Dimanche dernier, l'Inter l'a emporté 1-0 sur son grand rival et dauphin en Serie A, la Juventus. Les Milanais comptent désormais quatre points d'avance, avec un match en moins.
Cette saison, les leaders nerazzurri n'ont perdu qu'une seule fois en 22 journées. Avec 57 points, ils sont la deuxième meilleure équipe du top 5 des championnats européens derrière le Real Madrid (58). Si l'on se base sur le nombre de points par match, seul le Bayern Leverkusen, en Allemagne, présente un meilleur bilan. Mais alors que tout le monde s'enflamme autour du Real et de Leverkusen, coaché par Xabi Alonso et mené par Granit Xhaka, l'Inter Milan passe sous les radars.
Ce manque d'engouement pour les Nerazzurri a plusieurs raisons. Premièrement, le championnat italien n'est pas connu pour être le plus attractif en termes de jeu, notamment parce que peu de buts y sont marqués. Ensuite, l'Inter Milan ne domine pas avec panache ses adversaires à la manière d'équipes comme Manchester City ou le Bayern Munich. Finalement, l'attention portée à la Premier League, à la Bundesliga ou à la Liga espagnole est globalement bien plus grande que celle portée à la Serie A.
Car l'Inter Milan brille cette saison, aussi bien par sa stabilité défensive que par son efficacité offensive. C'est simple: les Interistes sont l'équipe qui a encaissé le moins de buts (10) parmi toutes les équipes du «Big 5» européen. Et c'est notamment grâce à Yann Sommer. Le gardien de la Nati (35 ans) a le meilleur taux d'arrêts de tous les portiers en Italie, Allemagne, Angleterre, France et Espagne (dans la suite du texte, les statistiques se réfèrent toujours à ces cinq ligues). Contre la Juventus, il a fêté son 19e blanchissage de la saison, toutes compétitions confondues.
Le Suisse a le privilège d'être soutenu par une défense solide. Alessandro Bastoni (24 ans), le nouveau venu Benjamin Pavard et le vétéran Francesco Acerbi (35 ans) font oublier l'ex-taulier Milan Skriniar, parti au PSG l'été dernier, grâce à leurs qualités dans les duels et leurs nombreuses interceptions. Cette saison, l'Inter est le quatrième club en Europe qui concède le moins de tirs au but et laisse peu de grosses occasions à ses adversaires.
A l'autre bout du terrain, les Nerazzurri – 19 titres de champions d'Italie – brillent surtout grâce à Lautaro Martinez. Comme le montre le site fbref.com, l'Argentin de 26 ans a une statistique folle, la meilleure du continent: avec toutes les occasions qu'il a eues, il aurait dû marquer 10,4 buts si l'on se fie aux «expected goals». Or, il en a inscrit 17. Sacré réalisme! A cela, il faut ajouter deux penalties transformés. C'est surtout grâce à lui que l'Inter n'a besoin en moyenne que de 2,56 tirs pour marquer un but. Seuls Gérone et le Werder Brême sont encore plus efficaces. C'est ainsi que les Milanais sont la sixième meilleure attaque d'Europe, alors qu'ils ne sont que 25e sur 96 équipes en termes de nombre de tirs.
Lautaro Martinez profite également de joueurs créatifs au milieu de terrain, comme Henrikh Mkhitaryan, Nicolo Barella et surtout Hakan Calhanoglu. La Gazzetta dello Sport a encensé le Turc lors de la victoire face à la Juventus, qui «a réalisé une mise en scène digne d'un oscar». Et à juste titre: le «maître absolu» dans son rôle sait tout faire. Contre les Turinois, il a réussi 100 de ses 106 passes. La Gazzetta dello Sport appuie:
Calhanoglu en est déjà à onze buts et trois passes décisives toutes compétitions confondues. Lors de la victoire 3-0 à Naples le 3 décembre, il a marqué un superbe but. Outre Martinez, seul Marcus Thuram a scoré davantage que le Turc de 29 ans, reconverti en milieu défensif. En repositionnant Calhanoglu, l'entraîneur Simone Inzaghi a frappé un grand coup.
L'engagement de Thuram (26 ans) a également déjà porté ses fruits. Le Français, arrivé libre l'été dernier en provenance de Gladbach, apporte de nouvelles options à l'Inter grâce à sa vitesse et sa recherche de la profondeur. En 31 matchs, le partenaire d'attaque de Lautaro Martinez a déjà marqué dix buts et est impliqué dans onze autres. Dans le système en 3-5-2 préféré de Simone Inzaghi, les latéraux offensifs comme Federico Dimarco ou Denzel Dumfries, qui totalisent ensemble onze passes décisives, sont également importants.
Si chaque rouage de l'Inter Milan semble parfaitement s'emboîter l'un dans l'autre, c'est avant tout grâce à Simone Inzaghi. L'ancien attaquant (47 ans) a succédé sur le banc à Antonio Conte en été 2021, alors que ce dernier venait de remporter le titre de champion.
A partir du contingent existant, qui avait perdu deux de ses éléments clés avec les départs de Romelu Lukaku et Achraf Hakimi, Inzaghi – aidés par des renforts choisis avec soin – a fait des Nerazzurri une formation solide et soudée, qui a atteint la finale de la Ligue des champions l'année dernière. C'est donc tout sauf un hasard si le coach interiste a terminé deuxième derrière Pep Guardiola (Manchester City) lors de l'élection du meilleur entraîneur de l'année.
Les Milanais veulent à nouveau atteindre la finale de la reine des compétitions européennes, mais ils affronteront un adversaire très coriace en huitièmes de finale: l'Atlético Madrid. Si Yann Sommer et sa défense brillent également sur la scène européenne, ce n'est, cette fois, pas le cas de l'attaque. Même s'ils se sont créé beaucoup de bonnes occasions, les Interistes ne pointaient que dans le milieu de tableau en termes de tirs cadrés et de buts marqués durant la phase de groupes.
Si l'Inter Milan trouve la même efficacité en Ligue des champions qu'en Serie A, il pourrait bien, cette année, aller au bout de son rêve et soulever pour la première fois depuis 2010 la coupe aux grandes oreilles. Pour Yann Sommer en particulier, l'histoire serait incroyable tant il a souffert – à cause de critiques souvent injustifiées – la saison passée au Bayern Munich.
Adaptation en français: Yoann Graber