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La voile, ce sport «écolo» qui cache bien son jeu

"La Fabrique" the monohull category Imoca skippered by Alan Roura of Switzerland and Frederic Denis of France sails during the start of the 13th Transat Jacques Vabre race in Le Havre, Franc ...
Le Suisse Alan Roura et le Français Frédéric Denis au départ de la 13ème Transat Jacques Vabre.Image: KEYSTONE

La voile, ce sport «écolo» qui cache bien son jeu

Dimanche soir, Armel Le Cléac'h et Sébastien Josse se sont imposés lors de la Transat Jacques Vabre après un trajet de 6000 milles nautiques, que de nombreux skippers effectueront en sens inverse en avion, tandis que leurs voiliers seront chargés sur des cargos, gros émetteurs d'émissions de CO2.
14.11.2023, 06:1614.11.2023, 07:24
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Après quatorze jours de navigation sur la mythique Route du Café entre Le Havre et la Martinique, certains skippers s'apprêtent à rentrer en avion, tandis que leurs voiliers les rejoindront à bord d'un bateau-cargo. Une aberration écologique qui a notamment poussé le skipper français Stan Thuret à mettre un terme à sa carrière en février dernier.

«Que disent les chiffres des scientifiques? Chaque humain ne peut émettre plus de 2 tonnes équivalent CO2 par personne et par an si nous souhaitons rester sous les 2 degrés de réchauffement. Or un Français moyen émet 10 tonnes, et un Class40 neuf 50 tonnes [...] Certes, la voile n’est pas le plus gros pollueur. Mais toute action qui contribue à dépasser ces 2 tonnes devrait être remise en question.»
Stan Thuret dans son annonce sur Facebook le 15 février.

Une démarche qu'il avait expliquée dans cette vidéo:

La Jacques Vabre (réd: qui tire son nom de la marque de café française, d'où son nom «Route du Café») n'est de loin pas la seule épreuve de voile au bilan écologique peu flatteur. Un reportage de Franceinfo pointe les incohérences écologiques de ces courses, citant les organisateurs d'une autre transatlantique, la Route du Rhum, qui se déroule tous les quatre ans entre Saint-Malo et la Guadeloupe:

«Un retour en cargo (depuis la Guadeloupe jusqu'en France métropolitaine), pour un voilier de douze mètres de long (un Class40), émet 48 tonnes d'équivalent CO2.»
Franceinfo dans L'œil du 20H du 9 novembre.

Selon un document que s'est procuré le média français, un trajet en cargo, en 2022, coûtait 408 000 euros (actuellement un peu moins de 400 000 francs suisses). L'offre provient d'une association de skippers, qui souligne que si seize voiliers sont embarqués, la traversée revient à 25 000 euros par bateau.

Tarifs élevés notamment à cause des assurances

Stan Thuret n'est pas le seul navigateur qui se dit mal à l'aise face à l'impact environnemental de son sport. Le skipper Mikael Mergui assure à Franceinfo que rentrer chez lui en retraversant l'Atlantique à la voile n'est tout simplement pas possible en raison des assurances qui facturent des primes supplémentaires.

«(Charger mon voilier sur un cargo) c'est quelque chose que je ne suis pas fier du tout de faire, clairement, mais je n'ai pas un budget no limit...»
Mikael Mergui, navigateur Class40 de la Transat Jacques Vabre.

Par ailleurs, c'est aussi pour éviter de sur-solliciter les voiliers que certains skippers font le choix d'un retour en cargo. Rentrer en bateau userait l'embarcation et les voiles, avance Marcus Hutchinson, vice-président de la classe Figaro Beneteau, cité par le média spécialisé Reporterre.

De leur côté, les organisateurs de la Transat Jacques Vabre précisent que ces retours en cargo sont de moins en moins la norme et disent réfléchir à les interdire complètement à terme, «dès la prochaine édition». Cette année, ils ne seraient que huit à embarquer sur un porte-conteneur pour le retour, sur 95 voiliers engagés, selon Franceinfo.

Un calendrier des courses «basés sur les cargos»

Si certaines transatlantiques songent ainsi à rendre les retours plus propres, il n'en sera pas de même pour toutes les courses pour des raisons de sécurité, comme c'est le cas de la Mini Transat. C'est ce qu'explique le skipper d'un mini-voilier. Selon Amaury Guérin, les Mini, de petits voiliers de 6,5 mètres, n'ont pas d'autre choix que de rentrer arrimés sur le pont d'un cargo.

«Tout le calendrier, tout le programme de la course est basé sur le retour cargo. Par exemple, on fait partir la transat à l'automne [...] c'est le moment où il y a les pires dépressions dans l'Atlantique Nord, ce qui rend complètement impossible un retour.»
Amaury Guérin, navigateur.

Selon Reporterre, qui cite des chiffres donnés par la Transat Jacques Vabre, ce sont plus de la moitié des Class40 (24 sur 45) qui sont rentrés par cargo lors de l'édition 2021. Seuls les Ultim (des maxi-trimarans de 32 mètres) rentrent presque toujours à la voile. Pour autant, ce retour n'est pas forcément très écologique, comme le souligne le navigateur Adrien Hardy.

«Faire revenir les Ultim nécessite d’envoyer des pièces détachées dans un conteneur...»
Adrien Hardy, navigateur.

Le navigateur avait d'ailleurs décidé de ne pas prendre le départ cette année, pour des raisons écologiques, après avoir pourtant gagné cette course par le passé. «Il y a quatre ans, la traversée a duré trois semaines, le retour, 7 heures... en avion.»

Des problèmes et des solutions à terme

En 2022, des incitations sous forme de bonus ont été mises en place pour les skippers qui rentraient à la voile de la Route du Rhum, mais «malheureusement, ça n’a pas fonctionné comme on l’espérait, les skippers ne se sont pas pris au jeu», écrit Reporterre.

De nombreux navigateurs se demandent désormais s'il ne faudrait pas partir sur un autre modèle de course: un départ et une arrivée au même endroit, comme c'est le cas du Vendée Globe, qui démarre et s'achève aux Sables-d'Olonne. Une éventualité qui ne serait toutefois pas souhaitable pour les organisateurs de toutes courses, qui touchent des fonds des villes de départ et d'arrivée.

Par ailleurs, certains sponsors pourraient resserrer les cordons de leurs bourses si les courses optent pour des tracés «moins spectaculaires». Pour d'autres acteurs du secteur, c'est carrément l'image, l'histoire de certaines épreuves qui seraient impactées.

«Avec une boucle, on perdrait l’ADN de notre course. On s’arrête dans une destination café, on a un certain nombre d’actions sur les territoires, on va voir des plantations...»
Gildas Gautier, directeur général de la Transat Jacques Vabre, cité par Reporterre.

Si changer l'âme d'une course semble impossible pour certains, des experts réfléchissent à d'autres solutions. Comme l'utilisation, à l'avenir, de cargos... à voile.

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