S'il fallait trouver un sac de frappe pour les supporters anglais, il se nommerait Phil Foden (24 ans), dernier entrant dans la liste des cibles des fans anglais aux côtés des Harry Maguire, Bukayo Saka, Marcus Rashford ou encore Harry Kane.
La presse anglaise a visé et dézingué le gamin; la déferlante de diatribes a même fait exploser les tendances X lors du match Angleterre-Serbie, le dimanche 16 juin.
Gageons que le joueur originaire de Stockport a désactivé les notifications de son compte X au vu des piques peu glorieuses qui lui sont adressées. Résultat: le nom du Cityzen s'est retrouvé numéro un des tendance du réseau social à force d'être dégommé par les internautes.
Car au pays du football, en sélection national, mieux vaut être prêt à mouiller le maillot ou le bonnet d'âne vous est promis. Et pour le meilleur joueur de Premier League cette saison, son destin n'épouse pas les mêmes standards en sélection qu'en club.
Un contentieux qui ne fait que grossir, surtout à l'entame de cet Euro 2024.
Le 23 mars, déjà, il s'était fait massacrer pour sa prestation, lors du match amical Brésil-Angleterre. Les fans ont sorti la sulfateuse dans les discussions virtuelles, arguant qu'il est un joueur surfait et taxé de fantôme dès qu'il enfile le maillot anglais. Critiqué, moqué, traîné dans la boue, l'impact du milieu offensif est disséqué à chacun de ses matchs en sélection. Si bien que Foden serait en train de remplacer le maladroit Harry Maguire dans le coeur, gonflé par la colère, de la nation.
S'il est comme un poisson dans l'eau dans le dispositif tactique de Manchester City, se greffant parfaitement dans le sacro-saint style de jeu à faible risque et basé sur la possession, en équipe d'Angleterre, le fish and chips est indigeste pour lui. Aux côtés de Jude Bellingham et Saka, c'est un match invisible qu'il a livré face à la Serbie.
La construction autour du joyau Bellingham semble empêcher une expression totale de Foden sur la pelouse. Le problème est de savoir comment l’utiliser au mieux, synthétisait en mars BBC Sport.
Foden est envoyé à gauche par Gareth Southgate, une entreprise que n'oserait faire Pep Guardiola en club. L'énigme du placement du petit milieu anglais ne semble pas embarrasser le sélectionneur anglais, mais elle donne du grain à moudre aux détracteurs du milieu de City.
Selon les fans, un grand joueur se reconnaît par sa capacité à s'adapter au plan de jeu du coach.
Une pique que Cesc Fabregas partage. L'ancien joueur d'Arsenal, sur le plateau de la BBC, soulève un manque de personnalité:
Rio Ferdinand, ancienne gloire de Manchester United, reste plus mesuré et assure que le prodige anglais pourra exprimer la pleine mesure de son potentiel lorsque Luke Shaw sera de retour de blessure - le latéral est annoncé opérationnel pour la suite du tournoi.
D'autres invoquent un problème semblable vécu par Paul Scholes, l'ancien joueur de Manchester United, lui aussi décalé sur le flanc gauche pour faire de la place à Steven Gerrard et Frank Lampard au milieu, se remémorait le Guardian.
Appartenir à la race des seigneurs du ballon rond demande une capacité à répondre aux dilemmes tactiques. Mais Foden pourrait renvoyer la balle aux critiques, arguant que ses courses (si précieuses) ont pesé sur l'axe défensif des Serbes. Le fameux travail de l'ombre que le grand public ne voit pas.
Le déroulé du compte X Talking Tactics relève la tache ingrate que Foden a endossé lors de la première période du premier match des Three Lions. «Le mouvement sans ballon de Foden et la position offensive qu'il occupait étaient excellentes. (...) Une passe bâclée, où lui et Bukayo Saka n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Hormis ça, Foden jouait bien.»
Sauf que les détracteurs (et la presse) contre-attaquent en déplorant une prise de risque totalement absente: aucun dribble tenté, aucun tir et un seul ballon touché dans la surface adverse lors des 90 minutes. Sans poids offensif, les «rosbif» se rebiffent.
Les quelques soutiens de Kobbie Mainoo en conférence presse, soulignant la finesse technique du joueur de 24 ans, n'éteindront pas l'incendie en cours. Les plumes et les claviers redoublent d'effort pour crier à l'esbroufe et à la supercherie d'un joueur capable de briller seulement sous les ordres de (saint) Guardiola.
Ces mêmes «serial critiques» rusent de surnoms peu glorieux, comme «Phil Frauden», n'oubliant pas d'afficher aussi les maigres statistiques sous le tricot anglais. «The Sniper», de son surnom établi, compte quatre buts en 35 sélections et des performances qualifiées de maigres.
Comme l'écrivait le Guardian, Foden est un talent complexe. Un joyau travaillé, taillé au sein de l'académie de Manchester City, qui n'a connu que Guardiola, où tout est formaté, structuré, un écrin où Foden adopte des mécanismes charbonnés et étudiés toute la saison.
Southgate ne semble pas prêt à reléguer son poulain sur la feuille des remplaçants. Le coach n'accorde que très peu d'importance au «bruit extérieur», selon ses dires, et alignera certainement Phil Foden face au Danemark, ce jeudi 20 juin. Une chance à saisir et une foule d'observateurs qui n'ont que cette question à l'esprit: restera-t-il ce joueur exceptionnel en club et une énigme l'emblème national sur la poitrine? L'Euro nous le dira.