Ilyas Chouaref n'est pas connu pour ses excentricités. Pourtant, il était reconnaissable parmi tous les joueurs du FC Sion, lors des célébrations de la promotion en Super League le 20 mai dernier. Ce jour-là, sur l'esplanade devant le stade de Tourbillon, l'ailier gauche, cheveux encore mouillés de sa douche après la victoire décisive contre Schaffhouse, était le seul à oser s'afficher devant les centaines de fans dans le plus simple appareil. Avec, comme seul «vêtement», un linge autour de la taille.
Et ce n'est pas parce que le maillot du FC Sion est trop large pour ses épaules. Loin de là! Le Franco-Marocain (23 ans) a été un élément décisif la saison dernière, celle de la remontée, en disputant 35 matchs sur les 36 possibles. Son bilan? Six buts et onze passes décisives. Plus qu'honorable! Mais c'est cette saison, de retour en Super League, que le natif de Châteauroux explose.
Ses dribbles et sa vitesse font des ravages dans les défenses adverses. «Actuellement, c'est quasiment le seul joueur du FC Sion capable d'éliminer en un contre un, de casser les lignes à lui tout seul», observe Kevin Fickentscher, ex-coéquipier de Chouaref à Tourbillon lors de l'exercice 2022-2023. L'ancien gardien – retraité depuis cet été – voit un joueur sur un nuage ces dernières semaines:
Des prises de risques souvent gagnantes. Le numéro 7 de Tourbillon en est déjà à 5 buts et 2 assists (en 16 journées) cette saison. Surtout, il a été l'homme du match contre Lucerne (4-2) le 10 novembre. Ce jour-là, c'est en grande partie grâce à lui que les Sédunois ont retrouvé le chemin de la victoire, plus de trois mois après leur dernier succès en championnat.
Ilyas Chouaref, extrêmement remuant, a dynamité la défense des Alémaniques: il a inscrit deux buts et a été à l'origine d'un troisième, après un débordement et un centre dévié par un Lucernois dans ses propres filets.
Dimanche à Winterthour (victoire 3-1), c'est à nouveau le Franco-Marocain qui a montré la voie à suivre aux Valaisans, en ouvrant le score. Et huit jours plus tôt à Lausanne, c'est encore lui qui était le Sédunois le plus en vue, malgré la défaite (0-1).
D'ailleurs, s'il avait concrétisé son occasion seul devant le but à la 35e minute, les visiteurs auraient sans doute pu ramener au moins un point. Mais voilà, après avoir éliminé le gardien adverse, Chouaref a trop tardé à pousser le ballon dans les filets. Conséquence: le capitaine lausannois, Nöe Dussenne, a pu revenir et tacler (très proprement) le Valaisan, expédiant la balle en corner.
Cette action est révélatrice des progrès que le natif de Châteauroux doit encore réaliser pour devenir le meilleur attaquant de Super League. «Pour moi, Dereck Kutesa (Servette) et Renato Steffen (Lugano), par exemple, sont encore un cran au-dessus», tranche Kevin Fickentscher.
Mais à en croire le directeur sportif du FC Sion, Barthélémy Constantin, Chouaref a l'état d'esprit idéal pour franchir ce pallier:
Kevin Fickentscher garde, lui aussi, le souvenir d'un coéquipier agréable. «C'est quelqu'un d'assez discret, dans le bon sens du terme, qui ne crée pas de vague dans le vestiaire». Un signe distinctif? «Il vient presque tout le temps à l'entraînement en claquettes, même quand il fait très froid». Avec des chaussettes, quand même? «Non, pieds nus!»
L'ailier gauche de Tourbillon emporte aussi tout le temps avec lui un autre objet. «Dès qu'il le pouvait, Ilyas était souvent sur son téléphone, dans les vestiaires ou pendant les déplacements», se souvient l'ex-gardien sédunois. «C'était pour garder un contact étroit avec sa famille, en France, dont il est très proche».
D'ailleurs, son frère Hamza Sakhi, également footballeur professionnel, aurait aussi pu débarquer sur les bords du Rhône. «En fait, au départ, on pistait Hamza», rembobine Barthélémy Constantin.
Un drôle de hasard qui pousse «Barth» et la cellule scouting du FC Sion à faire quelques voyages à Châteauroux (alors en troisième division) pour scruter la pépite. Ses qualités sautent aux yeux du directeur sportif, qui parvient à l'enrôler en été 2022.
Mais l'exercice 2022/2023 est très compliqué pour les Sédunois. Aux frasques de Mario Balotelli s'ensuit une mortifiante relégation. Si Chouaref laisse déjà deviner son talent, il reste muet (un but en 32 matchs).
«La saison suivante en Challenge League lui a fait du bien. Il a mûri et pris confiance grâce à ses bonnes statistiques», analyse Barthélémy Constantin. Kevin Fickentscher est du même avis:
Passé par Sion en 2006-2007 puis de 2014 à 2019, le Portugais régalait les spectateurs, sur son flanc gauche, et faisait souvent le bonheur de son équipe au totomat.
Comme ce 7 juin 2015 au Parc Saint-Jacques, où il avait été le grand artisan du 13e (et pour l'instant dernier) sacre sédunois en Coupe de Suisse. Dans cette finale, le Lisboète avait roulé sur le FC Bâle (3-0), avec un but et deux passes décisives.
Tout le Valais espère qu'Ilyas Chouaref s'en inspirera ce mercredi soir, en 8e de finale de cette même compétition. Mais en cas de qualification pour les quarts, on déconseille au numéro 7 sédunois de célébrer en claquettes et avec seulement un linge autour de la taille: les prévisions météo annoncent 0°C dans la cité rhénane.