Le championnat de Serie A débute dans deux semaines et on saura alors si Paulo Dybala méritait autant d'amour et de considération. Si la Roma a eu raison de lui proposer le numéro 10 (un honneur que le joueur a poliment décliné), si les tifosi ont bien fait de s'arracher son maillot dans les boutiques du club (il s'en est vendu plus que lors du transfert de Ronaldo à la Juventus) et s'il fallait acheter autant d'enceintes et d'ampoules pour sa présentation son et lumière, mardi soir, devant le Palazzo della Civilità Italiana.
Paulo Dybala lui-même n'a pas vraiment su comment réagir face aux 10 000 Romains venus exprès pour lui. «Il est apparu incrédule, ému et sans parole», a constaté le journaliste de La gazzetta dello sport Andrea Di Caro, évoquant une «incroyable présentation hollywoodienne».
L’hymne de la Roma repris par le peuple romain devant un Paulo Dybala ému aux larmes, les frissons 😳 : pic.twitter.com/Q9101RF7GV
— José Mourinho Show (@Jmshow10) July 26, 2022
«Il n'aurait jamais reçu un tel accueil ailleurs», a fait remarquer l'envoyé spécial, ce qui dit beaucoup sur le joueur et sur sa nouvelle adresse. Ecarté de la Juventus, indésirable à l'Inter Milan (qui lui a préféré Romelu Lukaku) et snobé par les clubs étrangers, l'international argentin (34 sélections/4 buts) n'a été courtisé que par deux équipes: Naples et, donc, la Roma, un club sevré de scudetto depuis 21 ans et d'idole depuis la retraite de Francesco Totti en 2017.
Paulo Dybala incarne un double espoir, il sera aussi attendu sur le terrain qu'en dehors, et ce n'est pas dit qu'il n'y arrive pas. Doté du plus beau pied gauche de la Botte, redoutable sur coups de pied arrêtés, le numéro 21 de la Louve est un trequartista technique, élégant et parfois spectaculaire.
Si la Roma parvient à garder tous ses talents offensifs et José Mourinho à insuffler le même élan que la saison dernière (sixième de Serie A et vainqueur de la Conférence league), de belles promesses peuvent naître dès la rentrée face à la Salernitana (14 août), la Cremonese (22 août) et la Juventus (27 août).
«Dybala, c'est un joueur qui te fait prendre une autre dimension», observe Daniel Romano, présentateur sur blue Sports et spécialiste du football italien. «La Roma a commencé à changer de sphère avec l'arrivée de José Mourinho l'été dernier. Quand tu prends Mourinho, il est plus facile ensuite de faire venir des joueurs comme Abraham et Dybala, de convaincre Zaniolo de rester et de séduire Wijnaldum. Chez les supporters, forcément, il y a de l'euphorie.» Les billets pour les matchs au stadio olimpico s'arrachent: 41 000 ont déjà été vendus pour le match amical (!) face au Chakhtar Donetsk le 7 août.
C'est dans ce contexte ultra favorable qu'arrive Paulo Dybala, visage poupin, tatouages discrets et modestie assumée. «C'est facile de s'identifier à lui. Il a une très bonne réputation, on ne parle jamais de lui dans la presse à scandales», poursuit Daniel Romano. «Et puis, regardez, il a le visage d'un ange. C'est le figliastro (réd: le beau-fils) idéal.» Aimé des parents, il l'est aussi des enfants: plus de la moitié des maillots floqués à son nom ont été achetés par des moins de seize ans.
Hyper doué, follement apprécié et peut-être bientôt champion du monde (l'Argentine voyagera au Qatar avec une équipe incroyable), Paulo Dybala a tout pour plaire, à condition de ne pas trop s'attarder sur ses dernières saisons avec la Juve.
Car, avant d'être le nouvel empereur de Rome, l'attaquant argentin était le joueur fragile de la Juventus aux coups d'éclat sporadiques. Un artiste qui n'a jamais vraiment confirmé les attentes nées de son formidable doublé face au Barça, le 11 avril 2017 en quart de finale de la Ligue des champions.
D'abord entravé par Cristiano Ronaldo (2018-2021), Dybala a ensuite été affecté par un Covid long (2020-2022). Il n'a disputé que 38% des matchs de la Juventus depuis la fin de sa quarantaine. Le recruter en 2022, même libre, apparaît comme un pari. «C'est un super joueur, encore jeune et malgré tout expérimenté, mais très fragile physiquement, donc peu fiable sur une saison», résume Davy Locatelli, 44 ans dont 36 à supporter la Roma. Lui attend de voir l'idole en action pour juger.
«Les fans lucides et objectifs de la Roma savent qu'il n'est pas le Dybala d'il y a quatre ans», acquiesce Daniel Romano. «C'est un joueur qui doit se remettre complètement en jeu et en question.» Ceux qui l'ont découvert lors de son transfert de Palerme à la Juventus en 2015 attendent toujours de savoir s'il pourra un jour être le leader de son équipe et s'imposer en patron par le geste, la voix et l'attitude. Le départ de Cristiano Ronaldo aurait pu lui permettre d'endosser ce rôle, mais il semble que ce n'est pas celui que Dybala préfère. A ce titre, la possible arrivée de Wijnaldum, conjuguée à la présence rassurante de José Mourinho, un entraîneur réputé pour protéger ses joueurs, pourrait lui venir en aide.
«Je ne doute pas que Mourinho pourra l'aider à la fois sur le terrain et en-dehors, notamment dans l'attitude», glisse Davy Locatelli, dans une attaque à peine déguisée au rival turinois.
Le championnat de Serie A débute dans deux semaines et on saura alors si Paulo Dybala est redevenu celui d'il y a quatre ans, s'il a gagné en autorité sur le terrain et en-dehors et si la couronne de laurier que les supporters lui ont déjà tressée a une chance de le coiffer, un jour.