Avec six buts et un dénouement aux tirs au but, les multiples rebondissements ont déjà inscrit le match du dimanche 18 décembre 2022 dans l'histoire. Certains évoquent même «la plus belle des finales de la Coupe du monde». Mais derrière les cris de joie ou les larmes des supporters, les effets de cette compétition peuvent être bien plus graves. Les regards pendus aux crampons des joueurs et les émotions générées par ce stress répété peuvent avoir des conséquences bien réelles sur notre santé.
Sur notre moral, tout d'abord, la Coupe du monde aurait un effet positif. Ce phénomène avait déjà été mis en évidence par cette étude menée après le premier titre international des Français, en 1998. Des chercheurs ont ainsi démontré une nette baisse du taux de suicide (-10.3%) sur le mois qu'a duré la compétition, avec de fortes diminutions (-19.9%) dans les jours suivant chaque match des Bleus.
L'une des causes des suicides est l'isolement social, ce que le sociologue Emile Durkheim appelait l'anomie. Or, les Coupes du monde sont des moments éminemment rassembleurs et fédérateurs, comme il y en a rarement. Cet effet est aussi constaté lors d'autres événements fédérateurs, même malheureux, comme les guerres par exemple. Le Mondial vient donc rompre un isolement social, même temporairement.
Cette baisse significative concerne surtout les hommes de 30 à 44 ans. «L'effet observé chez les hommes peut s'expliquer par le fait qu'ils sont plus engagés en tant que spectateurs que les femmes», avancent les chercheurs.
Ainsi, avant la finale de ce dimanche, plusieurs patients hospitalisés pour crise suicidaire m'ont demandé une permission pour regarder le match en famille ou avec des amis. «You'll never walk alone», scandaient les supporters de Liverpool.
Retour en 1998. Durant les huitièmes de finale de la Coupe du monde de football, l'Angleterre affronte l'Argentine. Après quatre buts, le match se finit encore une fois aux tirs au but. Et encore une fois, les Argentins l'emportent.
Une étude a recensé les causes d'hospitalisation en Angleterre, après les matchs de la Coupe du monde de 1998, notamment après ce huitième de finale. Le diagnostic des auteurs est sans appel: durant les deux jours qui ont suivi cette rencontre à suspense, il a été noté une augmentation de 25% des infarctus du myocarde. Comment l'expliquer?
D'autres études ont montré que le taux de testostérone et de cortisol, en lien avec le stress, augmente nettement chez les supporters (respectivement +29% et +52%). «L'impact émotionnel d'événements stimulants peut perturber le système neuro-endocrinien, hémodynamique et endothélial. Il peut en résulter une rupture des plaques d'athérome, ce qui peut entraîner une occlusion d'artères coronaires», expliquent ainsi les auteurs.
Pour ce qui est des AVC, on aurait aussi pu s'attendre à une augmentation, mais elle est beaucoup plus discutée dans la littérature scientifique que l'infarctus du myocarde. Les spasmes vasculaires que peuvent engendrer des émotions fortes, comme lors d'un match de football, auraient plus de conséquences au niveau cardiaque qu'au niveau neurologique. Et c'est à ce même stress qu'ont été soumi les coronaires de tous les spectateurs de l'équipe de France durant toute la Coupe du monde, jusqu'au dénouement de dimanche.
Qui est plus particulièrement concerné? Une méta-analyse de 2018, qui regroupe toutes les études publiées sur les événements cardiovasculaires liés au visionnage de matchs, arrive à peu près aux mêmes conclusions. Regarder un match de football est associé à un plus grand risque de faire un infarctus du myocarde, à la fois chez les hommes et chez les femmes.
Les auteurs soulignent que cela a déjà été constaté dans d'autres moments de stress, comme les tremblements de terre ou bien les guerres. Encore une fois, les montagnes russes émotionnelles que vivent aussi les spectateurs derrière leurs écrans peuvent causer des spasmes vasculaires et donc augmenter le risque de pathologies cardiovasculaires.
Ainsi, les hommes - et encore plus les supporters de l'équipe perdante - sont plus particulièrement à risque de faire des infarctus du myocarde, entraînant la mort. La différence hommes-femmes «peut s'expliquer par la différence d'intérêt pour le football et la vulnérabilité aux déclencheurs émotionnels. Les spectateurs mâles s'intéressent plus aux matchs de football, mais aussi à l'alcool et au tabac, et moins aux soins médicaux», analysent les auteurs.
Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original