Dans la confrontation ski alpin-biathlon, Marco Odermatt sort vainqueur du premier duel, qui consiste à comparer la notoriété des stars des deux disciplines. 464'000 personnes le suivent sur Instagram, contre 305'000 pour le Norvégien Johannes Boe, multiple vainqueur du classement général de la Coupe du monde de biathlon. Un coup d'œil sur d'autres profils confirme la tendance: ceux qui dévalent les montagnes ont plus de followers.
Mais tout n'est pas joué pour autant. Car il y a un domaine où le biathlon fait bien plus que rivaliser: celui des audiences télévisées. Sur ce point, les skieurs sont largement battus.
«Le ski alpin est grand dans les petits pays, mais petit dans les grands», affirme Jürg Capol, CEO des Championnats du monde de biathlon de Lenzerheide qui débutent mercredi. «Dans presque tous les pays, le biathlon a une plus grande portée à la télévision que le ski alpin, à l'exception de la Suisse et de l'Autriche», ajoute avec enthousiasme le Grison, adepte de ce sport.
La comparaison entre les classiques de janvier et les courses de biathlon donne un aperçu de la situation. Le spectacle de Wengen, avec 800'000 spectateurs et une part de marché de plus de 80% en 2025, a certes été un immense succès en terme d'audience en Suisse. Mais rien que le marché allemand fait basculer les chiffres dans des proportions importantes. Alors que 2,7 millions de nos voisins ont suivi la descente de Kitzbühel, ils sont régulièrement deux fois plus nombreux à regarder les courses de biathlon.
«Le sport d'hiver de loin le plus populaire à la télévision allemande reste le biathlon», écrivait récemment la chaîne ZDF sur son site Internet. Seuls les sauts de la Tournée des quatre tremplins parviennent à rivaliser. Mais pas les courses alpines, ce qui est aussi lié au fait que l'Allemagne a perdu de sa superbe, et que les Markus Wasmeier, Regine Mösenlechner, Felix Neureuther et Maria Höfl-Riesch font partie du passé.
Cependant, le biathlon allemand est également moins performant. Seule Franziska Preuss parvient cette saison à obtenir des résultats, alors que l'Allemagne a produit auparavant des Sven Fischer, Evi Sachenbacher, Magdalena Neuner et Laura Dahlmeier.
Le fait que le biathlon enregistre d'excellents chiffres est aussi lié à l'évolution de ce sport en France. Si le pays a connu des Raphaël Poirée et Sandrine Bailly, un certain Martin Fourcade, quintuple champion olympique, a frappé aux portes des chaînes de télévision, et permis à la discipline de prendre son envol dans l'Hexagone. «J'étais convaincu que mon sport avait du potentiel. Il fait un tabac en Norvège, en Allemagne et en Russie, alors pourquoi pas en France?», avait-il déclaré en 2012, comme l'a rappelé Le Monde il y a peu.
Soudain, jusqu'à deux millions de personnes ont regardé les courses de biathlon en France. Si l'essor est dû à Fourcade, Capol explique qu'il est également lié aux structures déjà mises en place auparavant. «La France a réussi à convaincre les clubs de ski de se mettre au biathlon», dit-il. On aimerait voir la même chose en Suisse.
En fait, les Mondiaux de ski sont suivis par environ 100 millions de personnes, selon Infront, la société qui gère les droits des disciplines alpines, et qui ne prend en compte que les 20 marchés les plus importants. Les Championnats du monde de biathlon à Pokljuka en 2021, eux, ont été regardés par 610 millions de personnes, selon les organisateurs. L'écart est énorme.
La situation est tout de même différente en ce qui concerne les fans présents sur place. Saalbach compte accueillir 250'000 fans sur l'ensemble de la compétition, alors que Lenzerheide en prévoit trois fois moins, même s'ils étaient 150'000 dans la Mecque du biathlon il y a deux ans. L'honneur du ski est sauf.