«Messieurs bonjour!!! Changement de programme pour demain, rendez-vous 19h30 à Lonay pour un match amical». Jouer au foot n'est autorisé que depuis quelques heures et notre entraîneur nous réserve déjà une première feinte. Pour tester notre motivation (clairement en baisse depuis le Covid), le coach nous a fait croire, jusqu'au dernier moment, qu'il s'agirait d'un énième entraînement sans véritable compétition.
Il est donc 18h, lundi soir, quand j'apprends que - pour la première fois depuis huit mois - je vais pouvoir jouer au foot pour de vrai: sur un grand terrain, avec des adversaires, un coach, un arbitre, des maillots et la musique de la Ligue des Champions qui résonne. Désolé, je m'emballe mais c'est l'excitation. Les accros du ballon ont été privés de leur drogue pendant trop longtemps.
Huit mois, autant dire une éternité. Pour faire simple, même blessé, je ne suis jamais resté aussi longtemps sans jouer un match de foot. Mais le plaisir de retrouver les terrains est vite perturbé par une légère appréhension. Comment mon corps va-t-il réagir après une si longue pause? Est-ce que je sais encore me placer sur un terrain? Aller au duel avec un adversaire?
Tout en préparant mon sac, j'ai un mauvais pressentiment. Les pros se sont blessés en nombre quand ils ont repris la compétition, alors pourquoi pas nous? Dans le doute, je glisse une genouillère et une chevillière dans mon sac. À 32 ans dont 28 passés à taper dans un ballon, j'ai appris à être prévoyant...
Arrivé à Lonay (VD) mes doutes se confirment, c'est un terrain synthétique qui nous attend: le royaume des blessures. Plusieurs de mes coéquipiers font la grimace. Du moins, j'imagine parce que, dans le vestiaire, c'est masque obligatoire. Mais cela ne gâche pas notre joie de nous retrouver, d'enfiler à nouveau short, maillot et chaussettes. Les crèmes chauffantes sont de sortie, chacun tente de préparer au mieux ce choc du retour à la compétition.
La théorie de l'entraîneur sera brève: «prenez des risques avec le ballon, amusez-vous, allez-y doucement, ça fait huit mois que vous n'avez plus joué. L'important, c'est de courir un maximum pour préparer la reprise du championnat.»
Le coach a vu juste, dès l'échauffement, il y a tout qui grince: le genou qui couine, la cuisse qui tire. Autant dire que je ne donne pas cher de ma peau, ni de mes articulations. J'imagine assez bien finir la soirée aux urgences... ou en tout cas sur le banc avec une poche de glace. On en plaisante entre nous mais chacun semble avoir cette crainte dans un coin de la tête. Après huit mois sans foot, ce serait dommage de terminer la saison avant même qu'elle ne reprenne.
Pas le temps de réfléchir, déjà l'arbitre siffle le début du match. C'est (re)parti! Premier constat, jamais un terrain de foot ne m'a paru aussi grand. J'échange un regard avec mon adversaire du soir et il semble partager mon sentiment. Dès le premier duel, les mesures sanitaires volent en éclats. Ça se rentre dedans, ça s'aide à se relever, ça se tape dans les mains et, désolé Monsieur Berset, mais 1 mètre 50 de distance pour marquer un adversaire sur un corner, c'est inenvisageable.
Sinon, bonne nouvelle, je n'ai apparemment pas tout oublié. Il y a bien quelques mauvaises passes, deux-trois glissades mais les automatismes reviennent étonnamment vite. C'est fou ce qu'une jolie frappe, un beau «une-deux» ou un simple retour défensif peuvent faire plaisir. Le match en lui-même? Pour votre propre bien, je ne vais pas tout vous raconter. Si vous êtes amateur de football des talus, vous voyez à quoi ça ressemble. Et pour les autres, voici un aperçu en vidéo 👇.
Les minutes passent, les courses se répètent et je suis toujours sur le terrain. En fin de match, je m'offre même le luxe de marquer un goal, ce qui m'arrive, il faut l'avouer, assez rarement. Pour tout vous dire, mon coéquipier chargé de prendre les photos depuis le banc était tellement choqué qu'il a oublié d'immortaliser la scène (mais j'ai des témoins...).
Le coup de sifflet final retentit et, à ma grande surprise, je suis en un seul morceau. Les muscles tirent dans tous les sens mais ça va. 90 minutes, un but, une victoire et aucune blessure: en fait, cette soirée était plutôt réussie! Le score? 7 à 3, de (très) jolis goals, quelques erreurs, un véritable match de reprise. On est contents d'avoir gagné mais, pour la fameuse troisième mi-temps, on va attendre encore un peu. On est beaucoup trop fatigués pour ça.
Ce qui n'enlève rien au plaisir unanime d'avoir pu retrouver notre sport favori. Gagnants comme perdants ont le sourire en sortant du terrain. Durant une heure et demie, la pandémie a semblé n'avoir jamais existé. Pourtant, une fois dans les vestiaires, le Covid se rappelle très vite à nous:
FC Lonay (4e ligue) 3 - 7 FC Cheseaux (3e ligue); Arbitre: plutôt bon pour une reprise; Spectateurs: 19 (et c'est pas la faute du Covid).