L'Italie aurait-elle remporté l'Euro 2020 si la règle des exclusions temporaires avait déjà été appliquée? La question est volontairement provocatrice, mais elle permet de souligner à quel point beaucoup de choses vont changer dans le football avec l'introduction annoncée d'un nouveau carton (orange ou blanc). Celui-ci viserait à apaiser d'éventuelles tensions sur le terrain et à améliorer le fair-play. Il enverrait le fautif sur la touche pendant dix minutes.
C'est la peine à laquelle le défenseur italien Giorgio Chiellini aurait été condamné lors du dernier Euro. Souvenez-vous: en finale du tournoi face à l'Angleterre, alors que le score était de 1-1 et qu'il ne restait que quelques secondes à disputer dans le temps règlementaire, le capitaine de la Nazionale s'est rendu coupable d'un manque de fair-play en agrippant le maillot de Bukayo Saka.
Le capitaine italien s'est sacrifié pour son équipe. Il n'a absolument pas triché, il a juste profité de la règle pour empêcher une contre-attaque éclair des Anglais en ne recevant qu'un carton jaune, ce qui lui a permis de rester sur le terrain pour participer au triomphe de la Squadra Azzurra aux tirs au but. Mais que se serait-il passé si l'Italie avait dû débuter les prolongations avec un joueur de moins, le temps que Chiellini purge ses dix minutes de suspension temporaire? Ou si le rugueux défenseur n'avait pas fait faute, sachant qu'il aurait écopé d'une sanction immédiate?
C'est pour ne plus avoir à se poser la question que l'IFAB, gardien des lois du jeu, a recommandé la mise à l'essai des exclusions temporaires dans le foot pro, cette semaine lors de sa réunion annuelle à Londres, théâtre justement de la dernière finale de l'Euro.
Cette proposition sera examinée lors de l'assemblée générale annuelle de l'instance à Glasgow en mars 2024. Mais les «fautes tactiques» sont clairement dans le viseur de l'IFAB.
La «faute tactique», aussi appelée «intelligente» ou «utile», a toujours fait partie du football. Et elle a toujours divisé: «Le puriste y voit un vice, l'expert une des armes du footballeur expérimenté», résumait L'Equipe en 2016.
Elle est même devenue un art maîtrisé par plusieurs joueurs au cours de l'histoire du jeu (Verratti, Kroos, Khedira, Van Bommel, Deschamps, Gattuso, Simeone, etc.)
«Sur une contre-attaque adverse, tu mets un petit croc-en-jambe à l’adversaire pour que l’arbitre siffle et l’arrêt de jeu permet à ton équipe de te replacer», explicitait Ludovic Baal, l'ex-défenseur expérimenté de Lens, Rennes ou encore Brest, dans Ouest-France en 2021.
Maillot accroché, léger croc-en-jambes, petit coup d'épaule, faute de main l'air de rien: autant de gestes qui cassent l'action adverse et qu'on devrait moins voir sur les terrains à l'avenir si l'IFAB introduit un nouveau carton. De quoi diviser un peu plus les puristes et les experts.