Mondiaux en Afrique: «Les routes ici sont meilleures qu'en Italie»
Tino Eicher, les Championnats du monde de cyclisme sur route ont lieu pour la première fois en Afrique, une décision qui a été saluée, mais aussi critiquée. Quelle est votre position à ce sujet?
Pour être honnête, j'ai été très heureux à l'annonce de cette décision. C’est un véritable défi, mais aussi une opportunité. Le Rwanda est un pays dont la population est passionnée de cyclisme, cela se ressent immédiatement. Le fait que les Championnats ne se déroulent pas, cette fois, dans un pays traditionnel du cyclisme comme la Belgique, la France ou l’Italie, mais pour la première fois sur le continent africain, me paraît rafraîchissant. Bien sûr, il y a aussi des aspects politiques, comme pour tout grand événement, mais du point de vue sportif, c’est clairement la joie qui l’emporte.
Comment votre délégation s’est-elle préparée en vue de ces Mondiaux en Afrique? Qu’est-ce qui a changé cette fois-ci?
La planification logistique s’est révélée nettement plus complexe. Alors qu’à Glasgow et Zurich, les deux années précédentes, nous pouvions transporter tout notre matériel par voie terrestre, il a cette fois fallu tout faire acheminer par avion, avec les contraintes de poids que cela implique et des délais particulièrement serrés. Cela demande une coordination rigoureuse et engendre des coûts élevés. A cela s’ajoute l’inconnu: au départ, nous ne savions presque rien de ce qui nous attendait sur place. Quel est le niveau des hôtels? Comment s’organisent les douanes? Y a-t-il de l’eau potable? Qu’en est-il de la nourriture? Il a également fallu prendre en compte les conditions sportives: la chaleur, l’altitude et, en cas de pluie, un asphalte extrêmement glissant.
Vous êtes partis à trois à Kigali avec Swiss Cycling pour une mission de reconnaissance à l'automne dernier. Quelles ont été vos impressions sur place?
Très positives. Les routes sont en excellent état. Nous n’avons pas vu un seul nid-de-poule dans toute la ville. J’ose même dire qu’en Italie, on rêverait d’avoir de telles conditions. Les hôtels sont également d’un très bon niveau, conformes aux standards occidentaux. La ville est d’une propreté remarquable: les sacs plastiques y sont interdits et tous les habitants participent au nettoyage des rues une fois par mois. La population est extrêmement accueillante et serviable, et le cyclisme y est réellement bien ancré. Cela n’a fait qu’accentuer notre enthousiasme à l’approche de ces Mondiaux.
Y a-t-il eu des aspects spécifiques sur lesquels vous avez porté une attention particulière en amont de l'événement?
Oui, je pense surtout à la santé. Avec notre équipe médicale, nous avons établi des recommandations précises. Même si aucune vaccination n’est obligatoire, certaines mesures prophylactiques sont conseillées, notamment contre la malaria. Les avis restent toutefois partagés, y compris parmi les autres nations. Par ailleurs, nous avons fait venir notre propre cuisinier, qui collabore avec la cuisine de l’hôtel. Lors de notre visite, les repas étaient excellents et surtout digestibles. Nous avons aussi emporté un stock de médicaments plus conséquent que pour un Mondial en Europe, afin d’être prêts à toute éventualité.
Que représente, selon vous, la tenue des Championnats du monde pour la première fois sur le continent africain? Est-ce un simple geste symbolique ou un véritable progrès?
Je considère que c’est un pas important pour le cyclisme. Pour le Rwanda et l’ensemble de l’Afrique, cet événement représente un moment exceptionnel: c'est sans doute la plus grande manifestation sportive depuis la Coupe du monde de foot en Afrique du Sud en 2010. Certes, en Europe, nous devons cette fois composer avec des coûts plus élevés et davantage de contraintes. Mais il faut rappeler que le continent africain n’a jamais accueilli les Mondiaux, et que de nombreuses équipes locales n’ont jamais pu y participer, faute de visas. C’est pourquoi nous n’avons aucune raison de nous plaindre. Au contraire, nous devrions percevoir ces Mondiaux comme une opportunité et un signe d’ouverture, tout en assumant avec responsabilité notre rôle de nation cycliste reconnue. Vous savez, pour les locaux, ces Championnats ont une signification immense. Quand des stars comme Tadej Pogacar se rendent à Kigali, c’est un événement majeur qui suscite beaucoup d’enthousiasme. Je suis convaincu que ce sera une véritable fête populaire, capable d’inspirer les jeunes à s’engager dans le cyclisme. Beaucoup utilisent déjà le vélo comme moyen de transport quotidien.
Quelles attentes avez-vous vis-à-vis de ces Mondiaux?
Ma principale responsabilité concerne l’organisation. Mon objectif est d’offrir à l’équipe les meilleures conditions possibles afin qu’elle puisse livrer sa meilleure performance. Sur le plan sportif, j’espère évidemment que nous pourrons décrocher une ou plusieurs médailles (réd: Marlen Reusser s'est déjà parée d'or sur le contre-la-montre femmes). Je pense que nous avons de solides atouts. Mais au-delà des résultats, ce que je souhaite surtout, c’est que des images fortes de Kigali fassent le tour du monde, celles d’un événement parfaitement organisé, porté par la ferveur populaire.
