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Roland-Garros: pour la première fois depuis 20 ans, tout est ouvert

Spectators watch first round matches at the French Open tennis tournament in Roland Garros stadium in Paris, France, Sunday, May 22, 2022. (AP Photo/Christophe Ena)
A Roland-Garros, cette année, toutes les têtes de série semblent se ressembler.Image: AP

Pour la première fois depuis 20 ans, Roland-Garros n'a pas de favori

En l'absence de Rafael Nadal, aucune tendance ne paraît fiable. Trop fragiles, trop pessimistes, trop prises de tête: les meilleurs ont tous un petit défaut. Radiographies avant un Roland-Garros très incertain.
26.05.2023, 06:0726.05.2023, 07:12
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Point positif: Roland-Garros est enveloppé d'un épais mystère et ce manque de clarté ne doit rien aux grévistes qui menacent de couper le courant. Point négatif: l'absence de hiérarchie, par là même de grande rivalité, excite la curiosité autant qu'elle nous prive d'une attente. Il n'y a aucune finale de rêve, aucun favori logique, et nul ne sait trop s'il faut saluer la nouveauté avec la même fougue que, naguère, on mettait à embrasser la cause de Nadal, Djokovic ou Federer.

Depuis la première conquête de l'Espagnol en 2005, jeune flibustier arrivé en pantacourt et en débardeur vert, jamais le tournoi masculin n'est paru aussi ouvert. Rafael Nadal n'est pas là et il y a les autres, tous les autres, avec leurs petits plus et leurs petits coups de moins bien.

Novak Djokovic:
trop rouillé

Djokovic débarque à Paris sans repère, cinq victoires en trois tournois, aucun vrai exploit. Après une élimination rapide à Rome, tout ce qu'il a trouvé à dire est que l'air était trop humide et la terre trop grasse - certains sujets sont-ils si délicats qu'il faille absolument parler de la pluie et du beau temps? Ses 35 fautes directes contre Holger Rune sont aussi inexplicables que l'intervention du médecin à son chevet.

Sacré à l'Open d'Australie, Djokovic est presque méconnaissable depuis. Il traine de vieilles douleurs à un coude et une nouvelle solitude farouche, privé de ses ennemis de toujours, abandonné à ses doutes et son record suprême, ce 23e titre du Grand Chelem qui ferait de lui le seul, l'unique - l'oeuvre de toute une vie et toute une famille. Mais Djokovic est-il toujours Djokovic?

Daniil Medvedev:
trop pessimiste

Il répète que la terre battue n'est pas son truc, qu'il en ressort les semelles crottées et la réputation entachée, le corps lessivé. Il voit des rebonds et des trous partout, tellement qu'il ne fait même plus attention où il met la balle. Et c'est peut-être sa chance, au fond...

C'est à se demander si, avec la terre battue, Medvedev n'a pas trouvé le moyen de fédérer ses démons intérieurs autour d'une obsession commune, une sorte de péril ocre. Le sentiment de persécution est un vieux ressort de la psychologie sportive: plus Medvedev proteste contre la terre battue, moins il peste contre lui-même.

«Un joueur qui se persuade qu'il est mauvais dans un domaine oeuvre à sa propre incompétence», prévenait le coach Patrick Mouratoglou au sujet du Russe, déplorant un pessimisme fatal. Mais Daniil Medvedev n'est pas comme tout le monde. Il n'obéit à aucune évolution rationnelle. Il joue au tennis avec l'instinct d'un coyote et la foulée d'un poulain dégingandé. Aucun joueur ne développe des apparences aussi trompeuses de lenteur, de gaucherie et de candeur, que ce faux calme au tennis conspirateur.

En réalité, n'étaient quelques vilaines glissades, Medvedev a tout pour réussir sur terre battue: la compréhension du jeu, la maîtrise des rythmes, la science de l'attente, le sens du labeur. Mais en est-il suffisamment convaincu?

Carlos Alcaraz:trop fragile

Le jeune espagnol est le favori de Tim Henman, à tout le moins son préféré: «Peu de personnes peuvent le battre sur terre battue. Alcaraz est très complet. Il sert mieux, plus fort, et avec plus de précision qu'à ses débuts. Il ne commet pas d’erreurs. Il se déplace incroyablement bien. Il varie, monte au filet, tente des amorties. Son coup droit et son revers en fond de court sont incroyables.»

En temps normal, dans des conditions normales, Carlos Alcaraz serait le grand favori de Roland-Garros. Alors bien sûr, il ne faut pas accorder une importance exagérée à sa défaite contre Fabien Marozsan, 135e mondial, un spécialiste des jeux d'adresse dont le culot, ce jour-là, frisait le cabotinage. Mais l'attention qu'Alcaraz porte à sa santé, les précautions qui l'escortent à seulement 20 ans, insinuent un sentiment de fragilité. S'il atteint la finale, le No 1 mondial n'aura aucun mal à gérer son stress. Mais dans quel état sera-t-il?

Casper Ruud: trop poli

Casper Ruud est un garçon intelligent, bien élevé, dont Roger Federer dit à leur première rencontre qu’il avait l’élégance de ne pas couiner sur le court et la courtoisie de ne pas le faire attendre - pas comme «d'autres», avec leurs maniaqueries de névrosés tendus du caleçon, semblait-il insinuer.

Casper Ruud of Norway attends a press conference during the ATP 250 Geneva Open tournament, Tuesday, May 23, 2023 in Geneva, Switzerland. (KEYSTONE/Valentin Flauraud)
Casper Ruud.Keystone

C’est là tout le charme et, en même temps, la faille de Casper Ruud: comment un garçon aussi bien élevé peut-il avoir la vanité, l'outrecuidance de postuler aux honneurs suprêmes? Comment son tennis professoral peut-il suffire à lui donner une chance, ne parlons même pas d’un ascendant, face à des adversaires moins urbains, rompus aux codes de la confrontation humaine?

Ecrasé sous le poids de l'événement l'an dernier, Ruud a perdu en finale sans la moindre velléité de rébellion, en chic type. Mais tout le monde peut changer...

Stefanos Tsitsipas:
trop prise de tête

Ceux qui ne s'intéressent qu'au physique ne sont pas insensibles à son tennis viril, basé sur une forte puissance en fond de court. Sans oublier ce revers à une main d'une élégance surannée qui, dans les accès de colère, résonne comme une gifle. Ou son service costaud. Ou son autorité tactique.

Le problème, c'est tout ce qu'il y a autour. Ce sont des défaites durement vécues et une estime péniblement gagnée. C'est une différence que Tsitsipas revendique et cultive loin de ses semblables, par une fraîche rosée du matin où il gambade nu dans les fougères (métaphore), avec ses postures de demi-dieu grec et des leçons de morale à deux balles de break sur l'écologie, la Russie, la vie.

L'autre problème, bassement terre-à-terre, ce sont ses défaites successives en finales de Grand Chelem (3, comme avant lui les perdants magnifiques que furent brièvement Andy Murray et Ivan Lendl). Stefanos Tsitsipas peut-il devenir un champion? Peut-il devenir mieux qu'«un super joueur», «un gars spécial», «un poète maudit», un allant spontané dans la dérive sécuritaire du tennis-pourcentage? Tout ceci reste à prouver.

Holger Rune: trop tôt

Il vient de battre trois fois Djokovic et forcément, ce ne peut pas être un hasard. Holger Rune est conscient de ses progrès, conscient surtout de sa valeur: «J'ai toutes mes chances en Grand Chelem, au meilleur des cinq sets, contre n'importe qui et sur n'importe quelle surface.»

Son coach, Patrick Mouratoglou, décrit un garçon sûr de ses forces, d'une force de travail énorme à une force de conviction hors norme: «Il est complètement habité par ce sport. Quand il n'est pas en train de jouer, il regarde des vidéos de tennis toute la journée. Il a une croyance forte dans sa capacité à réussir. C'est un passionné qui croit en lui.»

Rune est aussi un habitué des crisettes et des disputes. Ses vociférations effrontées sur le court ont façonné une image de baby-boss biberonné à la taurine, capable de tout et même, certes, de remporter bientôt un Grand Chelem. On peut éventuellement le regretter. Mais on peut difficilement l'exclure.

Les autres: trop loin

Il y aurait bien Jannik Sinner mais son approche un peu mécanique, son tennis carré, sa condition physique parfois suspecte, semblent peu adaptés à la terre battue.

Il y aurait bien Andrey Rublev (ATP 7 quand même) mais le Russe n'a jamais franchi les quart de finale en Grand Chelem, un plafond de verre sur lequel il semble buter avec une fébrilité étrange.

Il y a peut-être Stan Wawrinka, Taylor Fritz, Félix Auger-Aliassime, ou même Lorenzo Musetti, mais leur victoire n'aurait eu aucune prémisse.

Il entre dans le top 100 et craque
Video: watson
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