Tout ce qui n'était pas solidement fixé a été démonté à la hâte, dimanche matin. Y compris une partie de la ligne d'arrivée. Nous ne savions pas encore que le géant masculin de Sölden allait être annulé, mais en voyant Markus Waldner, le directeur de course de la FIS, se battre contre le vent, on sentait venir la chose. L'interruption de la course après le passage de 47 coureurs n'était que le point final d'un week-end plein de rebondissements. Revenons sur cette grande première de la saison, assez folle.
Le géant de Sölden devait être un avant-goût de ce qui nous attendra tout au long de la saison, à savoir une lutte entre Marco Odermatt et son challenger Marco Schwarz pour le classement général de la Coupe du monde. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous n'avons pas été déçus. Lors de la première manche, Schwarz a passé la ligne avec 29 centièmes d'avance sur Odermatt, dans des conditions de neige similaires. Personne ne s'y attendait vraiment, après tout, Odermatt a dominé la discipline ces dernières saisons.
Y a-t-il lieu de s'inquiéter? Non, évidemment. Si l'on regarde la course de plus près, on comprend rapidement ce qui a manqué au Nidwaldien. Odermatt a été le plus rapide sur toutes les sections, sauf dans le final, relativement plat. Il a perdu de la vitesse: 58 centièmes sur une portion d'à peine 12 secondes. «J'ai senti que ça n'avançait pas vraiment, il s'agit maintenant d'analyser ça et de le corriger pour la deuxième manche», déclarait Odermatt.
Odermatt n'aura finalement jamais pu corriger le tir. Des rafales de vent ont d'abord transformé la course en une véritable loterie, puis l'ont rendue impossible. Après le départ des 47 premiers concurrents, il y a d'abord eu une longue interruption, puis l'arrêt définitif. L'Autrichien Schwarz, leader après la première manche, se voulait forcément déçu: «Bien sûr, j'aurais aimé faire une deuxième manche. Mais c'était la bonne décision, cela n'aurait pas été des conditions équitables.» Odermatt, lui, s'est étonné que la FIS n'ait pas attendu plus longtemps pour prendre sa décision. Il aurait sans doute aimé montrer que son retard en première manche n'était qu'un simple accident.
Contrairement aux hommes, les femmes ont pu terminer leur course, samedi. Et dans des conditions de rêve. Il y a tout de même eu quelques remous. Tout d'abord, un pisteur s'est trouvé sur le chemin de Sofia Goggia, ce qui a contraint l'Italienne à interrompre sa course. Ensuite, Ragnhild Mowinckel a été disqualifiée pour avoir enfreint l'interdiction du fluor.
Lara Gut-Berahmi, elle, n'a rien vu de tout cela. «J'essaie de dormir entre les courses», confiait-elle. Bien lui en a pris, puisqu'elle a gagné trois places en deuxième manche, pour remporter pour la troisième fois de sa carrière la course d'ouverture de Sölden.
Cela fait des années que Gut-Behrami s'accorde une sieste. «A 32 ans, je sens que j'ai besoin de beaucoup plus de temps pour me régénérer», disait-elle. Avant d'évoquer un autre sujet, important pour les athlètes féminines de haut niveau: «Je me sens catastrophée, j'ai mes règles». Les réactions de certains suiveurs, masculins, n'ont pas tardé: «Qu'est-ce que j'en ai à faire?», pouvait-on lire dans certains commentaires.
Pourtant, le cycle menstruel des femmes est de plus en plus pris en compte dans les plans d'entraînement. En décidant d'en parler publiquement, Gut-Behrami a brisé un tabou. Comme Mikaela Shiffrin plus tôt, ou encore la joueuse de l'équipe nationale Meriame Terchoun.
A Sölden, Gut-Behrami a déclaré que par le passé, elle était capable de réaliser ses meilleures performances sportives pendant ses règles. Mais depuis un an maintenant, c'est le contraire qui se produit.
Le fait qu'elle ait tout de même pu remporter la première course de la saison devant l'Italienne Federica Brignone montre à quel point elle est en forme.
Ragnhild Mowinckel n'a pas pu retenir ses larmes. «Il doit y avoir eu une erreur», déclarait la Norvégienne, visiblement émue après avoir été disqualifiée à l'issue de la première manche, parce que ses skis semblaient contenir du fluor, une substance interdite depuis ce début de saison.
Rainer Salzgeber, directeur de course chez l'équipementier Head, déclarait: «Le pire des cas s'est produit. Nous ne pouvons absolument pas l'expliquer».
Les responsables de la FIS ont exclu une erreur de mesure, car le résultat était nettement supérieur à la valeur limite. Les spéculations ont donc commencé: le skiman voulait-il tester les limites? Le fart au fluor rend les skis plus rapides, surtout dans des conditions chaudes, car il repousse l'eau. Autre possibilité: les skis ont-ils été manipulés? Lara Gut-Behrami avait déjà alerté sur ce problème avant les courses de Sölden. Enfin, dernière explication: s'agissait-il d'une erreur de mesure? Dimanche, une rumeur selon laquelle un appareil aurait indiqué une valeur négative sur les skis d'Henrik Kristoffersen a soudainement circulé.
Un tel scénario serait inquiétant. Avant le début de la saison, de nombreux athlètes avaient demandé un report de l'interdiction du fart au fluor dans une lettre ouverte adressée à la FIS. Il était écrit:
Les organisateurs le craignaient, les courses de Sölden et Zermatt étant des symboles de ce qui ne va plus dans notre climat. C'est finalement arrivé, dimanche. Des activistes du collectif «Dernière génération» ont bloqué l'unique route menant au glacier autrichien. Plus tard, ils ont ensuite partagé une vidéo dans laquelle il était écrit: «Fêter la Coupe du monde n'est pas un crime, l'ignorance du gouvernement en matière de climat en revanche l'est».
Une des militantes racontait: «Je tiens à m'excuser auprès de tous les coureurs et spectateurs que cette protestation irrite, mais notre avenir est en train de fondre sous nos yeux». La police a finalement pu dissoudre le blocus, ce qui a permis de donner le départ de la première manche à 10h00, comme prévu.
🏆⛷️ Weltcup feiern ist kein Verbrechen, die Klima-Ignoranz der Regierung schon ‼
— Letzte Generation Österreich (@letztegenAT) October 29, 2023
🍃Am zweiten Tag des Ski-Weltcups in Sölden legen wir die Hauptzufahrt zur Piste mit einem friedlichen Protest still.#LetzteGeneration pic.twitter.com/u5rCM0dF29
Lorsque Lucas Braathen s'est présenté devant les médias vendredi, personne ne s'attendait à ce qu'il dise: «Je raccroche».A seulement 23 ans, le Norvégien prend sa retraite sportive. La veille, il en avait informé ses coéquipiers. La fédération norvégienne, elle, n'a appris cette décision que quelques minutes avant l'annonce aux médias, par un SMS du père de Braathen.
Sur place, l'émotion était considérable. De nombreux athlètes ont réagi avec surprise et tristesse, tout en félicitant Braathen pour son courage. Auparavant, il avait déclaré:
Ce retrait fait suite à un conflit qui dure depuis longtemps entre les athlètes norvégiens et leur fédération. Des coureurs comme Braathen ou Kristoffersen sont en désaccord sur les questions de droit à l'image. Les spécialistes supposent que ce retrait est une façon de faire pression dans ce conflit. Même si Braathen lui-même n'a jamais cité ces questions de sponsoring dans les raisons qui ont motivé sa décision.
Justin Murisier a réagi à ce sujet: «Je pense qu'il va revenir sous un autre drapeau». Car oui, Braathen possède également la nationalité brésilienne. Pour le ski, son retour serait important. Son excentricité était appréciée sur le circuit de la Coupe du monde, il manquerait beaucoup en cas de retraite définitive.
Adaptation en français: Romuald Cachod.