Les rumeurs colportaient qu'il était devenu très véloce. Alors quand Remco Evenepoel a «mangé» Pello Bilbao dans la dernière ligne droite de la Classica San Sebastian, on découvrait une nouvelle arme dans l'arsenal déjà bien fourni du «petit Cannibale».
Interrogé par L'Equipe, le Belge expliquait dans la foulée de son sacre que «depuis le Championnat de Belgique (réd: remporté au sprint devant Alec Segaert), je sais que je peux compter sur mon sprint pour la victoire».
David Lehaire, journaliste belge à la DH, nous expliquait que les suiveurs étaient déjà «surpris qu'il règle Segaert aux championnats de Belgique».
Cette évolution fulgurante dans le sprint surprend jusqu'à l'intéressé. Au bout du fil, David Lehaire est moins surpris: il qualifie Evenepoel de «phénomène qui progresse tellement vite», comme en témoigne sa réaction après sa terrible chute au Tour de Lombardie 2020:
Brûler les étapes, c'est un processus que le cycliste flamand connaît bien. Passer des catégories juniors pour atterrir directement chez les pros, se muer en bon descendeur et façonner des facultés de sprinter, l'ancien footballeur apprend très vite.
Son apprentissage en accéléré de coureur cycliste surprend, impressionne, surtout qu'il «manquait d'agilité et de technique sur le vélo», confirme Dylan Page, ancien coureur professionnel.
Et progresser au sprint n'est pas chose aisée: pour passer des paliers dans cet exercice, l'héritier d'Eddy Merckx a travaillé sur des portions plates, des tronçons de 200 à 300 mètres. «Ils ont pris du temps aux entraînements, en allant chercher avec ses coéquipiers du plat pour muscler son sprint», précise David Lehaire. A force de cravacher, Remco Evenepoel a emmagasiné des watts supplémentaires et peut aisément exister, voire remporter des emballages finaux - en petit et plus grand comité.
«Ce sont tes fibres musculaires, tes qualités intrinsèques, ta tolérance à l'acide lactique qui décident de tes facultés sur le vélo», recentre Dylan Page, tout en rappelant que le sprint, «c'est 50% de tactique et de timing». L'Aiglon, ancien pensionnaire de la formation espagnole Caja Rural, concède que le Belge est fait d'un autre bois.
En tentant d'être plus véloce, ne pourrait-il pas amoindrir ses qualités de grimpeur? «Il a tout», admire Dylan Page. Une fois une qualité acquise, elle reste imprégnée dans ses jambes de feu. Son panel paraît infini. Epaulé par des coureurs tels que Fabio Jakobsen et Tim Merlier, surpuissants dans les sprints, Evenepoel a encore pu travailler ses démarrages. «Il avait déjà cette explosivité dans les cuisses», coupe David Lehaire. Et d'ajouter qu'après son sacre basque, le champion du monde, pour reprendre une expression flamande, «n'est plus le fer à repasser de ses débuts».
Désormais, si son mode rouleau compresseur n'écrase pas l'entier du peloton, il peut enclencher l'option sprint pour se couvrir de lauriers. En jetant un coup d'œil dans le rétro, c'est une leçon bien retenue par le Belge, après sa déception aux championnats d'Europe en 2021: il s'était incliné... au sprint face à l'Italien Sonny Colbrelli. L'erreur est réparée et l'histoire ne devrait pas se répéter.