Sport
Ski

Biathlon: Michael Hartweg est à la base de l'essor en Suisse

Michael Hartweg (premier plan) a développé le biathlon en Suisse depuis 2012.
Michael Hartweg (premier plan) a développé le biathlon en Suisse depuis 2012.Image: imago sportfotodienst/shutterstock

Sans cet Allemand, ce sport n'aurait jamais percé en Suisse

La Coupe du monde de biathlon pose pour la première fois ses skis et carabines en Suisse, à Lenzerheide (GR), de jeudi à dimanche. Sans l'entrepreneur et mécène Michael Hartweg, cet événement aurait été impossible.
14.12.2023, 18:5715.12.2023, 10:10
ralf streule / CH Media
Plus de «Sport»

Lorsque Michael Hartweg a invité les parents à une soirée d'information à Einsiedeln en 2010 pour les informer sur la nouvelle section de biathlon du ski-club, il a réservé une grande salle. Il s'est trompé dans ses estimations. «Il y avait seulement quelques personnes», se souvient-il.

Un an plus tard, il a réitéré l'événement en réservant une salle plus petite. Il s'est à nouveau trompé: «On a été pris d'assaut!»

Allemand d'origine, Michael Hartweg est tombé amoureux du biathlon et de la Suisse.
Allemand d'origine, Michael Hartweg est tombé amoureux du biathlon et de la Suisse. image: Michel Canonica

En fait, cette anecdote n'a rien d'anodin. Elle ressemble à celui qui la raconte: ce que Michael Hartweg entreprend grandit souvent assez vite. Si des épreuves de Coupe du monde de biathlon sont organisées de jeudi à dimanche à Lenzerheide (GR), une première en Suisse, c'est en grande partie grâce à cet entrepreneur de 51 ans. Son lien avec ce sport a débuté par une excursion familiale dans la vallée de Conches (VS).

Un heureux hasard valaisan

Ayant grandi dans le sud de la Forêt-Noire, Michael Hartweg a toujours eu une affinité avec la Suisse et les sports d'hiver. Il a souvent été à Grindelwald ou Laax, même lorsqu'il étudiait l'économie et l'ingénierie à Karlsruhe. En 2007, lorsqu'il s'est lancé à la conquête du monde de la fintech depuis Zurich avec la start-up Leonteq, il a déménagé avec sa famille dans notre pays, à Wollerau (SZ).

Ce triathlète passionné a donné le goût du sport à ses deux enfants. Ils étaient présents à ses côtés lors d'un week-end de ski de fond avec le club de triathlon Zugerland à Goms (VS). Par hasard, ils sont tombés sur la manifestation «Kids Biathlon», combinant le ski de fond et la carabine à air comprimé. Les enfants Hartweg, Julia et Niklas, ont spontanément participé. La fille, l'aînée, a vite été conquise. Son frère, lui, l'a été durablement: Niklas Hartweg (23 ans) est aujourd'hui une figure emblématique du biathlon suisse, qui est en plein essor. La saison dernière, il est monté deux fois sur le podium de la Coupe du monde.

epa10470576 Niklas Hartweg of Switzerland at the shooting range during the zeroing before the Single Mixed Relay race at the IBU Biathlon World Championships in Oberhof, Germany, 16 February 2023. EPA ...
Niklas Hartweg, en février 2023. Image: keystone

Alors que son fils s'accrochait à son hobby et s'entraînait à la carabine avec Amy Baserga – aujourd'hui également biathlète de haut niveau – devant l'entrée du garage, Michael Hartweg se demandait pourquoi il y avait si peu de structures de biathlon en Suisse. Les clubs de tir? Oui. L'intérêt pour le ski de fond? Oui. Alors pourquoi quasi rien en biathlon? «On n'y trouvait pas grand-chose», rembobine l'Allemand d'origine. Son mantra à l'époque était:

«La Suisse est une nation de biathlon. Mais elle ne le sait pas encore»

L'entrepreneur en lui s'est alors éveillé. Avec d'autres familles, il a fondé la section biathlon du ski-club d'Einsiedeln, convaincu du fort potentiel de ce sport à l'intérieur de nos frontières. «Au niveau international, le biathlon est une affaire énorme, avec des taux d'audience quatre fois plus élevés que le ski de fond, et même plus importants que le ski alpin», souligne-t-il. Alors oui, les événements de Coupe du monde sont une affaire lucrative.

Des idées plein la tête et une révolution

Hartweg raconte ces histoires dans un espace de co-working à Zurich, où il a loué un local pour sa dernière start-up. Avec Jan van Berkel, ancien triathlète professionnel, il travaille sur l'application de suivi de fitness «Muuvr». Les idées fusent. Le Suisse d'adoption est enthousiaste, comme quand il a lancé Leonteq. «Nous étions fous, nous avons pris des risques, nous avons tout réinvesti», rembobine-t-il. La vente de sa part de la société il y a sept ans lui a permis d'amasser une grande fortune. Il continue à être actionnaire d'entreprises de fintech. «Il faut aussi de la chance», glisse-t-il.

Les installations de Lenzerheide pour la Coupe du monde de biathlon.
Les installations de Lenzerheide pour la Coupe du monde de biathlon.image: instagram

Et justement, sa chance financière a été la chance de Lenzerheide. En 2005, il y avait des projets de construction d'un parcours international de biathlon. Hartweg, qui avait acheté un appartement de vacances dans la station grisonne, a financé l'infrastructure via Leonteq, convaincu de «l'aura» du projet.

«En Coupe du monde, Lantsch (réd: le lieu exact de la piste), de par sa belle situation, n'est comparable qu'à Antholz dans le Tyrol du Sud», s'enflamme-t-il. Mais les choses n'avançaient pas. Alors, dès 2012, l'entrepreneur a commencé à investir à titre privé.

Présentation des épreuves de Lenzerheide👇

Au total, il a mis des dizaines de millions de francs dans cette infrastructure, la Nordic House, y compris la restauration et l'hébergement. Mais il voulait que tout cela repose sur une large base, alors il a suivi une stratégie qui devait révolutionner le biathlon en Suisse: relève, infrastructure, compétition et sport de masse. Avec sa femme Carola Hartweg, il a aussi créé la fondation «Mission Biathlon». Jusqu'à aujourd'hui, celle-ci est soutenue par de nombreux donateurs et donatrices.

Silver medalists Amy Baserga of Switzerland, left, and teammate Niklas Hartweg, pose after the single mixed relay race at the IBU European Open Biathlon Championships, on Sunday, January 29, 2023, in  ...
Niklas Hartweg et Amy Baserga sont tous deux devenus des biathlètes d'élite.Image: KEYSTONE

Michael Hartweg dit aujourd'hui que ses collaborateurs et lui ont «provoqué le système», l'ont titillé pour le faire se développer. Ils ont fait appel à des personnes de haut niveau comme Michael Greis, le triple champion olympique allemand, pour entraîner la relève. Ce faisant, ils ont aussi «challengé» la Fédération suisse de ski (Swiss Ski), en empiétant sur ses plates-bandes. «Tout le monde ne voyait pas cela d'un bon œil», se souvient le quinca. C'est à cette époque que Swiss Ski a eu l'envie (ou la pression?) de s'occuper du biathlon et de le renforcer dans les structures de la fédération.

Complémentarité et «bébé abandonné»

Très tôt, il a été clair pour Hartweg que le financement de l'installation ne serait possible que par le biais de courses de Coupe du monde ou même de Championnats du monde. Des événements comme les Mondiaux juniors en 2020 ont permis au comité d'organisation local de se familiariser avec ces tâches. A l'époque, la Biélorussie ayant été exclue du calendrier pour des raisons politiques, les Championnats du monde 2025 ont été attribués à Lenzerheide avec une rapidité surprenante puis ce fut au tour des épreuves de Coupe du monde 2023.

Lea Meier of Switzerland in action during the women's 7.5 km sprint race at the IBU Biathlon World Cup, on Thursday, December 14, 2023, in Lenzerheide, Switzerland. (KEYSTONE/Gian Ehrenzeller)
La Suissesse Lea Meier ce jeudi sur la piste de Lenzerheide. Image: KEYSTONE

Swiss Ski était depuis longtemps sur le coup. Hartweg avait besoin de la fédération parce que l'attribution des compétitions passait par cet organe et la fédé avait besoin de Hartweg car son installation, la Biathlon Arena Lenzerheide AG, lui appartenait. Mais il a fallu tout à coup créer en un temps record des relations claires entre l'Allemand d'origine et Swiss Ski, qui ont toujours bien coopéré, comme le disent les deux parties, mais qui ont toujours eu des approches et des rythmes différents.

A cette époque, la stratégie de Swiss Ski consistait depuis longtemps à organiser de grandes manifestations internationales dans le pays. La fédération a repris l'ensemble des installations, y compris la Nordic House. Un premier pas vers l'abandon de son «bébé» pour Michael Hartweg.

Ce dernier est resté au conseil d'administration de la Biathlon Arena Lenzerheide AG. Il s'est toujours battu pour que le comité d'organisation local soit impliqué dans les grandes manifestations.

Il y a toutefois un point sur lequel les visions de l'entrepreneur et de Swiss Ski divergeaient: la construction d'un autre bâtiment d'ici les Mondiaux de 2025. L'installation devait être entièrement consacrée au sport, tandis que la Nordic House aurait réuni uniquement la gastronomie et l'hébergement.

Hartweg était tout feu tout flamme. Mais Swiss Ski y a renoncé, même si l'idée est toujours sur la table avec la recherche d'une solution qui serait «une plus-value pour le tourisme, la population et le sport».

Lea Meier of Switzerland, right, and competition during the mixed relay race at the IBU European Open Biathlon Championships, on Sunday, January 29, 2023, in Lenzerheide, Switzerland. (KEYSTONE/Gian E ...
A Lenzerheide, tout est prêt pour la première de la Coupe du monde.Image: KEYSTONE

Michael Hartweg aurait aimé aller de l'avant et même ouvrir une nouvelle fois son porte-monnaie:

«Notre site est en concurrence avec d'autres lieux pour la Coupe du monde. Avec la nouvelle infrastructure, on aurait augmenté les chances d'obtenir une place fixe dans le calendrier»

Le fait qu'il ait récemment quitté le conseil d'administration de la Biathlon Arena Lenzerheide AG n'est pas étranger à ce désaccord, même s'il n'a aucune rancoeur contre Swiss Ski. Cette première épreuve de Coupe du monde en Suisse est le bon moment pour lâcher définitivement son «bébé».

Et que se passera-t-il si, dans quelques années, Swiss Ski demande une aide financière pour le nouveau bâtiment? «Dans ce cas, je serai comme toujours à l'écoute.»

Adaptation en français: Yoann Graber

Voici à quoi pourrait ressembler la Suisse en 2085
1 / 10
Voici à quoi pourrait ressembler la Suisse en 2085
partager sur Facebookpartager sur X
Alicia Keys se produit dans une gare londonienne
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Paris 2024: des athlètes envisagent de participer aux «Jeux pour dopés»
L'homme d'affaires Aron D'Souza - qui compte lancer en 2025 la toute première édition des Enhanced Games, une compétition sans le moindre contrôle antidopage - profite de l'engouement autour de Paris 2024 pour en dévoiler davantage sur son concept. Il affirme que des athlètes sélectionnés pour les Jeux de Paris envisagent de participer à ces «Jeux améliorés».

Aron D'Souza, un Australien désormais établi à Londres, affole le monde du sport. Et pour cause, il souhaite organiser les Enhanced Games, autrement dit des «Jeux améliorés», où il n'y aurait aucun contrôle antidopage.

L’article