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Paris 2024, Ukraine, Israël-Palestine: Thomas Bach se confie

Le président du CIO Thomas Bach
Le président du CIO, Thomas Bach, prononçant un discours lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de la jeunesse d'hiver, à Gangwon.Image: keystone

«Oui, nous nagerons dans la Seine aux JO», promet le président du CIO

Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO), s'est présenté lors d'une table ronde en cercle restreint, durant laquelle il a évoqué les Jeux olympiques d'été de Paris 2024, la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien et bien d'autres sujets. Interview.
10.03.2024, 07:0310.03.2024, 11:19
Rainer Sommerhalder
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Thomas Bach, comment percevez-vous actuellement l'esprit olympique, avec toutes ces guerres et ces menaces terroristes?
Lorsque je parle à des chefs d'Etat, à des amis ou à des inconnus dans la rue, ce que je ressens à travers les discussions est intimement lié à l'esprit olympique. Il y a ce désir de rassembler et de surmonter cette haine. Ces échanges qui divisent dans presque tous les domaines de la vie. Tout aujourd'hui est présenté de manière controversée. Les gens recherchent le positif, un signal d'espoir, quelque chose sur lequel nous pourrions tous nous mettre d'accord.

«Je crois que l'esprit olympique est plus important dans les périodes tourmentées comme aujourd'hui que dans des circonstances plus apaisées»

Dans ce monde ultra-connecté, où nous pouvons suivre facilement tous les athlètes, les Jeux olympiques sont-ils toujours aussi spéciaux que par le passé?
Ils restent spéciaux. Pour preuve, les athlètes sont toujours très impatients à l'idée de participer aux Jeux. Jetez un œil aux récents Championnats du monde organisés dans des disciplines olympiques majeures. Certains des meilleurs athlètes ont préféré ne pas y prendre part pour se concentrer sur les JO. Et regardez du côté des Etats-Unis. Les meilleurs basketteurs de la NBA veulent être au rendez-vous. Même chose pour Kylian Mbappé. Il a régulièrement partagé son enthousiasme et son souhait de défendre son pays en 2024. Je pourrais encore citer le tennis.

«Même dans ces sports ultra-professionnalisés, les Jeux conservent leur singularité»
Le président du CIO, Thomas Bach, lorsqu'il était escrimeur.
Le président du CIO, Thomas Bach, lorsqu'il était escrimeur. image: CIO/Greg Martin/SPO

Qu'attendez-vous des Jeux olympiques de Paris 2024?
Les attentes sont élevées. Pas seulement celles du CIO et les miennes. Ce sont les attentes de millions de personnes dans le monde. Ce que l'on peut voir, sentir et entendre, c'est que les gens en ont assez de toute cette violence à laquelle ils sont confrontés au quotidien. Ils aspirent à un signal d'espoir. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris seront les premiers conformes à notre programme de réforme. Nous pouvons nous attendre à une célébration de l'unité dans toute sa diversité.

«Le monde se rassemblera à Paris pour une compétition pacifique»

Selon les dernières prévisions, l'accès à la cérémonie d'ouverture le long de la Seine sera réduit. Etes-vous déçu?
Le nombre de spectateurs n'est pas déterminant. Ce n'est pas le facteur qui agira sur la symbolique globale et l'atmosphère de cette cérémonie.

Pensez-vous que nous pourrons nous baigner dans la Seine en juillet sans que cela ait des conséquences sur notre santé?
Oui, nous nagerons dans la Seine.

«Rendez-vous à Paris en maillot de bain»

Quelles chances donnez-vous à la trêve olympique durant les Jeux de Paris 2024?
Comme nous le savons tous, il ne s'agit pas d'une résolution contraignante de l'ONU. La trêve a cependant une importance symbolique pour le Mouvement olympique, et bien au-delà. J'espère que les gouvernements s'en souviendront et qu'ils s'en tiendront à ce qu'ils ont décidé en convoquant et votant à l'Assemblée générale des Nations Unies.

«Il faut néanmoins rappeler que la Russie et la Syrie se sont abstenues et n'ont pas adhéré à l'appel. Permettez-moi de dire qu'il y a moins d'espoir à l'égard de ces deux pays»
Thomas Bach (à droite), le jour de l'annonce d'un partenariat controversé entre le CIO et un brasseur. AB InBev, numéro un mondial de la bière, est aujourd'hui membre du programme TOP, comme l'était a ...
Thomas Bach (à droite), le jour de l'annonce d'un partenariat controversé entre le CIO et un brasseur. AB InBev, numéro un mondial de la bière, est aujourd'hui membre du programme TOP, comme l'était autrefois McDonald's et l'est toujours Coca-Cola.Image: keystone

Quel est l'impact de la récente décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) sur le projet du CIO de faire concourir les athlètes russes à Paris sous bannière neutre?
Cette décision est d’une très grande portée. Elle traite des statuts et des fondements de la structure du CIO, mais aborde également en détail les conditions de participation des athlètes indépendants et neutres.

«Le TAS affirme que ces conditions sont équitables et soigneusement formulées afin de garantir que les athlètes individuels sont effectivement politiquement neutres. Je crois que tout est dit»

Etes-vous préoccupé par d'éventuelles nouvelles protestations de l'Ukraine contre la participation des athlètes russes?
Les conditions n'empêchent pas un athlète ukrainien d'exprimer son opinion tant que les règles sont respectées. Cela fait partie d’une discussion ouverte. Nous constatons que les athlètes ukrainiens participent actuellement aux épreuves qualificatives selon ces conditions. On remarque que les règles sont acceptées et respectées. Je suis convaincu que tout se déroulera sans problème. Je pense que tout le monde se rendra compte de l'opportunité que cela représente pour les athlètes ukrainiens. Ils pourront faire prendre conscience au monde de leur situation, exprimer leur résilience.

Y aura-t-il une séparation entre les athlètes russes ou biélorusses et les sportifs ukrainiens dans le village olympique de Paris 2024?
Nous sommes tous égaux en ce qui concerne le village au sein du Mouvement olympique. Tout le monde bénéficie du même traitement. Nous veillons à ce que tous les athlète présents valorisent cet état d'esprit. Cela ne changera pas à Paris.

Le CIO a-t-il également réfléchi à un statut d'athlète neutre concernant le conflit dans la bande de Gaza?
Non. Et je peux me référer à la décision du TAS à ce sujet. En faisant appel, le Comité olympique russe avait pour objectif de faire annuler sa suspension. L'un de ses principaux arguments faisait référence à Israël et au conflit au Proche-Orient. Les Russes ont demandé au TAS pourquoi le CIO les avait suspendus et pourquoi il ne l'avait pas fait pour Israël ou d'autres pays impliqués dans une guerre. Le TAS a répondu que la situation était différente.

«Contrairement à la Russie, les Comités nationaux olympiques (CNO) concernés par d'autres conflits n'ont pas étendu leur zone de compétence en empiétant sur un autre, comme l'a fait la Russie après l'annexion d'une partie de l'Ukraine»
L'ancien conseiller fédéral, Samuel Schmid (à droite), a dirigé l'enquête du CIO sur le système de dopage d'Etat en Russie aux JO de Sotchi en 2014.
L'ancien conseiller fédéral, Samuel Schmid (à droite), a dirigé l'enquête du CIO sur le système de dopage d'Etat en Russie aux JO de Sotchi en 2014.Image: KEYSTONE

Le Comité olympique palestinien a déclaré que ses propres athlètes ne pourraient peut-être pas se qualifier sportivement pour les Jeux en raison de la situation actuelle. Etes-vous prêt à leur donner des invitations si besoin?
Nous sommes en contact avec les CNO d'Israël et de Palestine depuis le début du conflit. Les deux sont confrontés à des défis pour leurs athlètes. Nous les soutiendrons en fonction de leurs besoins. Nous attendons d'abord de voir la façon dont se déroulera la phase qualificative. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons prendre des décisions concernant les invitations.

Les footballeurs israéliens se sont qualifiés aux Jeux olympiques pour la première fois depuis 1976. Ils devront peut-être jouer à Marseille ou à Lyon. Face à la colère d'une partie de la population de ces villes, des mesures supplémentaires seront-elles prises pour assurer la sécurité de l'équipe?
Depuis l'odieuse attaque des Jeux de 1972 à Munich, des mesures spéciales ont toujours été prises pour les athlètes israéliens – en coordination avec la délégation et les autorités.

«Il en sera de même pour Paris, Marseille ou n'importe quelle autre ville où ils concourront»
French President Emmanuel Macron, left, and International Olympic Committee, IOC, President Thomas Bach, right, from Germany, pose next to the Pierre de Coubertin statue, during a visit of the Paris 2 ...
Thomas Bach en compagnie du président Macron, devant une statue du baron Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux modernes.Image: KEYSTONE

Que pouvez-vous nous dire sur la situation des athlètes féminines en particulier en Afghanistan ou en Iran? En termes d'entraînement, de qualification et de participation aux Jeux. Y a-t-il des progrès?
Nous suivons la situation de près et, en ce qui concerne l'Afghanistan, cela s'exprime par la nomination de l'Afghane Masomah Ali Zada comme cheffe de mission de l'équipe olympique des réfugiés. Nous considérons cela comme un message clair pour le pays.

«Nous voyons la situation sur place en ce qui concerne l'éducation, les écoles et l'accès des filles au sport. Pour l'instant, nous ne voyons aucune amélioration et nous devons continuer à surveiller la situation»

Il y a des athlètes qui demandent à être exclues de leur pays, mais il y a aussi celles qui nous demandent de leur laisser la voie libre jusqu'à Paris. Car en réalité, les talibans pourraient apprécier l'exclusion. La question de la représentation féminine serait ainsi réglée. De toute évidence, les personnes au pouvoir ne sont pas très soucieuses de leur réputation à l'international. C'est le dilemme dans lequel nous nous trouvons. Nous prendrons notre temps avant de prendre cette décision, après avoir observé et écouté très attentivement.

Les attaques verbales contre le CIO en provenance de Russie sont de plus en plus virulentes. Que répondez-vous aux récents propos du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ou d'Oumar Kremlev, le président de l'IBA (Association internationale de boxe amateur), dont la fédération a été bannie?
Nous assistons jour après jour à des déclarations encore plus agressives de la part du gouvernement russe ou de fonctionnaires proches du gouvernement russe. Vous avez mentionné Sergueï Lavrov. Mais il est loin d'être le seul. Ces déclarations sont une preuve supplémentaire de l'interprétation cynique de la position du CIO sur l'admission de certains athlètes russes sous bannière neutre.

«Elles soulignent cette politisation du sport que nous critiquons tant. C'est une politisation complète, car les mots viennent du gouvernement russe lui-même»

Ce qui est également remarquable, c'est que cette agressivité émane du même gouvernement que celui qui est à l'origine de la manipulation scandaleuse du système antidopage avant, pendant et même après les Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi.

Le gouvernement russe semble ignorer le fait qu'il nous a forcés à passer à l'action. On parle de son invasion et surtout de son annexion de certaines parties de l'Ukraine, ce qui a obligé le Comité olympique russe à annexer lui aussi des régions placées sous la juridiction du Comité olympique ukrainien. C'est également ce que dit le TAS dans son jugement. Cette violation flagrante de la Charte olympique est à l'origine de notre action.

«Et laissez-moi ajouter une chose: toutes ces attaques agressives contre le CIO en provenance de Russie ont davantage uni le Mouvement olympique»
Thomas Bach et Vladimir Poutine lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi.
Thomas Bach et Vladimir Poutine lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi.image: Barbara Walton/EPA

Et que répondez-vous aux insultes du président de l'IBA?
Je ne ferai pas l'honneur d'une réponse à cet homme. Je pense que les remarques qu'il fait le discréditent lui-même. Il démontre davantage sa véritable nature – notamment au sein de la communauté de la boxe et parmi les responsables des fédérations nationales.

Le CIO a informé les fédérations internationales (FI) qu'il mettait en place un comité chargé de vérifier le droit de participation de certains athlètes neutres. Quel est l'objectif de cette commission d'examen?
Vérifier si les conditions ont été respectées par les athlètes et les officiels.

Seuls les sportifs qui ne soutiennent pas la guerre peuvent participer. Où fixez-vous la limite? Par exemple, ceux qui posent sur des photos avec le Z sur leur tenue ou qui soutiennent les troupes par un post sur les réseaux sociaux?
Il y a une ligne claire que nous avons défendue dès le début.

«L'exhibition du Z est un soutien clair à la guerre et ne peut pas être acceptée»

On a beaucoup parlé de la Russie ces dernières années au CIO. Craignez-vous que votre héritage en tant que président soit lié à ce pays?
Au cours de ma présidence, nous avons mené de nombreuses réformes concernant l'agenda olympique. Il s'agissait aussi de renforcer la lutte contre le dopage. En créant par exemple l'International Testing Agency (ITA) ou en renforçant les capacités d'investigation de l'Agence mondiale antidopage (AMA). Le thème de la Russie est certes impliqué dans de nombreux domaines, mais je ne le considère pas comme un élément déterminant de mes 11 années de présidence.

Le jugement du TAS à l'encontre de la patineuse russe Kamila Valieva révèle des détails bouleversants. Elle prenait par exemple à l'âge de 15 ans une quantité de compléments alimentaires et médicaments – une soixantaine au total – proche du ridicule. C'est un cas où la sportive paie et où l'entourage n'est pas sanctionné. Qui empêchera ces entraîneurs et ces médecins de se présenter aux Jeux de Milan en 2026 avec une prochaine génération d'adolescents à qui l'on fera exactement les mêmes choses?
Je suis tout à fait d'accord avec ces propos. Je pense que nous l'avons déjà dit à Pékin, lorsque nous avons déclaré que cette affaire était une preuve supplémentaire de la nécessité urgente de s'intéresser davantage à l'environnement des athlètes. Nous ne devons pas seulement sanctionner les sportifs, mais aussi ceux qui sont finalement responsables de la violation des règles antidopage. Je ne peux qu'espérer que l'AMA, mais aussi les fédérations internationales, mènent leur réflexion à ce sujet.

«Il doit s'agir d'une priorité dans la lutte contre le dopage, pas seulement pour les mineurs, mais aussi et surtout pour les mineurs»

Et comment voyez-vous la situation de Kamila Valiyeva?
L'athlète est désormais utilisée à des fins politiques. Elle a dû apparaître aux côtés du président Poutine lors de la cérémonie d'ouverture des fameux «Jeux du futur» en Russie. De cette manière, le mépris de toutes les règles antidopage mondiales est exprimé. Un signal politique est envoyé. C'est vraiment difficile à supporter.

Et à côté de Poutine, il y avait le Suisse René Fasel!
Il était derrière. Mais comme vous le savez, M. Fasel n'est plus membre du CIO, ni membre honoraire du CIO.

Adaptation en français: Romuald Cachod.

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