordons de leurs bourses si les courses optent pour des tracés «moins spectaculaires». Pour d'autres acteurs du secteur, c'est carrément l'image, l'histoire de certaines épreuves qui seraient impactées.
Si changer l'âme d'une course semble impossible pour certains, des experts réfléchissent à d'autres solutions. Comme l'utilisation, à l'avenir, de cargos... à voile.