Le terme hornuss (à prononcer «hornousse») vient du suisse-allemand hornen ou hurnen (bourdonner). Il s'agit donc du bruit que fait le nuss, ce petit palet dur, lorsqu'il vole dans les airs. A l'image d'un frelon (Hornisse, en bon allemand).
Le hornuss désigne surtout un jeu traditionnel dans notre pays.
La raison? Il n'est pas médiatisé. Pourtant, la Fête fédérale de hornuss, qui se déroule sur deux week-ends – 23 au 25 août puis 30 août au 1er septembre – à Höchstetten (BE) est le plus grand événement sportif du pays.
Plus de 5'000 actifs s'affrontent pour déterminer la meilleure société – en hornuss, les équipes s'appellent des sociétés – et le meilleur lanceur individuel. Bien qu'il soit ouvert aux femmes, ce sport est en grande partie une affaire d'hommes. Il y a tout de même déjà 160 femmes qui ont disputé au moins un match de championnat cette saison.
Ce championnat, justement, se dispute chaque année en cinq ligues. La Fête fédérale, tous les trois ans, est le grand événement. Comme une sorte de Jeux olympiques de la patrie.
Jeux olympiques? Oui, la comparaison est tout à fait justifiée. Et pas seulement parce que la Fédérale de hornuss, avec ses quelque 5'000 joueurs et joueuses, mobilise seulement deux fois moins de participants que les JO d'été.
Le fait que les entreprises n'investissent pratiquement pas d'argent dans la publicité, à cause de l'absence médiatique, facilite bien sûr considérablement l'entretien de la camaraderie et du pur esprit sportif olympique. Oui, au hornuss, participer est plus important que gagner.
Même s'il est extrêmement peu médiatisé, ce sport typiquement helvétique a fait, très tôt, l'objet d'un chapitre entier de l'écrivain bernois Jeremias Gotthelf (1797-1854) dans son roman Ueli der Knecht. L'auteur y fait l'éloge de cette discipline:
Il est principalement pratiqué dans les cantons de Berne (Emmental, Mittelland, Haute-Argovie), Soleure et Argovie.
Le hornuss est sans doute le sport le plus propre et le plus honnête du 21e siècle. Dans aucune autre discipline, le savoir-faire le plus moderne n'est adopté et directement mis en œuvre avec autant de bon sens. Le projet «Hornusserweg» permet d'accélérer la modernisation en cours, en impliquant toutes les personnes concernées. Le jeu et le matériel sont développés en permanence et les structures sont adaptées aux exigences de notre temps.
Le fouet d'environ trois mètres de long, avec lequel le nuss est envoyé à plus de 300 mètres dans le terrain, à plus de 300 km/h, était fabriqué au 19e siècle avec du bois de frêne. Depuis, le matériau n'a cessé d'être amélioré.
La fibre de verre, l'aluminium et le carbone se sont imposés dans l'équipement. Le nuss volait toujours plus loin – à cause des progrès du matériel et de la force accrue des lanceurs – et a même fini par dépasser le terrain de jeu. Problème: l'interception du nuss par les adversaires dans le champ avec les palettes, qui est l'essence de ce jeu, risquait de devenir impossible. Du coup, le nuss a été modifié aérodynamiquement, après des tests en soufflerie, avec l'ajout de rainures et une forme lui permettant de voler moins loin.
A ses débuts, il était courant dans le hornuss qu'une partie soit convenue spontanément entre deux villages et que le perdant paie au vainqueur le repas et la boisson. Tout cela se terminait souvent par une bonne bagarre d'auberge.
En 1902, l'Association fédérale de hornuss est fondée au Schützenhaus à Berthoud (BE).
Le championnat comprend cinq ligues et une Fête fédérale est organisée tous les trois ans, sur le modèle de la lutte suisse. Les résultats et le déroulement des matchs peuvent être consultés en temps réel sur le smartphone, et il est prévu de diffuser bientôt, en streaming, encore plus de rencontres de championnat.
Mais cette modernisation n'a pas permis d'accroître la popularité du hornuss dans tout le pays, comme c'est le cas pour la lutte. Le hornuss n'est pas un sport télévisé comme la lutte, en raison de la longueur d'un match (il peut durer plus de deux heures) et de la difficulté de capter le long vol du nuss avec la caméra. Bruno Ryser, directeur de la fédération, affirme que celle-ci ne possède ni ne vend de droits TV.
Autrement dit: ce sport ne fait aucune recette grâce à la TV.
Or, la présence télévisuelle est indispensable pour faire des affaires publicitaires. Mais il n'y a pas de coordination en la matière au sein de la fédération, comme l'explique son directeur:
Quelques sous proviennent du sponsoring d'entreprises locales, actives dans la construction, la plomberie ou un garage, par exemple. Les joueurs affichent leurs logos sur leur t-shirt ou accrochent une bâche publicitaire sur le terrain de jeu.
Il existe une belle coutume qui veut qu'un certain nombre de sociétés de hornuss soient invitées à la Fête fédérale de lutte. Lors de celle de 2013 à Berthoud, ces joueurs de hornuss devaient même avoir l'honneur de faire leur entrée dans l'arène. Mais il leur fallait se plier aux conditions publicitaires strictes des lutteurs. Conséquence? Les joueurs de hornuss ont renoncé. Et pour cause: ils auraient tous dû confectionner de nouveaux vêtements pour coller à ces règles.
Contrairement à la lutte suisse, il n'existe pas de «temple des dons» dans le hornuss avec des prix vivants (bœufs, taureaux, poulains). Les prix (cloches ou cornes à boire, par exemple) ont certes une valeur matérielle, mais elle est avant tout affective.
Bruno Ryser suppose que même le roi des lanceurs, désigné lors d'un concours à la Fête fédérale, est loin d'atteindre les 20'000 francs de recettes publicitaires.
De toute manière, en hornuss, le sponsor verse directement, de ses propres mains et sans intermédiaire, l'argent dans la caisse de la société. Car ce sport célèbre la camaraderie comme aucun autre.
Un autre exemple? Un match de championnat commence vers 10h00 et, à la fin de la rencontre, les joueurs mangent et boivent ensemble dans la cabane située à côté du terrain. Il arrive alors que les derniers rentrent chez eux au crépuscule.
En général, les sociétés louent un terrain et y aménagent une surface de jeu permanente, avec donc la fameuse cabane à côté. Autant dire que les joueurs profitent bien de celle-ci: l'une des nombreuses causes de la mort des bistrots dans la région de Berne est le manque de chiffre d'affaires dû aux joueurs de hornuss qui, après un match, festoient dans leurs propres buvettes et non plus dans les bars locaux.
Adaptation en français: Yoann Graber