Son talent est reconnu depuis longtemps. A 20 ans, Lena Häcki, originaire d'Engelberg, ramenait déjà une médaille des Championnats du monde Juniors. Ses débuts en Coupe du monde étaient également prometteurs, la Suissesse ayant rapidement marqué des points au plus haut niveau.
Mais malgré son potentiel et son immense talent, Lena Häcki-Gross a mis du temps à remporter la première course de sa carrière. Il aura fallu attendre janvier 2024 pour qu'elle se hisse enfin en haut du classement, lors de l'individuel d'Antholz-Anterselva.
Ce qui frappe avec Häcki-Gross, c'est évidemment sa folle progression cet hiver. Une évolution si forte qu'aujourd'hui, elle fait partie des favorites à la médaille aux Mondiaux de biathlon à Nove Mesto.
Lena Häcki-Gross l'affirme: elle n'a jamais eu autant confiance en elle. Cette assurance se ressent en compétition, et pour cause, elle affiche cette saison une réussite affolante derrière la carabine. 88% au tir couché - un record pour elle.
Lors de sa victoire à Antholz il y a deux semaines, l'athlète réalisait le sans-faute, le troisième seulement de sa carrière lors d'une épreuve individuelle.
La biathlète de Suisse centrale, qui vit depuis quatre ans à Ruhpolding, là où se trouve le centre de la performance de l'équipe d'Allemagne, occupe cette saison une place de choix parmi la centaine de concurrentes qui arpentent le circuit de la Coupe du monde. Elle est actuellement 7e du classement général et porte le dossard rouge de l'individuel. Elle skie vite (7e meilleur temps), tire encore plus vite (4e meilleur temps).
Sa constance dans les classements est exceptionnelle. En 20 courses de Coupe du monde en 2023/2024, Häcki-Gross n'est jamais descendue en dessous de la 19e place. Mais alors, comment expliquer ses récentes performances ahurissantes? Il y a trois facteurs à cela, et tous sont étroitement liés.
Pendant de nombreuses années, Lena Häcki-Gross a dû faire face à des troubles alimentaires. L'hyperphagie boulimique ne permettait plus à la biathlète de contrôler son alimentation. Elle alternait les crises et les cures d'amaigrissement, et cela la privaient d'une grande partie de ses forces.
Par deux fois, Häcki-Gross s'est fait violence afin de surmonter ses problèmes. Ce sont sans doute les moments les plus difficiles de sa carrière. En 2021, elle admettait avoir besoin d'aide et a suivi un traitement psychiatrique. En 2022, elle révélait publiquement sa maladie.
Que pense-t-elle de tout ça aujourd'hui? La meilleure Suissesse veut avant tout mettre ce sujet de côté.
Sa façon d'aborder les choses a eu un impact sur sa carrière. «En parler publiquement a été un vrai soulagement. Cela a comblé mon désir de donner du courage aux personnes concernées. Je suis fière de moi», explique l'Obwaldienne.
En mettant fin à dix années de troubles, elle a également renforcé sa confiance en elle.
Lena Häcki-Gross recherche l'harmonie. En permanence, dans tous les domaines.
Avec sa propre famille, notamment ses parents, restés à Engelberg, et à qui elle rend visite régulièrement.
Avec son partenaire, Marco Gross, qu'elle a épousé à l'été 2022. Il est à ses côtés, même l'hiver, car il est le skiman de l'équipe de Slovénie.
Et surtout, avec l'équipe de Suisse. Lors des Jeux olympiques de 2022, les choses n'allaient pas très bien pour nos féminines. Lena Häcki-Gross évoque, rétrospectivement, un «déchirement».
Grâce à une psychologue, les relations au sein de l'équipe se sont améliorées. Aujourd'hui, il existe une réelle harmonie. «Nous prenons toutes beaucoup de plaisir, même avec les garçons», raconte la jeune femme de 28 ans. Elle ajoute: «Nous avons beaucoup appris des dernières saisons. Nous abordons les points épineux de manière plus ouverte et directe. Nous avons désigné deux capitaines au sein de l'équipe, qui assument certaines tâches pour le bien du groupe». L'un des deux capitaines se nomme Lena Häcki-Gross.
Ce que montre la Suissesse aujourd'hui à l'avant des courses n'est autre que la conséquence de deux saisons marquées par la régularité. Elle a également vécu un très bel été. Le corps a suivi l'augmentation des charges à l'entraînement, sans jamais broncher.
Le nom de Lena Häcki-Gross figure désormais en bonne place sur les listes de favoris de nombreux experts, présents aux Championnats du monde à Nove Mesto. Une situation nouvelle pour l'Obwaldienne, qu'elle semble bien gérer. Elle raconte avoir discuté de ça avec son préparateur mental de longue date, Manuela Ciotta.
Preuve que la pression ne lui fait pas peur, Häcki-Gross a parfaitement débuté ses Mondiaux. La Suisse a terminé quatrième du relais mixte mercredi, et c'est en partie dû à sa performance. Troisième relayeuse, elle a cédé son témoin en deuxième position, à six secondes de la France, victorieuse un peu plus tard.
Aux Mondiaux de Nove Mesto, la native d'Engelberg veut surtout se concentrer sur son travail de biathlète. Sur ce qu'elle doit faire, et non sur les conséquences de ses actes.
Lena Häcki-Gross ne manque pas de confiance. Interrogée sur ses chances de médaille, elle conclut sereinement: «Je dois être sur la liste».
Adaptation en français: Romuald Cachod.