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Personne ne veut du numéro 9 à Chelsea et il y a une raison

Personne ne veut du numéro 9 à Chelsea et il y a une raison
A Chelsea, plus aucun joueur ne veut porter le numéro 9 sur son maillot, par superstition. image: twitter

Personne ne veut du numéro 9 à Chelsea et il y a une bonne raison

Le numéro 9 ne sera à nouveau pas porté cette saison du côté de Stamford Bridge: personne n'en a voulu. Il serait maudit, selon les joueurs.
04.09.2023, 12:10
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Thomas Tuchel avait fait une confidence très inhabituelle en conférence de presse en août 2022. L'ex-coach allemand de Chelsea avait fait savoir qu'aucun de ses joueurs ne voulait porter le numéro 9. Par superstition. Rebelote cette année: lors de ce mercato estival 2023, personne parmi les nombreuses recrues du club n'a adopté ce numéro. Ni Nicolas Jackson, le nouvel avant-centre des Blues, ni Christopher Nkunku, l'autre renfort de poids en attaque.

La légende très récente du No 9 maudit à Chelsea a été alimentée par les relativement mauvaises prestations de ses derniers propriétaires à Stamford Bridge. Parmi eux: Hernan Crespo, Fernando Torres, Radamel Falcao, Gonzalo Higuain, Alvaro Morata et le dernier en date, lors de l'exercice 2021-2022, Romelu Lukaku. Comme ses prédécesseurs, l'attaquant belge a effectivement connu un coup de mou (seulement 8 buts en 26 matchs de Premier League) avec le maillot des Blues au milieu d'une carrière pourtant brillante.

«Les gens me disent qu'il (le numéro 9) est maudit et personne n'en veut. Tous ceux qui sont ici depuis plus longtemps que moi me disent: "Ah, vous savez, untel avait le neuf et il n'a pas marqué et tel autre avait le neuf aussi et n'a pas marqué non plus."»
Thomas Tuchel, entraîneur de Chelsea
epa10823912 Munich's head coach Thomas Tuchel reacts during the German Bundesliga soccer match between FC Bayern Munich and FC Augsburg in Munich, Germany, 27 August 2023. EPA/RONALD WITTEK CONDI ...
Thomas Tuchel, ex-coach de Chelsea et actuellement au Bayern Munich, avoue être lui aussi superstitieux. image: Keystone

Le technicien allemand, désormais sur le banc du Bayern Munich, ne condamnait pas les croyances de ses anciens joueurs, bien au contraire:

«Moi aussi, je suis superstitieux, je peux comprendre les joueurs qui n'en veulent pas et ont d'autres préférences»
Thomas Tuchel

C'est tout le paradoxe: dans un domaine comme le sport où tout devient de plus en plus rationnel et scientifique (les statistiques, la préparation mentale, la nutrition) et donc sous contrôle, il subsiste de très fortes et nombreuses croyances métaphysiques. Les numéros sur les maillots en font partie, et depuis des décennies.

Des roux et une ruse

Il y a ceux qu'on refuse de porter, donc, comme c'est le cas à Chelsea. On peut citer l'autre exemple, plus classique, du numéro 13. Le mythique entraîneur du Dynamo Kiev Valeriy Lobanovskiy avait tout simplement interdit à ses joueurs de l'arborer, parce qu'il portait soi-disant malheur. Petite anecdote pop corn: l'Ukrainien pensait aussi qu'une équipe devait avoir un footballeur roux dans son contingent pour gagner. Sans doute les restes d'un traumatisme dans les cours de récré...

Kevin De Bruyne et Paul Scholes auraient eu sans problème leur place dans l'alignement de Valeriy Lobanovskiy.
Kevin De Bruyne et Paul Scholes auraient eu sans problème leur place dans l'alignement de Valeriy Lobanovskiy. image: twitter

Heureusement pour lui, Lobanovskiy n'a jamais évolué dans le même club que Mario Zagallo. La cohabitation avec l'ancien attaquant puis entraîneur aurait été très difficile, voire impossible: le Brésilien ne pouvait, lui, pas se passer de son fétiche numéro 13. La raison? La dévotion qu'il voue à Saint-Antoine, dont la fête a lieu le 13 juin. L'ancien sélectionneur de la Seleçao, finaliste du Mondial 1998, a poussé le bouchon très loin: il habite un treizième étage, a rendu treize visites au saint en question pour guérir de son cancer et s'est marié un 13 janvier. Il n'a toutefois eu qu'une seule épouse.

Parmi les nombreux exemples de footballeurs superstitieux, on peut citer celui, insolite, d'Ivan Zamorano. En arrivant à l'Inter Milan, en 1996, l'ex-attaquant chilien a été privé de son numéro 9 porte-bonheur (précision: il n'a jamais joué à Chelsea) par un certain Ronaldo. Son subterfuge et celui de son équipementier pour, malgré tout, porter le chiffre béni? Opter pour le 18, en insérant un petit «+» entre les deux chiffres.

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image: keystone

Subtil, autant que révélateur: certains sportifs sont tout simplement convaincus d'être incapables de performer si leurs habitudes superstitieuses sont parasitées.

Des prophéties et une étrange coïncidence

Mais tous n'ont pas eu la chance de se voir attribuer leur numéro fétiche. Jusqu'en 1928, aucun flocage n'apparaissait dans le dos des footballeurs. C'est seulement juste après la Seconde Guerre mondiale que la pratique s'est généralisée. Et même plus tard, les numéros n'ont longtemps pas été distribués en fonction des envies des footballeurs, mais de leur poste. L'un des premiers à avoir pu bénéficier de l'assouplissement du règlement a été Johan Cruyff.

En octobre 1970, juste avant un match contre le PSV Eindhoven, son coéquipier à l'Ajax Amsterdam Gerrie Mühren ne trouve pas dans ses affaires son habituel maillot numéro 7. Cruyff lui prête alors le sien, le 9, que Mühren a déjà porté pendant la blessure de Cruyff (à cette époque, les numéros ne sont pas attribués pour la saison entière, mais match après match).

En plus d'être porte-bonheur, le maillot 14 de Cruyff était solide.
En plus d'être porte-bonheur, le maillot 14 de Cruyff était solide. image: twitter

Le légendaire Néerlandais va alors piocher dans la pile des maillots de réserve et prend, au hasard, le 14. Il réalisera un excellent match et décidera du coup, par superstition, de toujours le garder (sauf au FC Barcelone, où le règlement espagnol empêchait les maillots de titulaires au-delà du 11).

Le cas de Johan Cruyff est emblématique. S'ils sont attachés à des numéros par superstition, c'est parce que les sportifs sont convaincus qu'ils vont leur porter chance, qu'ils réaliseront une bonne performance avec. Et souvent, ça marche. Pas (forcément) à cause d'une intervention divine ou métaphysique, mais grâce à un mécanisme psychologique bien connu: les prophéties autoréalisatrices. Le site spécialisé shortcogs.ch en donne une excellente définition:

«La prophétie autoréalisatrice est une prédiction qui se réalise en raison du fait qu’elle a été posée, dans la mesure où les croyances qui découlent de la prédiction orientent le comportement de la personne. La personne interprète les évènements ou encore les intentions des autres et se comporte d’une certaine façon, le tout en concordance avec sa prédiction. Cela mène finalement à la réalisation de sa prédiction initiale. La prophétie autoréalisatrice peut avoir des conséquences tant bénéfiques que malheureuses, tout dépendant de la prédiction faite.»

Autrement dit, en étant convaincus qu'ils joueront bien avec un certain numéro derrière le dos, les footballeurs (les athlètes en général) sont en confiance, détendus, et donc dans des conditions optimales pour réaliser une bonne performance. Et elle se produit bien souvent. De quoi renforcer leurs croyances.

Reste que même avec d'autres numéros, les joueurs de Chelsea sont toujours aussi impuissants devant le but...

On n'était pas dans les têtes des cyclistes du Tour de France des années 1960 et 1970, mais on peut imaginer que pareilles convictions y ont pris place. La Grande Boucle a connu une étrange coïncidence: entre 1969 et 1978, quatre coureurs ont été sacrés avec le même dossard, le 51. Or, lors des 66 premières éditions, celui-ci n'avait jamais triomphé. Le premier 51 à monter sur la plus haute marche du podium est Eddy Merckx.

Eddy Merckx et son légendaire dossard 51 en train de gravir le Petit-Chêne à Lausanne, lors du Tour de France 1969.
Eddy Merckx et son légendaire dossard 51 en train de gravir le Petit-Chêne à Lausanne, lors du Tour de France 1969.image: keystone

Le Belge est à nouveau titré les trois années suivantes, mais avec le dossard 1. En 1973, il est absent. C'est l'Espagnol Luis Ocana qui l'emporte, avec le 51. Deux ans plus tard, Bernard Thévenet s'impose avec... le dossard 51. La légende se construit.

Elle prend une autre dimension en 1978 quand le jeune Bernard Hinault remporte son premier Tour de France avec le même numéro! Depuis, le 51 n'a plus jamais triomphé sur la Grande Boucle, mais les observateurs se réjouissent chaque année de voir qui héritera du mythique dossard. Et on est en droit d'imaginer que l'heureux élu, s'il connaît la légende, peut se sentir pousser des ailes.

Cet article est adapté d'une première version publiée le 9 août 2022 sur notre site.

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