Mikel Arteta a mis deux ans et demi à ramener Arsenal au sommet du football anglais. Le choc au sommet contre Manchester City, ce mercredi soir à 21 heures, décidera de son destin: une victoire et les Gunners seront en position de remporter leur premier titre depuis 2004. Une défaite et leur magnifique saison sera gâchée. Ils comptent cinq points d'avance mais deux matches de plus.
Même si Arsenal n'a lâché la première place qu'une seule fois depuis la troisième journée, il vient d'enchaîner trois nuls et de dilapider rapidement son avantage. Le dernier nul en date a été concédé vendredi dernier à la lanterne rouge Southampton, au terme d'un duel d'une intensité folle (3-3, égalisation d'Arsenal aux 88e et 90e minute). En conférence de presse, Mikael Arteta a eu des mots forts:
Pour autant, les ordinateurs du spécialiste de statistiques Opta ne lui donnent que 22% de chances de finir champion, contre 78% à City. Une deuxième place pourrait sembler cruelle après un parcours aussi formidable, mais les chances de titre n'étaient que de 0,13% au début de la saison, toujours selon Opta, quand celles de City étaient de 47%. Rappelons aussi qu'Arsenal est sevré de Ligue des champions depuis six ans.
Quoiqu'il arrive, la nomination en décembre 2019 de Mikel Arteta, ancien joueur du club et sans aucune expérience d'entraîneur principal, restera un coup de maître. Le technicien espagnol n'avait alors que 37 ans. Adjoint et disciple de Pep Guardiola à City, il en partage les idées, à tout le moins les grands principes (pressing haut, jeu en triangle) mais il n'avait pas son aura et encore moins son totem d'immunité.
Arteta a connu des débuts très difficiles à la tête d'une équipe bancale, où des cadres vieillissants (Lacazette, Özil, Willian) le disputaient à des talents immatures (Pepé, Tavares). La façon dont les dirigeants lui ont maintenu leur confiance malgré les défaites, tout en le soutenant avec des investissements importants sur le marché des transferts, devrait inspirer plus d'un club anglais.
Les comparaisons avec Alex Ferguson, qui a reconstruit progressivement Manchester United pour y passer 27 glorieuses années, fleurissent déjà. Car si la première demi-saison d'Arteta a été couronnée par une victoire en Cup, sa première saison pleine (2020/2021) reste marquée par huit défaites en douze journées entre septembre et décembre 2020. Arsenal, 15e, était quasiment en position de relégable.
Le point bas a sans doute été atteint au début de la saison suivante, justement après un déplacement à City, en août 2021, pour la 3e journée de Premier League. Humiliés 5-0 à l'Etihad, après avoir été battu par le promu Brentford (2-0) et le rival Chelsea (2-0), Arsenal était bon dernier, risée de toute l'Angleterre.
Personne ne semblait comprendre le jeu qu'Arteta cherchait à mettre en place alors que l'effectif avait été considérablement étoffé (et excessivement rajeuni) par les arrivées de Aaron Ramsdale, Ben White, Gabriel, Thomas Partey ou encore Martin Odegaard. L'Emirates grondait d'impatience. Les bookmakers ne donnaient pas cher d'Arteta.
Soutenu aveuglément par le directeur sportif Edu, l'homme le plus influent d'Arsenal, Arteta a toujours eu les coudées franches. Il a choisi d'écarter Mesut Özil, Pierre-Emerick Aubameyang, Nicolas Pépé et Alexandre Lacazette. Aucun CV, aucun contrat mirobolant, aucune somme de transfert ou années de bons et loyaux services n'ont entravé les décisions du coach pour façonner l'effectif.
Mikael Arteta a également su fédérer par ses causeries enflammées, dures et philosophiques, dont certaines sont déjà légendaires. L'Espagnol ne parle pas seulement de tactique mais touche volontiers la corde sensibles de ses joueurs en appelant à la loyauté, la fierté ou à l'amour de son prochain.
Une fin de saison dernière mal maîtrisée a fait rater de peu la quatrième place qualificative pour la C1, mais les recrutements estivaux de Fabio Vieira, et surtout de Gabriel Jesus et Oleksandr Zinchenko, anciens de City, ont été un nouveau signal fort. «Le plus grand compliment que l'on puisse adresser à Arsenal (...), c'est pour avoir soutenu Mikael dans les mauvais moments et lui avoir fait confiance», avait déclaré Guardiola fin janvier. Mais mercredi, le manager de City fera tout pour qu'Arsenal doive encore redoubler de patience avant de regagner le titre.